Alain Bouissière

 

 

 

LE BAR DU SUBJONCTIF

 

 

 

Préface de Jean Dutourd

 

 

 

Publication du groupe « Ebooks libres et gratuits » – http://www.ebooksgratuits.com/

 

 

 

Table des matières

 

Préface.

Avertissements

Le subjonctif au bistrot

Subjonctif contre impératif

Le subjonctif malin

Singulier subjonctif

Truculent subjonctif

Le subjonctif en chantant

S. O. S. subjonctif

L’humour au subjonctif

L’amour au subjonctif

Le subjonctif ressuscité

Le subjonctif de 7 à 97 ans

Les subjugués du subjonctif

Les croisé(e)s du subjonctif

Le tour du monde en subjonctif

Le subjonctif et les neurones passifs

Le subjonctif et les médias

Le subjonctif et les associations

Le subjonctif à l’hôtel de Londres

Jouons au subjonctif

Annexes et documents

Note aux fils spirituels de Maurice Grevisse

À propos de cette édition électronique

 

Préface

 

Longtemps j’ai eu, à l’égard de l’imparfait du subjonctif, des sentiments filiaux, c’est-à-dire que je lui étais très attaché, mais que je n’avais pas envie d’être vu en sa compagnie.

 

Il est dur pour un jeune écrivain français de traîner avec soi, dans tous les omnibus où la vie nous oblige à monter, ce fichu imparfait du subjonctif qui attire l’attention amusée ou moqueuse des voyageurs.

 

L’imparfait du subjonctif est d’un autre âge. Il n’a pas le costume de notre temps. Il a une façon d’être lui-même, sans discrétion, avec un naturel que l’on pourrait trouver charmant jadis, mais qui paraît aujourd’hui le comble de la pose.

 

Relativement à l’imparfait du subjonctif, cela m’est arrivé vers l’âge de vingt-cinq ans, lorsque j’ai écrit mon premier livre. Je me suis soudain rendu compte que cette forme verbale était indispensable à l’expression juste de la pensée ; mieux encore : que si je ne l’utilisais pas dans les circonstances où sa présence était requise, je flanquais par terre la grammaire française.

 

M’avait-on assez rompu les oreilles au lycée, dans les classes de français, de latin et de grec, avec la concordance des temps ! Mais celle-ci n’était pour moi qu’une des innombrables lubies des professeurs, qui ne servent à rien dans la suite de l’existence, comme la Constitution de l’An I où la règle des trois unités. Les professeurs disaient « concordance des temps » comme ils auraient dit « Mignonne, allons voir si la rose » ou « Mon père, ce héros ». C’était une vaine incantation parmi des centaines d’autres, et dont je ne daignais pas même chercher le sens.

 

Flanquer par terre la grammaire française, quand on n’est plus un petit sauvage qui ne connaît rien à l’art, à la beauté, à la civilisation, est une chose terrible. À vingt-cinq ans, lorsque les imparfaits du subjonctif, appelés impérieusement par la concordance des temps, apparaissaient dans mon livre, j’avais certes grande envie de les métamorphoser en présents du subjonctif, mais cela eût donné à mes phrases, mes belles phrases que j’équarrissais avec le sérieux d’un tailleur de pierre, un air commun dont j’eusse été désespéré. Chaque fois que cela pouvait se faire, je rusais avec cette insupportable concordance des temps que rejetait mon siècle, que j’eusse volontiers rejetée comme lui, mais envers laquelle je ne pouvais m’empêcher d’éprouver à la fois de l’attachement atavique et des remords de mauvais fils.

 

Lorsque l’imparfait du subjonctif était exceptionnellement provocant, j’exécutais des acrobaties de style pour lui substituer un infinitif et, dans les cas tout à fait graves, s’il n’était pas possible de l’esquiver, j’avais trouvé l’expédient de le mettre en italique, typographie censée suggérer au lecteur que je n’étais pas dupe de mes afféteries passéistes, que j’en souriais avec lui.

 

Les réalistes proclament que le français doit s’adapter au monde d’aujourd’hui et « devenir compétitif », c’est-à-dire s’abaisser à être un sabir de marchands, de savantasses, de politiciens, de voyageurs à appareils photo, afin de faire pièce à l’anglais, ou plutôt à l’américain, qui triomphe dans ce genre mineur. La majorité de la population a l’air fort attachée à sa langue maternelle et à la façon dont on l’écrit dans les livres. Extirper le français des têtes françaises est peut-être un travail plus difficile qu’il n’y paraît. Quand on refuse de s’adapter au monde, on constate, à la longue, non sans une agréable surprise, que c’est ce monde qui prend le parti de s’adapter à vous.

 

Il est sans doute chimérique de défendre la complication contre la simplification ou, si l’on préfère, la civilisation contre la barbarie, mais je suis sûr que c’est le seul moyen de ne pas mourir. Le français est notre trésor. Nul héroïsme, nulle folie, jusqu’à ressusciter cent fois par jour l’imparfait du subjonctif, ne saurait nous rebuter pour le conserver intact. C’est un devoir que nous avons envers du Bellay, La Fontaine, Saint-Simon, Molière, Voltaire, le père Hugo, Balzac, Proust.

 

Jean DUTOURD (adhérent 310)

de l’Académie française.

 

Extrait de son discours prononcé le 30 novembre 1989,

 

Des vertus de l’imparfait du subjonctif, Imprimerie nationale, Paris, 1989.

 

Avertissements

 

Léon Bloy : « On peut être un imbécile et pratiquer tout de même l’imparfait du subjonctif, cela s’est vu ! Mais la haine de l’imparfait du subjonctif ne peut exister que dans le cœur d’un imbécile »

 

Je ne suis malheureusement pas un écrivain, mais devant ce fatras de lettres, de documents et confronté à tous ces témoignages de sympathie, je me sens investi d’une mission et je me dois de mener à bien cette tâche que je ne peux déléguer !

 

Premier souci, fallait-il employer ici le passé simple et l’imparfait du subjonctif ?

 

Second souci, fallait-il corriger les fautes de nos correspondants ?

 

À tous ces sympathiques correspondants, merci pour votre collaboration et votre amitié !

 

À tous mes lecteurs, merci pour votre indulgence !

 

A. Bouissière

 

« Les remarques des fautes d’un ouvrage se feront avec modestie et civilité, et la correction en sera soufferte de la mesme sorte. »

 

« Statuts & Reglemens de l’Academie françoise » du 22 février 1635, art. XXXIV.

 

« Quant aux fautes qui se pourraient trouver en l’impression, comme de lettres transposées, omises, ou superflues, la première édition les excusera, et la discrétion du lecteur savant qui ne s’arrêtera à si petites choses. »

 

Joachim Du Bellay, Adresse au lecteur en postface de la « Deffence et Illustration de la langue francoyse », 1549.

 

Le subjonctif au bistrot

 

De nombreux sympathisants viennent à Monpazier comme les musulmans vont en pèlerinage à La Mecque, et, entre deux services, je m’efforce, à leur demande, de leur donner quelques « cours de rattrapage ».

 

La tête pleine de « il serait séant que vous me servissiez », les clients, en repartant, s’entraînent dans leur voiture au maniement de ces subtiles conjugaisons au grand dam des premiers commerçants qu’ils rencontrent.

 

Un jour, je m’arrête à une station service à 30 km de Monpazier. Généralement, je n’utilise ces temps que lorsque je peux le faire avec humour…

 

Ce jour-là, spontanément, j’annonce :

 

– J’aimerais que vous me servissiez 100 F de gas-oil.

 

Stupeur… !… Le pompiste excédé prend la pompe et grommelle :

 

– Font chier ces cons ! Ils viennent encore de Monpazier ! Servisse… servisse… N’ont que ça à foutre ! Merde… (sic)

 

Je n’ai pas osé lui dire que c’est moi qui avais lancé l’affaire !

 

* * *

 

Neuf fois sur dix, la première question posée par les visiteurs et les journalistes est :

 

« Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de créer cette association ? »

 

Cette création résulte d’un concours de circonstances.

 

Nous sommes en mars 1996 et nous nous prenons la direction de l’hôtel de Londres et de son bar-restaurant « Le Pardailhan », petit établissement d’une dizaine de chambres situé à l’entrée nord de Monpazier, magnifique bastide créée par Edward 1er d’Angleterre en 1284 dans le sud du Périgord, à la frontière de l’Agenais.

 

D’importants travaux de réhabilitation venaient d’être terminés après deux bonnes années de polémique locale. Une esplanade, espace minéral, décidé par les Bâtiments de France, s’étendait désormais devant les deux portes d’entrée médiévales et l’hôtel ressemblait à un grand navire échoué au carrefour des routes de Sarlat, de Bergerac et de Cahors.

 

Nous nourrissions de grands projets d’animation pour cette nouvelle place et, pour gérer les manifestations estivales, nous avions besoin de créer une association de quartier type loi de 1901, mais le projet initial avait avorté sous la pression de l’Association des Commerçants et des Artisans de Monpazier.

 

Nous avions l’intention de faire un pied de nez à ces barbons et, pour cela, nous étions en quête d’une idée, d’une part originale et humoristique pour animer notre bar et, d’autre part médiatisable pour doper la promotion touristique de Monpazier à peu de frais.

 

Depuis l’âge de dix-neuf ans – j’en ai hélas cinquante-trois, étant né la même année que la première grammaire des époux Bled[1], en 1946 – quand mes amis étaient lassés d’entendre mes trop fréquents « il serait séant… », je les priais de m’excuser en promettant : « Un jour, je monterai une association pour réhabiliter l’emploi du passé simple et de l’imparfait du subjonctif dans le langage parlé ! »

 

Le prétexte était là… Il ne restait plus qu’à passer aux actes.

 

Bernard Pouzet, plus spécialement responsable des animations locales, était nommé président. Jean-Christophe Lorblancher, le trésorier et moi-même, secrétaire, devions assurer la mission culturelle et médiatique du comité.

 

C’est Jean-Christophe qui invente l’appellation CO. R. U. P. S. I. S.

 

Cet acronyme qui engendre la curiosité, voire la méfiance, par son analogie au mot corruption, a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Quelques correspondants lui ont même trouvé une étymologie latine CORUPSO, foncer en avant comme un taureau… Personnellement, je n’ai découvert dans le bon vieux Gaffiot que CORUSCO, cosser, heurter de la tête, briller, étinceler, agiter, brandir, darder, secouer.

 

Le reste n’est qu’une heureuse coïncidence !

 

L’affaire, je l’avoue, a été lancée comme un canular.

 

Témoin, l’article suivant paru dans le journal local, La Gazette du Monpaziérois.

 

AU FOIRAIL NORD, LA RÉHABILITATION FAIT DES ÉMULES…

 

Tout le monde croyait que la bastide de Monpazier avait enfin retrouvé son calme après les aménagements qui suscitèrent les plus vives critiques.

 

Le foirail nord qui fut si longtemps le point de mire des antitravaux de réhabilitation, est, depuis peu, le théâtre d’un nouveau mouvement intellectuel prônant un langage plus approprié aux vieilles pierres du village. De leur siège social établi au bar de l’Hôtel de Londres, le Pardailhan, un groupe de passionnés du « bien parler » français a lancé le défi suivant :

 

Réhabiliter et remettre en usage l’utilisation du passé simple et de l’imparfait du subjonctif.

 

« IL SERAIT SÉANT QUE VOUS PARLASSIEZ AINSI ! » déclarent-ils à tout instant.

 

« NOUS LE PUMES, IL SERAIT SEANT QUE VOUS LE PUSSIEZ AUSSI… » insistent-ils !

 

Le CO. R. U. P. S. I. S., c’est donc le COmité pour la Réhabilitation et l’Usage du Passé Simple et de l’Imparfait du Subjonctif.

 

L’embryon de cette révolution culturelle a été inséminé dans la matrice monpaziéroise au mois de mai 1996. Les nombreux adeptes se donnent neuf mois pour que l’ensemble de la francophonie assiste à ce renouveau intellectuel.

 

En attendant, au bar le Pardailhan, au moment privilégié de l’apéritif, les adeptes se perfectionnent grammaticalement sous la houlette du patron au surnom évocateur : Alain-Parfait du Subjonctif.

 

L’association CO. R. U. P. S. I. S. a été déclarée le jeudi 2 mai 1996 à la sous-préfecture de Bergerac.

 

Elle se réfère à un arrêté du 26 février 1901 qui tolérait l’usage du présent du subjonctif (chapitre Imparfait du Subjonctif du Bled).

 

La carte de membre adhérent coûte 10 Francs et elle est disponible à l’Hôtel de Londres à Monpazier 24540 – tél. 05 53 22 60 64.

 

Sponsors autorisés.

 

La signature, Alain-Parfait du Subjonctif, sentait la blague de potache.

 

Les chapitres à venir vont prouver qu’il y a bien des adeptes dans la francophonie pour l’usage de l’imparfait du subjonctif et du passé simple.

 

Lors de sa création, l’objet de l’association était la réhabilitation et la remise en usage dans le langage parlé du passé simple et de l’imparfait du subjonctif ainsi que l’abrogation de l’arrêté ministériel du 26 février 1901.[2]

 

C’est pour cette raison que deux lettres ont été adressées, la première à Daniel Garrigue, député du canton de Monpazier à cette date, et l’autre au préfet de Dordogne.

 

Monsieur Daniel Garrigue

Député Maire

Hôtel de Ville

24100 BERGERAC

 

Objet : Requête

 

Monsieur le député-maire,

 

Nous avons l’honneur par la présente de vous demander de bien vouloir intervenir auprès des services ministériels concernés pour demander l’abrogation de l’arrêté ministériel du 26 février 1901.

 

Cet arrêté permit la tolérance du présent du subjonctif après un conditionnel présent dans la principale. Exemple : « Il faudrait que je boive » à la place de « Il faudrait que je busse ».

 

C’est à la suite de cette perfide tolérance que, dans le langage parlé, le très poétique imparfait du subjonctif tomba en désuétude.

 

Il serait donc séant que les pouvoirs publics rendissent à cette conjugaison qui a une sonorité si particulière, la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter.

 

En cette période où la langue française est menacée dans le monde, il serait impératif que vous vous intéressassiez à notre requête et, en tout premier lieu, obliger les médias dans leur ensemble, à utiliser l’imparfait du subjonctif en suivant les règles de la concordance des temps et, d’autre part, utiliser le passé simple à la place du passé composé.

 

Notre opiniâtreté sera sans faille et nous mettrons toute notre énergie, derrière vous, avec nos sociétaires, pour faire prévaloir nos desiderata.

 

Une telle réforme culturelle dont vous seriez l’instigateur (la « Loi Garrigue », par exemple), pourrait logiquement, vous apporter le portefeuille de la Culture.

 

Nous fondons tous nos espoirs sur votre action politique et nous vous prions de croire, Monsieur le député-maire, en notre considération très distinguée.

 

Le secrétaire, Alain Bouissière,

dit Alain-Parfait du Subjonctif.

 

La lettre d’information adressée à monsieur le préfet à Périgueux se terminait par :

 

« Une telle action réformatrice lancée depuis notre cher Périgord doit logiquement avoir des retombées médiatiques sur notre dynamique sud-ouest.

 

Nous vous remercions de la bienveillance que vous daignerez accorder à notre action culturelle, et nous vous prions… »

 

Nous faisions référence au paragraphe « Concordance ou correspondance des temps » des tolérances orthographiques admises dans les examens et concours dépendant du ministère de l’Instruction Publique (arrêté ministériel du 26 février 1901) et du ministère de la Guerre (circulaire du 15 mars 1901).

 

Nous avions retrouvé les traces de ce texte grâce à la grammaire Bled, édition 1954, 48e leçon : Imparfait du Subjonctif, (p. 184), et nous pensions naïvement que l’abandon de ce temps datait de cette époque.

 

Curieuse coïncidence, vous remarquerez qu’il est signé Georges Leygues, né nonante ans avant moi à Villeneuve-sur-Lot le 30 octobre 1856, que cette ville se trouve à quarante-cinq kilomètres au sud de Monpazier et que j’ai été élève du lycée Georges-Leygues où rôde le fantôme du regretté Paul Guth.

 

Georges Leygues est une figure locale en Agenais et dans le sud du Périgord. Il est intéressant de s’attarder sur ce personnage pour connaître les motivations des réformes qui ont abouti au fameux arrêté de 1901.

 

« Ce fut le 30 mai 1894 que le député de Villeneuve, Georges Leygues, réélu à de fortes majorités en 1889 et 1893, devint ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts, à l’âge de 37 ans, dans le deuxième Cabinet Dupuy.

 

« Après un passage au ministère de l’Intérieur dans le Cabinet Ribot, Georges Leygues reprit l’Instruction publique dans les quatrième et cinquième ministères Charles Dupuy et enfin dans le grand ministère d’Union républicaine formé par Waldeck-Rousseau, auquel l’unissait une solide amitié et qui dura de novembre 1898 à juin 1902.

 

« Cette époque de la vie de Georges Leygues a été marquée par une action considérable, celle de la défense des humanités qu’il réussit à assurer par le maintien du baccalauréat, mais en les élargissant pour les adapter aux besoins de la société moderne et en faisant admettre le principe de l’égalité des sanctions pour tous les ordres d’enseignement secondaire.

 

« Le long passage du grand ministre à l’Instruction publique a laissé une trace profonde, qui, quoique contestée dans son principe, a résisté plus de 30 ans à ses adversaires les plus résolus et demeura la base d’une organisation que l’on ne fit qu’améliorer pendant ce laps de temps.

 

Georges Leygues, qui, par la laïcité de son esprit politique s’apparente à Jules Ferry, se rattachait à Victor Duruy par la tendance de son action réformatrice. Il était digne de ce double parrainage historique.

 

« Homme d’action, il pense que l’enseignement comporte des fins morales et sociales. Il veut que l’école demeure étrangère aux luttes des partis, qu’elle s’ouvre sur la vie et non sur la rue et il ne saurait admettre qu’elle refuse à enseigner la République et la Patrie. »

 

Extrait du discours de M. Édouard Daladier, Président du Conseil aux obsèques de Georges Leygues en 1933.

 

Nous avons confié la parution des annonces légales au journal Sud-Ouest qui, en échange, publiait dans l’édition de Dordogne un article signé Isabelle de Montvert-Chaussy : « Ce bel imparfait que vous chantassiez ».

 

Énorme faute, mais notre tolérance était sans limite du moment qu’on nous fît de la publicité !

 

« À son bar, le patron de l’hôtel de Londres à Monpazier a la curieuse habitude de servir avec le pastis un petit imparfait du subjonctif. « Que je ne vous omisse point », accompagne volontiers le verre qui se pose sur la table et généralement le client répond en chutant sur un imparfait très imparfait… »

 

Extrait de l’article d’Isabelle de Montvert-Chaussy

 

La création de l’association s’est faite le 2 mai 1996 et le premier article est paru le 8 mai 1996. L’aventure médiatique démarrait…

 

Jean-Christophe et moi-même, nous nous sommes servis de cet article pour le faxer aux rédactions des chaînes de télévision et des radios.

 

Par la suite, nous avons développé la pénétration des médias télévisuels grâce à ce mécanisme : un montage des articles de presse était télécopié aux diverses rédactions des chaînes, suivi d’un appel téléphonique de contrôle.

 

S’il fallait convaincre une standardiste de nous passer le rédacteur en chef, nous utilisions le subjonctif imparfait et le passé simple, magiques sésames pour convaincre les secrétaires de nous mettre en relation avec les décideurs !

 

Par exemple, avec un petit sourire en coin :

 

Ici, Monsieur Jean-Christophe Lorblancher du comité pour la réhabilitation du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, il faudrait que vous me passassiez M. Dupont.

 

– Oui, mais c’est pour quoi ?

 

– Il faudrait que je lui parlasse pour l’informer de la naissance de notre association. C’est urgent, et il ne faudrait pas qu’il ratât un scoop…

 

Et ça marche… Car, en principe, les rédacteurs en chef « sentaient » immédiatement l’intérêt médiatique de l’événement.

 

Lûtes-vous notre fax ? Il faudrait que vous le lussiez car il serait très fâcheux que vous ratassiez un scoop !

 

Subjonctif contre impératif

 

Honni soit l’impératif !

 

Le mode que j’exècre, c’est l’impératif, ce donneur d’ordres sans rémission, celui qui impose « la raison du plus fort » qui « est toujours la meilleure » !

 

Toute notre vie, nous subissons l’impératif et, personnellement, je n’ai jamais aimé recevoir des ordres.

 

On subit tout d’abord :

 

Fais pas ci, fais pas ça ;

 

Lave-toi les dents ;

 

Fais tes devoirs.

 

puis :

 

Les dix Commandements.

 

puis :

 

Allez chez le coiffeur ;

 

Garde à vous ! repos !

 

et ensuite :

 

Présentez-vous le… à… ;

 

Prenez la file d’attente ;

 

Travaillez, prenez de la peine ;

 

Payez avant le… le cachet de la poste faisant foi ;

 

Mourez, nous ferons le reste !

 

Peut-être qu’un jour quelqu’un militera pour la création d’une association visant à interdire l’emploi de l’impératif dans le monde du travail !

 

Et les mots sont si proches que j’ai souvent pensé que ceux qui excellaient dans l’emploi de l’impératif présentaient tous les caractères de l’impéritie !

 

Comme je n’aime pas recevoir des ordres, fatalement, je ne suis pas à l’aise quand je suis obligé d’en donner ! C’est là qu’entre en scène l’imparfait du subjonctif :

 

 

Étudie ta leçon ! intime le professeur à son élève (mode impératif).

 

Autrement dit : « Misérable illettré et esclave de mon intransigeance, moi, ton supérieur, je te dis : apprends ta leçon et tais-toi, sinon… »

 

De quoi exacerber l’esprit de contradiction que nous gardons au fond de nous depuis l’enfance : « Oui, mais », « Non » ou « Va te faire f… » suivant les tempéraments.

 

Il faut que tu étudies ta leçon ! conseille le pédagogue (mode subjonctif présent).

 

Autrement dit : « Toi et moi avons des obligations, toi d’apprendre, moi de te l’imposer et de te censurer si ce n’est pas fait ».

 

Il faudrait que tu étudies ta leçon (mode subjonctif présent après un conditionnel présent [en utilisant la tolérance du 26 février 1901]).

 

Lorsqu’on emploie « il faudrait » ou « il serait bon que », on entre dans le monde du conditionnel, donc du possible. Le sujet subit la décision de l’autre mais il lui reste une échappatoire. Il peut mentalement se dire : « Si je veux ! ».

 

« Mon ami, dans ton intérêt, tu devrais comprendre que les études sont nécessaires pour ton ouverture d’esprit, pour ton expérience. Je ne t’impose rien, je te conseille, pour que, toi-même, tu prennes ta décision.

 

Et si tu le décides, tu vas avoir la volonté d’apprendre avec beaucoup plus de plaisir. »

 

Toutefois, l’emploi du subjonctif présent par le professeur lui impose encore un conseil pressant : « C’est ton intérêt, sinon… »

 

Il faudrait que tu étudiasses ta leçon (mode subjonctif imparfait).

 

Ça y est, la menace du « sinon » disparaît !

 

Faites l’essai, prononcez plusieurs fois à haute voix :

 

Il faudrait que j’étudie : Votre front est plissé, vous avez l’air soucieux…

 

Maintenant essayez :

 

Il faudrait que j’étudiasse.

 

L’augmentation du nombre de syllabes laisse planer une éventualité destressante, la formule est cocasse, la tâche semble tout de suite plus aisée, plus ludique… Votre front se déride et vous n’avez plus les mêmes impératifs (encore lui !).

 

Pour terminer, il serait opportun que vous déclinassiez :

 

Il aurait fallu que j’étudiasse (conditionnel passé 1re forme). Malheureusement c’est trop tard ! Ce n’est pas grave, on a passé du bon temps !

 

Et regrettez vraiment avec le dernier (conditionnel passé 2e forme) :

 

Ah, il eût fallu que j’étudiasse au temps de ma jeunesse folle !

 

Le subjonctif malin

 

Je suis un autodidacte de l’imparfait du subjonctif car je ne me souviens plus de l’avoir appris sur les bancs de l’école (élève dissipé – peut mieux faire !).

 

En revanche, ce virus m’a été communiqué par un professeur de lettres, M. de Broucker, surnommé Trissotin par les élèves, qui officiait au lycée Georges Leygues de Villeneuve-sur-Lot, et qui utilisait ces formules pour nous faire tenir tranquilles (mission impossible !). Je le remercie ici pour m’avoir donné le goût de la « bonne langue ».

 

Thierry Chevrier, professeur d’histoire géographie en région parisienne nous écrit :

 

Seules des oreilles encore vierges de toute influence peuvent entendre ces formules cabalistiques sans les rejeter aussitôt comme sataniques et indésirables, et le professeur de collège que je suis s’est plus d’une fois amusé, au contact d’une classe un peu dispersée, fatiguée et peu encline à se plonger dans une ambiance propice au travail, à la cueillir tout de go d’une saillie impromptue dans le genre : « Chers petits, il serait maintenant séant que vous vous tussiez assez vite et que vous sortissiez gentiment vos affaires, afin que nous pussions sans tarder commencer notre cours dans de bonnes conditions, et que vous fussiez ainsi à même de suivre. »

 

Silence immédiat garanti, et concentration de regards incrédules sur le prof, suivie d’une demande hésitante du style : « Qu’est-ce que vous avez dit, M’sieur ?… Ça existe vraiment, ces temps-là, ou c’est vous qui les avez inventés ? »

 

La lecture de la série des San Antonio dans lesquels le vénéré Frédéric Dard faisait parler à l’imparfait du subjonctif ses personnages Pinaud et Bérurier a, je pense, contribué à l’acquisition du réflexe.

 

Pour moi, ces temps représentent le moyen le plus sûr de convaincre autrui de se plier à ses exigences.

 

Lorsque j’étais jeune, aux gentes demoiselles, avec un petit sourire en coin :

 

Nous dansâmes ensembles, nous nous plûmes, il serait séant que nous sortissions du bal pour aller faire un petit tour !

 

C’était si gentiment demandé que l’accord se faisait sans réticence aucune, enfin presque…

 

Au lieu de dire :

 

Aide-moi à lever la table. Ce qui correspond à un ordre, dire plutôt :

 

Il serait très opportun que tu m’aidasses à lever la table avant que nous n’allassions regarder la télé.

 

En revanche, ils sont très déconseillés pour s’entretenir avec les représentants de la maréchaussée :

 

Oh, M. l’agent, il n’aurait pas fallu que j’omisse de boucler ma ceinture ! vous vaudra sûrement une contravention supplémentaire pour insulte à agent.

 

Le Canadien Francis Ricordi nous écrit :

 

Je me souviens d’une blague que le père Mayer nous contait, c’était une nounou assise sur un banc qui donnait le sein à son poupon. Un brave zouave en uniforme s’assit auprès d’elle, un policier passa par là et lui dit :

 

– Pourquoi vous dérangez cette brave femme, ne voyez-vous pas qu’elle donne le sein à son bébé ?

 

Le brave zouave regarda la poitrine de la femme et dit :

 

– Il eût fallu que je le visse pour que je le susse !

 

Sur quoi le policier l’emmena au poste pour impertinence :

 

– Ah ! mon gaillard, vous vouliez sucer la mamelle de cette nounou… Attentat à la pudeur !

 

Vieille blague que vous connaissiez, j’en suis sûr !

 

Déconseillés également avec le corps médical en cas de souffrance atroce :

 

Allô, M. le dentiste, il faudrait que vous m’accordassiez un rendez-vous dans les plus brefs délais ! Je souffre énormément et je pense qu’il faudrait que vous m’arrachassiez une dent de sagesse !

 

Il supposera que vous êtes un plaisantin !

 

Cependant, c’est en qualité de vendeur que ce « tic » m’a le plus servi…

 

– Madame, réfléchîtes-vous à ma proposition car il faudrait que vous prissiez une décision immédiatement pour que je vous livrasse au plus tôt et que vous fussiez en mesure d’apprécier les services de mon appareil.

 

Bouche bée, la parole coupée, la cliente oubliait ses objections et la conclusion était bien plus aisée !

 

Les réfractaires se défendaient avec des :

 

Oui, je réfléchîtes…

 

Mais la bonne humeur dégagée laissait toujours la porte ouverte.

 

À une époque, je me suis occupé du service après-vente d’une entreprise, et lorsqu’il s’agissait de réclamations, je conseillais à ma secrétaire de noter les coordonnées de la cliente mécontente et de ne jamais me la passer en direct.

 

Je la rappelais :

 

– Allô ! Mme Untel, ici M. X de la société Y, vous nous appelâtes ?

 

Cela donnait souvent :

 

Oui, j’appelâtes !

 

Mais déjà, le ballon de rancœur s’était un peu dégonflé et il était facile d’intimer :

 

– Il faudrait que nous réglassions rapidement votre problème pour que vous vous servissiez au mieux de votre appareil…

 

Et en quelques coups de « servisse » ou autre « dépannasse », la cliente rassérénée raccrochait avec le sourire…

 

« Monsieur, je devrais dire, cher monsieur, puisque le Point m’apprend que nous sommes liés par un même goût de l’imparfait du subjonctif. L’article du Point m’a amusé car je ne pensais pas que cette passion put être aussi répandue.

 

Il faut dire que l’utilisation habituelle que je fais de la deuxième personne du pluriel de l’imparfait du subjonctif n’est pas entièrement désintéressée. En effet, je défends les victimes d’accidents contre les compagnies d’assurances. J’appelle donc quotidiennement les rédacteurs ou les inspecteurs des diverses compagnies et, lorsque je dis : J’eusse aimé que vous recherchassiez tel dossier… À la lassitude habituelle de mon interlocuteur succèdent un intérêt et une curiosité amusés qui facilitent les rapports qui suivent.

 

Ceci dit, ma lettre a surtout pour but de vous demander les conditions d’adhésion à CO. R. U. P. S. I. S. à laquelle je ferais volontiers partie.

 

Il va de soi que si vous avez l’occasion de venir à Paris, je serai (futur) heureux, afin que nous puissions nous rencontrer, que vous me téléphoniez et non pas « téléphonassiez » car l’utilisation de l’imparfait du subjonctif laisse planer une nuance d’incertitude que n’implique pas l’utilisation du présent. Avec mes encouragements, je vous adresse, Monsieur, mes salutations les meilleures ».

 

Jacques Grumbach (adhérent 533)

 

Déstabilisation et humour sont les moteurs de la bonne relation avec autrui et ces formules utilisées avec un petit sourire engendrent toujours de la bonne humeur et de la sympathie avec son interlocuteur.

 

À dose homéopathique, ces temps représentent le moyen le plus sûr de se singulariser tout en restant dans l’orthodoxie de la langue…

 

 

Singulier subjonctif

 

Le passé simple et l’imparfait du subjonctif sont deux conjugaisons liées qui souffrent du même mal.

 

Le passé simple est toujours vivant à l’écrit, notamment les troisièmes personnes du singulier et du pluriel qui sont naturellement employées par les enfants dans leurs premières narrations.

 

La fée ouvrit la porte et entra. Les nains entrèrent à leur tour.

 

L’imparfait du subjonctif, lui, est totalement oublié, réservé à des lettrés qui ne l’utilisent également qu’aux troisièmes personnes du singulier ou du pluriel.

 

J’espérais qu’elle vînt, elle arriva !

 

Grevisse

 

Que vouliez-vous qu’il fît, contre trois ?

Qu’il mourût, ou qu’un beau désespoir alors le secourût !

 

Corneille, Horace.

 

Auraient-ils osé écrire : J’espérais que vous vinssiez, vous vîntes !

 

ou Que vous mourussiez ou qu’un beau désespoir alors vous secourût !

 

Depuis trois siècles, la langue d’oïl a oublié la vieille concordance des temps latine et s’est bornée à utiliser l’imparfait du subjonctif pour exprimer l’éventualité.

 

C’est parce que ces deux temps sont réservés à l’écrit que, par esprit de contradiction ou par anticonformisme, le CO. R. U. P. S. I. S. en prône l’usage dans le langage parlé !

 

Ce qui ne déplaît pas à certains, comme Alexis Boddaert, journaliste à La Nouvelle République du Centre-Ouest[3], qui écrit :

 

« SERVISSES COMPRIS AU PARDAILHAN »

 

À la recherche de deux temps perdus, Alain Bouissière sert dans son bistrot de Dordogne l’imparfait du subjonctif autant que le Monbazillac. Il fallait que je visse cet amoureux du fût pour que je busse ses paroles.

 

– Vous nous appelâtes parce que vous lûtes des articles sur notre amour du passé simple et de l’imparfait du subjonctif ?

 

– Palsambleu, il serait séant que vous vinssiez nous voir ! D’autant plus d’accord que vous êtes en Dordogne au pays du foie gras et du Monbazillac.

 

Qu’un cabaretier serveur de grands crus et amoureux du fût fasse cohabiter le Grevisse et le pastis n’est au fond pas étonnant !

 

– Qu’il pleuve ou qu’il vente, il ne faudrait pas que nous ratassions notre rendez-vous. J’arrive afin que vos paroles je buvasse.

 

– Non, je busse !

 

Qui emploie encore, oralement surtout, ce passé simple et cet imparfait du subjonctif dont l’usage s’est pratiquement perdu au milieu du XIXe siècle avant que nous existassions tous ? George Sand trouvait cet imparfait-là affreux d’autant qu’il était, écrivait-elle, inconnu des paysans ! Impossible d’ailleurs de conjuguer ainsi les verbes traire et braire ! (…)

 

Quant au passé simple, Alain Bouissière souhaiterait qu’on ne l’employât pas qu’aux troisièmes personnes du singulier et du pluriel. Quand il lance à ses clients du petit matin : « dormîtes-vous bien ? », ceux-ci restent souvent cois. À la perplexité succède souvent un sourire libérateur. « J’aimerais que tu me servisses un café » lancera cet habitué du zinc de Monpazier. Ici, ces « servisses » sont compris entre le Bescherelle et la prunelle.

 

L’emploi du passé simple et de l’imparfait du subjonctif ne va évidemment pas sans quelques jeux de mots. (…)

 

Même employés correctement, ces deux temps ne sont pas toujours convenables. « Certes vous le pûtes, dira l’autre, mais pour que je le reçusse, encore eût-il fallu que vous le conçussiez. (…) »

 

Qui n’a pas trébuché sur l’emploi de ces temps retors ? Comme le fit dire Thierry Le Luron à sa caricature de Georges Marchais : « Encore eût-il fallu que je le sachiasse ! »

 

Avec l’imparfait du subjonctif, l’ordre devient plus doux, fait remarquer le patron de bistrot. « Il serait important que vous m’aidassiez à débarrasser cette table afin que nous allassions nous coucher (…) »

 

L’initiative d’Alain Bouissière a tant plu que mille personnes sont venues grossir un comité baptisé CO. R. U. P. S. I. S., dont fait partie Jean Dutourd « en toute complicité subjonctive et subjective ». À Monpazier, on aimerait bien convaincre Frédéric Dard et Fabrice Lucchini, deux adeptes du genre. Les anonymes, eux, jouent le jeu dans leurs lettres.

 

Tavernier, vous êtes peut-être l’as des « asses » mais à trop s’enivrer de subjonctif et de passé simple, il serait fâcheux que nous nous déshydratassions ! Il serait temps que vous m’écoutassiez, que nous levassions le coude et que nous trinquassions à la concordance des temps avant que nous mourussions. Décidément, ce monde est aussi imparfait que subjectif et si on trouve le passé simple, le futur nous paraîtra toujours bien compliqué.

 

Alexis Boddaert

 

Que le vouvoiement[4] permet de formules cocasses et agréablement choquantes !

 

Vous vous annonçâtes, vous vîntes, nous conversâmes et, sur l’oreiller, nous nous plûmes !

 

Très vigilant auprès de la clientèle (complice) :

 

Si vous avez besoin de quelque chose, il faudrait que vous nous hélassiez !

 

– Dormîtes-vous bien ? aux clients de l’hôtel vaut bien un bon café pour les réveiller !

 

Lors de leur départ :

 

Vous plûtes-vous ? Réponse garantie :

 

Oui, nous nous plûtes !

 

Inquisiteur :

 

Lûtes-vous le dépliant touristique que je vous ai donné ?

 

Qu’il est plaisant de déranger autrui avec l’arsenal offert par la langue française et de lire sur le visage de ses contemporains ces mimiques successives : la surprise, la réflexion et le sourire libératoire de celui qui a enfin compris !

 

Feu Jean Laguionie (décédé en avril 1998) nous écrivait :

 

Monsieur, j’ai lu hier dans Sud-Ouest l’article : L’imparfait du subjonctif au bistrot.

 

J’avais déjà appris votre initiative par ce journal. Il fallait y penser et je vous félicite.

 

L’imparfait du subjonctif est employé couramment par les Espagnols qui s’en servent comme des autres temps sans se rengorger d’être tombés juste.

 

Notre langue d’oc fait de même et une dame âgée m’a dit l’autre jour, traduit directement de sa langue maternelle : Si vous fussiez venu, hier vous auriez pu le voir.

 

Je suis né en 1932, de père et mère instituteurs et je peux dire que, déjà, l’imparfait du subjonctif n’abondait pas dans nos rédactions. Il fallait lire les classiques pour en rencontrer quelques-uns.

 

En revanche, le passé simple nous servait beaucoup, comme l’inévitable paire de bottes de l’agriculteur. C’est lourd mais c’est commode…

 

L’imparfait du subjonctif, assené dans la conversation sans prévenir, provoque des réactions vives tel le recul d’un fusil de guerre. À un ancien élève devenu quincaillier, je demandai un article tarabiscoté, genre vis à pas inversé : j’en ai pas, me dit-il et moi : J’aurais pourtant aimé que vous en eussiez !

 

Les yeux exorbités il s’écria : PU. U. U. U. TAIN !

 

Je crois qu’il existe un poème fait d’une accumulation d’imparfaits et vous devez le posséder. Il était du genre : « Fallait-il que vous m’aimassiez et que je vous idolâtrasse pour que… etc. »

 

Mais où le retrouver ? Peut-être quelque vieil instituteur le sait-il encore ou le tient-il au chaud dans ses archives ?

 

Monpazier c’est loin ! Si j’y passe, j’irai vous voir (certitude). Si je passais, j’irais vous voir (moins certain). En passant à Monpazier, il serait opportun que je vous visse et que vous me servissiez quelque rafraîchissement.

 

En 1902, Rémy de Gourmont, déclarait à propos des formules :

 

Il faudrait que nous sussions, que nous reçussions,

 

« N’hésitons pas à les proférer lorsque nous voulons exciter le rire ou la stupeur ». Ces formules cocasses appartiennent à notre inconscient collectif et elles nous font sourire parce qu’elles sont équivoques.

 

Pierre Gallon nous a procuré ce texte à propos d’Alphonse Allais :

 

C’est à l’époque du Chat Noir que se placent ses tumultueuses amours avec Jane Avril. Avant de la traquer, comme je l’ai dit, revolver en main, tout au long de l’avenue Trudaine, Alphi avait composé pour elle le poème d’amour suivant, dont on ne sait si l’on doit admirer surtout la noblesse du sentiment ou la perfection grammaticale.[5]

 

Monsieur, si j’en crois l’hebdomadaire La Vie de la mi-mai 1997, vous êtes un ardent défenseur de notre belle et riche langue française, même dans les vocables les plus délicats à exprimer. Je me permets donc de vous en transmettre un échantillon croustillant, dû, autant que je sache, à l’un des poètes et chansonniers de Montmartre aux alentours des années 1900. Je vous en souhaite bonne et réjouissante lecture. Amitiés.

 

B. Lepelletier

 

Les stances du professeur de grammaire à sa bien-aimée :

 

Oui, dès l’instant où je vous vis,

Beauté féroce, vous me plûtes ;

De l’amour qu’en vos yeux je pris,

Sur-le-champ, vous vous aperçûtes.

Mais de quel air froid vous reçûtes

Tous les soins que je vous rendis !

Combien de soupirs je perdis !

De quelle cruauté vous fûtes !

Et quel profond dédain vous eûtes

Pour les vœux que je vous offris !

En vain, je priai, je gémis,

Dans votre dureté vous sûtes

Mépriser tout ce que je fis.

Même un jour je vous écrivis

Un billet tendre que vous lûtes,

Et je ne sais comment vous pûtes,

Voir de sang froid, ce que j’y mis

Ah ! Fallait-il que je vous visse,[6]  

Fallait-il que vous me plussiez,

Qu’ingénument je vous le disse,

Qu’avec orgueil vous vous tussiez ;

Fallait-il que je vous aimasse,

Que vous me désespérassiez,

Et qu’en vain je m’opiniâtrasse

Et que je vous idolâtrasse,

Pour que vous m’assassinassiez ?

 

Ce poème est attribué à tort à Alphi, Alphonse Allais, sous le titre :

 

Épître amoureuse d’un puriste, complainte amoureuse adressée à la danseuse Jane Avril.

 

Signe d’une appartenance à la tradition orale, toutes les versions de ce poème ne sont pas identiques, certains l’attribuant à Alphonse Allais, d’autres à Georges Courteline.

 

Nous nous bornerons à citer la source la plus ancienne que nous ayons retrouvé, datant de 1875, retrouvée dans le GRAND DICTIONNAIRE UNIVERSEL DU XIXe SIÈCLE, tome XIV :

 

Il arrive souvent, lorsque la règle l’exige, qu’un verbe soit mis à l’imparfait du subjonctif ; beaucoup de personnes emploient le présent du même mode pour ne pas se donner d’affectation qui prêterait au ridicule.

 

Les lignes suivantes ont paru, il y a déjà quelque temps dans le Journal de Genève qui les rapportait sans en indiquer la source. C’est un badinage sans doute, mais un badinage instructif, puisqu’il est destiné à nous démontrer qu’au-dessus de toutes les règles de grammaire, il y en a une qu’il faut observer avant tout, c’est le goût.

 

Il faut maintenir l’imparfait du subjonctif mais il ne faut pas en abuser, comme on l’a fait, par plaisanterie d’ailleurs dans les vers suivants :

 

Suivait in extenso le poème « Épître amoureuse d’un puriste » cité plus haut.

 

Notre campagne médiatique a fait resurgir (ressurgir, avec deux esses, il me semble que cela sourd mieux !) des mémoires ces quelques strophes qui ont fait partie des épreuves obligées des bizutages d’hypokhâgne et de khâgne et qui ont amusé les potaches jusqu’à la dernière guerre.

 

Autre version :

 

Tout d’abord vous m’idolâtrâtes,

Puis ensuite vous me trompâtes,

Je n’aurais pas cru que vous le pussiez,

Ni que, mon rival, vous l’aimassiez.

Il fallait que je vous écrivisse

Et que tous les jours je vous visse

Pour que vous me le répétassiez…

 

Vous ne m’aimiez plus ; il fallait que j’eusse

Assez de force pour que je pusse

Prendre mon cœur sans que vous le retinssiez

Pour pas que vous ne l’abimassiez.

Combien de cruautés vous eûtes !

Que de noirs projets vous conçûtes

Pour que vous m’ensorcelassiez

Et que vous me poignardassiez !

 

Oui, dès l’instant que je vous vis,

Sachez de moi que vous me plûtes !

De l’amour qu’à vos yeux je pris

Sur-le-champ vous vous aperçûtes.

Mais de quel air froid vous reçûtes

Tous les soins que je vous rendis !

Combien de soupirs je perdis !

De quelle cruauté vous fûtes !

Et quel profond dédain vous eûtes

Pour les vœux que je vous appris !

En vain je priai, je gémis ;

Dans votre dureté, vous sûtes

Mépriser tout ce que je fis !

 

Ah ! Fallait-il que je vous visse !

Fallait-il que vous me plussiez !

Qu’ingénument je vous le disse,

Qu’avec orgueil vous vous tussiez !

Fallait-il que je vous aimasse,

Que vous me désespérassiez,

Et qu’en vain je m’opiniâtrasse

Et que je vous idolâtrasse

Pour que vous m’assassinassiez !

 

Fallait-il, Madame, que j’en vinsse

Qu’à vos fers vous me retinssiez ?

Que, pour quelque temps, je m’abstinsse,

Et plus épris je redevinsse,

Sans que compte vous m’en tinssiez.

Fallait-il que je me complusse

À jurer sans que vous me crussiez

Et que trop tard je m’aperçusse

Qu’il fallait qu’alors je mourusse

Sans qu’aucun gré vous m’en eussiez !

 

Dans ce que nous venons de lire, le XIXe siècle pudibond avait creusé la tombe de l’imparfait du subjonctif et c’est pour ces mêmes raisons qu’il a été refoulé au fond de nos mémoires.

 

C’est à l’époque de la Restauration que les manuels de grammaire ont considéré qu’il était malséant de les utiliser et, lorsque c’était possible, qu’il fallait les remplacer par des infinitifs.

 

Les lettres suivantes illustrent parfaitement les raisons de la désaffection de ces temps :

 

Monsieur, je viens de découvrir votre intérêt pour l’imparfait du subjonctif. Je vous signale que j’ai dû abandonner cet usage le jour ou voulant dire :

 

– « Certes, vous pouviez le faire, mais pour que je le reçoive, il aurait fallu le concevoir. », j’ai annoncé :

 

– « Certes, vous le pûtes, mais pour que je le reçusse, encore eût-il fallu que vous le conçussiez. »

 

Avouez que ce n’est pas convenable !

 

Bien à vous

 

Yves Brette

 

ou encore cette lettre d’une adhérente :

 

Cher monsieur, lorsque nous nous rencontrâmes au début du mois, et que vous me fîtes l’honneur de m’accepter dans votre association, je vous promis ma citation ; je ne pus vous la donner sur le moment, car il eût fallu que je la connusse par cœur. La voici donc :

 

« Je l’ai dit un jour à Léon-Pierre Quint, lui-même homosexuel sans que je le susse. »[7]

 

Béatrice Lumeau (adhérente 813)

 

Toutefois, il faut relativiser les visées de notre association. Il s’agit plus d’utiliser la truculence de la langue française que de vouloir imposer un retour en arrière.

 

Au contraire, il s’agit de remettre en service un arsenal de termes pittoresques et truculents tout en restant dans l’orthodoxie de la grammaire et de rajouter à notre langue actuelle des termes anciens oubliés.

 

Truculent subjonctif

 

Pour moi, utiliser le passé simple et l’imparfait du subjonctif dans la conversation me replonge deux à trois siècles en arrière, et tout l’héritage de la bonne langue française me revient en mémoire : J’étudie la Carte du Tendre, je participe (présent ?) aux fêtes galantes, je suis l’observateur « statufié » des tableaux de Watteau…

 

Et, la plume Sergent Major trempée dans l’encre violette, je m’assieds au secrétaire de Mme de Sévigné.

 

Mlle du Plessis nous honore souvent de sa présence ; elle disait hier qu’en basse Bretagne on faisait une chère admirable, et qu’aux noces de sa belle-sœur on avait mangé pour un jour douze cents pièces de rôti : à cette exagération, nous demeurâmes tous comme des gens de pierre. Je pris courage, et lui dis : « Mademoiselle, pensez-y bien ; n’est-ce point douze pièces de rôti que vous voulez dire ? On se trompe quelquefois.

 

– Non, Madame, c’est douze cents pièces ou onze cents ; je ne peux pas vous assurer si c’est onze ou douze, de peur de mentir, mais enfin je sais bien que c’est l’un ou l’autre », et le répéta vingt fois ; et n’en voulut jamais rabattre un seul poulet. Nous trouvâmes qu’il fallait qu’ils fussent au moins trois cents piqueurs pour piquer menu, et que le lieu fût en grande prairie où l’on eût tendu des tentes ; et que, s’ils n’eussent été que cinquante, il eût fallu qu’ils eussent commencé un mois devant. Ce propos de table était bon ; vous en auriez été contente. N’avez-vous point connu quelque exagéreuse comme celle-là ?

 

Ferdinand Brunetière, au sujet de Mme de Sévigné affirmait :

 

« Une Sévigné n’écrivait jamais ses lettres pour faire métier d’écrivain, mais ayant écrit dans le temps de la maturité de la langue, elle s’est trouvée parler une langue incomparablement supérieure, pour les curieux de style, à la langue de Rousseau et de Diderot. »

 

D’accord, je vous le concède, la Sévigné était, elle aussi, quelque peu exagéreuse dans cette lettre du 15 juillet 1671 adressée à Mme de Grignan, mais essayons de l’intégrer dans notre sabir « fin vingtième. «

 

Personnellement, je lui trouve un charme désuet, qualifié de précieux par les critiques du XIXe, qui, en notre époque anglo-onomatopéique, m’évoque une truculence rare.

 

Franchement, trouvez-vous « affreux » ces subjonctifs imparfaits comme, en son temps, George Sand ? Celle-ci, citée par Kristoffer Nyrop, annonçait :

 

« L’essence de compromis que je hasarde entre le berrichon et le français de nos jours, ne m’oblige pas à employer cet affreux imparfait du subjonctif inconnu aux paysans ! »

 

« Inconnu aux paysans » : Aurions-nous trouvé une explication rationnelle du fait que les verbes traire, braire[8] et paître n’ont pas de passé simple et d’imparfait du subjonctif en langue d’oïl ?

 

Déjà, Jean Laguionie, « occitaniste » qualifié, nous informait que la langue d’oc conservait toujours ces formes intactes et restait fidèle à la très latine concordance des temps.

 

Confirmation dans un article paru dans La Setmana[9], journal occitan :

 

Conjugason

 

Montpasier, un vilatge de Dordonha, a dempuèi quauques meses una associacion de défense du passé simple et de l’imparfait du subjonctif. Lo titol es en francés pr’amor es plan question de lenga francesa.

 

Resultat, los socis de l’associacion se parlan amb de passats simple e d’imperfaits del subjonctiu. Aurian pogut pensar, pr’amor d’èstre en manca d’aquelas conjugasons, qu’èra mai simple de parlar Occitan. Atal aurian pogut s’assadolar de subjonctius passats. Auria calgut que i pensèsson.

 

Mas i pensèron pas ! Regretable pr’amor seria estonable que lo Peirigord pregond aguèsse emplegat sovent aquelas conjugasons en francés.

 

Om pot efectivament voler entrar dins lo futur en renegar son passat simple. Es una faiçon de creire qu’om viu al present.

 

Grâce à Géli-Gilles Grande, nous avons la traduction de l’article :

 

L’Occitanie, terre de l’imparfait du subjonctif

 

Monpazier, un village de Dordogne a depuis quelques mois une association de Défense du Passé Simple et de l’Imparfait du Subjonctif. Le titre est en français car il est bien question de langue française. Résultat, les membres de l’association se parlent avec des passés simples et des imparfaits du subjonctif.

 

Du fait d’être en manque de ces conjugaisons, ils auraient pu penser qu’il était plus simple de parler occitan. Ainsi ils auraient pu se rassasier de subjonctifs passés. Il eût fallu qu’ils y pensassent. Mais ils n’y pensèrent pas ! C’est regrettable car il serait étonnant que le Périgord profond eût employé souvent ces conjugaisons en français.

 

On peut effectivement vouloir entrer dans le futur en reniant son passé simple. C’est une façon de croire que l’on vit au présent.

 

L’article est mitigé et un tantinet sectaire, mais conservons le titre qui est très intéressant car :

 

Sur un vieux papier, au coin d’une table, je confirme mon intérêt pour votre subjonctif chantant, l’accent du sud de la France, comme vous le dîtes, y apporte toute sa saveur.

 

Andrée Renoulleau, (adhérente 780)

 

La fameuse tirade des nez (I, 4) dans Cyrano de Bergerac, la pièce d’Edmond Rostand, serait bien triste sans les imparfaits du subjonctif et les passés simples ! Et imaginez Raimu, avec son accent de Toulon, déclamant :

 

Agressif : Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,

Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse !

 

et

 

Gracieux : Aimez-vous à ce point les oiseaux

Que paternellement vous vous préoccupâtes

De tendre ce perchoir à leurs petites pattes.

 

Ces conjugaisons oubliées s’intègrent bien dans l’évocation des vieilles pierres, des châteaux surplombant la Dordogne, de Cyrano de Bergerac, du panache des mousquetaires, des joyeuses ripailles, de Brantôme, du Vert Galant…

 

Si le CO. R. U. P. S. I. S. a connu un tel succès médiatique, nous pensons qu’il est dû en grande partie au sud-ouest et au Périgord.

 

Il aurait sûrement connu un moindre retentissement s’il avait été crée dans une obscure banlieue de grande ville. Toutes ces lettres semblent le confirmer :

 

Monpazier,

 

Proche de Cyrano et de sa truculence,

Fleurant bon le passé d’une très douce France,

Surgie d’un autre temps, en son décor altier,

Belle dans ses atours, se dresse Monpazier.

 

Souventes fois, en passants qui passèrent trop vite,

D’un passé pur et simple, étourdis vous n’y vîtes

Que vieilles pierres, sans écouter les voix

Qui, tout doux, murmuraient un parler d’autrefois.

 

Respectant l’imparfait de l’ancienne bastide,

De ses arcs inégaux, des ornements timides,

Ne fallait-il donc point que nous restaurassions

Le bon vieux subjonctif ; au moins l’essayassions ?

 

Qu’on dise : « il osa trop ! », mais enfin vous osâtes.

Foin du parler pédant, du jargon technocrate !

Il faudrait que, nombreux, nous le tentass-i-ons

Aventureux pari, belle tenta-ti-on !

 

Jean-Michel Naulleau (adhérent 961)

 

Cher Président,

 

À Monpazier il fallait que je passasse !

Au CO. R. U. P. S. I. S. il fallait que j’adhérasse !

Quand au Pardailhan je suis entrée

Je venais de voir tout Monpazier.

 

Subjonctivement, mais pas « imparfaitement » vôtre.

 

Gisèle Esquier (adhérente 759)

 

À l’insigne héritier de Pardailhan

Alain Bouissière

Hostellerie de la capitale de la douce Albion

Bastide de Monpazier.

 

Certaine fois de l’an mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit, fuyant tourments et orages du vaste monde, je crus, en partance vers la plus somptueuse des bastides, mettre mes pas dans ceux de d’Artagnan…

 

J’y croisai les bottes de Pardailhan ! La blancheur de ses bières dorait goulayamment le miel des antiques moellons et son moult aimable logis familial y rimait fort merveilleusement avec la superbe place médiévale.

 

Si d’aventure, souventes fois, vous vous trouviez en grande désespérance des misères du pauvre monde, demeurez, céans, à l’heure où sonne l’angélus du soir.

 

En la badine compagnie du plaisant tenancier et à l’abri des puissants murs de Monpazier, il serait séant qu’ici, vous ressentissiez combien,

 

de même que grâce à Cyrano naguère dans notre simple passé d’amusantes muses passèrent – grâce au sieur Bouissière, en son hospitalière hostellerie, dans sa présence imparfaite, bienfaisante, bien-disante – bienheureuses heures pussent passer.

 

Gdine

Saint Jean des Mauvrets Anjou.

 

Ami, sans vous connaître, déjà ! Télévision, téléphone et le bic qui fait clic !

 

Du rare à l’extraordinaire, il ne faut qu’un pas : celui qui mène de l’intelligence à la chevalerie.

 

Combien de temps passerons-nous à comprendre que même les montagnes se rencontrent ?

 

En prime, l’horreur de la situation : J’habite Boulogne, premier port de pêche de France, à 32 km de la perfide Albion que je vois tous les jours. Parlant anglais couramment tout en ayant horreur de ce peuple ainsi que des gens de Guyenne, je corresponds avec une personne d’oc à l’enseigne de l’hôtel de Londres ! ! !

 

Moi, de chez qui Napoléon en 18O5 fit sa grande armée pour aller en battre d’autres à Austerlitz ! ! ! ! !

 

Si ! Monsieur, les montagnes se rencontrent !

 

Ami, comme il m’a fait plaisir en t’entendant, de trouver un ami aimant le beau langage, celui qui n’aurait jamais dû quitter les bancs de l’école. Ce que tu fais est bien, beau, et rare en un pays tutoyant l’oc, la Guyenne et le cathare :

 

Monpazier,

Mon carré de Bastide.

Anglaise elle fut,

Française est devenue.

Chevalier ardent,

Vive Pardailhan !

 

Trop amoureux de la Dordogne pour laisser passer ça !

 

Peux-tu embrasser de bon cœur tous ces gens que tu connais et que je ne connais pas ?

 

Dis-leur qu’ici, auprès de la mer, au moins deux personnes pensent à leur pays et que ça nous fait mal de bonheur. Merci,

 

Louis-Jean Marchandise

 

Il eût suffi, pour ce grimoire,

D’un non-parfait qui subjonctât

Et d’étrangeté le teintât.

Mais les images de l’histoire,

Sous des nuages en taffetas,

En ont obscurci la mémoire.

 

Pourtant,

 

Dans les ruelles irréelles

Du Monpazier de leurs désirs,

J’eusse voulu me souvenir

Des Estelles et des Isabelles

Et de leurs robes de dentelle

En la bastide des plaisirs.

 

Pierre Frichement (adhérent 911)

 

Une bastide pour défendre l’imparfait du subjonctif

Visitant Monpazier, il fallait que je visse

La bastide du français, siège du CO. R. U. P. S. I. S.

Son roi est imparfait… celui du subjonctif,

Son passé se veut simple, c’est un noble objectif.

Forteresse du verbe, tes guerriers pacifiques

N’ont d’arme que la plume, mais ils sont magnifiques.

Il siérait que leur lutte, à la fin, triomphât

Et que fût aboli le décret scélérat

Qui voudrait, sous prétexte, d’être plus efficace,

Que les membres sonores du français j’amputasse.

 

Philippe Guichardaz (adhérent 792)

 

Et finissons ce chapitre par cette lettre-là, avec le truculent subjonctif qui y est employé :

 

À Messire Bouissière, maître tavernier en la bastide de Monpazier

 

Pourfendeur des malandrins, traîtres et assassins

Qui, l’esprit poussif, ignorent l’imparfait du subjonctif

Et dédaignent jusques aux charmes du passé simple ;

Qu’à toutes ces fripouilles qui bredouillent,

Cafouillent, trifouillent et embrouillent

La langue française,

Il refuse toutes fioles

Et vaillamment les patafiole !

Subjugués par le subjonctif,

Nous résolûmes de fuir des villes l’air vicié

Pour que cordialement vous nous servissiez,

En guise d’apéritif,

Un vin blanc cassis ou un frais pastis.

Ainsi rebiscoulés, mais non rassasiés,

Il ne nous eût point déplu,

L’eussiez-vous cru ?

Qu’avec célérité vous nous cuisinassiez

Une langue braisée

Tout aussi raffinée que votre parler.

Nouveaux joyeux adhérents,

Puissions-nous rentrer contents

Dans nos calmes logis

Après le brasier subjonctivé

En la bastide de Monpazier.

 

Nicole, Jacqueline et Claude Julien (adhérents 883)

 

Le subjonctif en chantant

 

Ne trouvez-vous pas cela « poétiquement chantant » de pratiquer cet art subtil ?

 

Monsieur Bouissière Alain, nous fûmes conquises par votre association et nous ne pensions pas qu’il existât un groupe comme le vôtre qui se révélât aussi poétiquement chantant. Aussi comme maman et moi sommes très intéressées, nous avons décidé de nous inscrire au CO. R. U. P. S. I. S. Nous vous joignons notre règlement de vingt francs.

 

Solange et Pascaline Le Roussel (adhérentes 501 et 502)

 

Il est très étonnant d’observer que les personnes sensibilisées à notre aventure s’expriment spontanément sous forme de poésies.

 

Le visiteur pénètre dans le café, consulte les coupures de presse qui ornent les murs, lit quelques courriers, discute avec l’un avec l’autre et va chercher l’inspiration en « faisant un petit tour de ville ». À son retour, sur un coin de table, presque sans retouches, il nous fabrique incontinent (l’adverbe, pas l’adjectif, je m’entends !) un charmant poème rempli de musique et fleuri comme du du Bellay !

 

Et nous sommes très fiers, Monpazier et nous, elle pour avoir conservé ses vieilles pierres médiévales, et nous pour avoir exhumé ces bonnes vieilles conjugaisons, d’avoir réveillé chez certains la veine poétique qui dormait en eux !

 

D’ici que les rappeurs, ces nouveaux poètes populaires qui manient l’allitération comme ce n’a plus été fait depuis des lustres, rythment et riment à l’imparfait du subjonctif[10] et au passé simple et, pourquoi pas, en vieux français…

 

Requeste d’un escrivaillon ressuscité

 

Vers mille six cents je vescus,

Et il fallut qu’on m’embaumast,

Et que ce jourd’hui m’esveillast.

Ceci me cousta moult écus !

Lors, j’appris doncque que ma grammaire,

Fit trop folastrer mon grand-père.

Il l’aima en langue de boy,

Si mal qu’elle en perdist la joy,

Des passés simples et subjonctifs

De l’imparfait. Meslant les tifs,

Vous fistes, sire Pardailhan,

Que nous pusmes resver, vaillants,

De resjouir la conjugaison,

De nos verbes en pasmoison.

Nous agréesroit vray que ces festes

Chantassent toujours en nos testes !

Et qu’agréable nous seroit,

Que, confiant, vous acceptassiez

En vostre académie de roys,

Nostre prestance bien modeste,

D’escrivaillons rapetassiers !

 

Fait en vostre auberge de Pardailhan,

En la bonne ville de Montpazier,

En ce trentième jour du mois des vendanges,

De l’an de grâce mil neuf cent nonante huit,

 

Par nous, communesment nommé

en nostre première vie Wrantz Bas de Haut

en nostre seconde vie

 

Francis Haudebat.

 

SUBJONCTIF PARFAIT[11]

 

Le subjonctif était parfait,

Fallait-il qu’on l’abandonnât

Pour un simple et vulgaire présent

À la musique plus ordinaire.

 

Si de passage au Pardailhan,

Je vous assure gentiment

Qu’il faudrait que vous servissiez

Au voyageur que je serai

Ce que vous avez de plus grand,

N’en soyez pas trop étonnés !

 

Cinquante et un, c’est le pastis,

L’année aussi de ma naissance.

Il fallait que je vous écrivisse

Pour arrêter la fuite du temps,

Celui qui fait que l’on peut dire

Qu’il aurait fallu que je busse

Bien plus d’alcool pour mon délire.

Mais fallait-il que je le susse !

 

Un arrêté ministériel

De cinquante ans m’a précédé,

Pourtant, petit, j’ai fredonné

Des subjonctifs très imparfaits.

 

Il a fallu que je ressasse

Pour retrouver les accents

D’un mode écrit au bon vieux temps

Qu’il fallait que je me rappelasse.

 

Il aurait peut-être fallu

Que je busse davantage

Pour éclairer mon crâne obtus

Longtemps fermé à l’art subtil.

 

Pierre-Jean Loyau-Renan

 

Une logique musicale ?

 

Cher ami du français,

 

J’ai bien aimé la remarque d’un des membres du CO. R. U. P. S. I. S. disant hier sur France 2 qu’il y a une logique musicale dans la concordance des temps et des modes.

 

Mon père parlait le béarnais aussi bien que le français, et l’imparfait du subjonctif lui était naturel : Le substrat de notre vieille langue d’oc aide. Par exemple :

 

Que can que bieni (=il faut que je vienne), mais au passé : que calè que benoussi (=il fallait que je vinsse). Le français sera sauvé par les occitans, comme la France jadis par les Armagnacs et le Bon Roi Henri !

 

Très cordialement,

 

Jean Hourcade

A. L. F.

 

Entonnons (les bains ?)

 

Romance subjonctive, paroles de Briollet et Léo Lelièvre, musique de Gaston Maquis

Parlé :

J’eus jadis une folle maîtresse très forte sur les subjonctifs. Comme le sort voulut que nos amours se brisassent, il fallait que je composasse cette romance pour que mes larmes se séchassent et que mes sanglots s’étouffassent. Avant que je ne commençasse, je demanderais que vous écoutassiez cette complainte qui est la plus triste de toutes celles que vous ouïtes.

 

De mes caresses vous rougîtes,

Puis ensuite vous les subîtes

Pourquoi faut-il que d’notr’passion

À présent nous ricanassions ?

Tout d’abord vous m’idolâtrâtes,

Puis avec un autr’vous m’trompâtes

J’aurais pas cru que vous l’pussiez.

Et qu’mon rival vous l’aimassiez.

 

Refrain :

Amer, amer destin du cœur

Femme légère que vous fûtes

Vous fît’s hélas pour mon malheur

Toutes les peines que vous pûtes.

 

Il fallait que j’vous écrivisse,

Ou que chaque jour je vous visse

Pour que vous me soupirassiez

Les mots dont vous m’baptisassiez.

Fallait que je m’agenouillasse

 

Sans que jamais je reculasse,

Pour que nous nous adorassions

Et puis qu’nous nous dégoûtassions,

Et puis que nous nous plaquassions.

 

Refrain :

Amer, amer destin du cœur

Dans l’amour que vous suscitâtes

Vous fîtes germer la douleur

Et ce jour-là, vous m’épatâtes !

 

Sans que jamais je marchandasse

Il fallait que je roucoulasse

Les vœux que vous incarnassiez

Et que vous accumulassiez.

En échang’d’vos ch’veux qu’vous m’offrîtes,

C’est avec joie que vous me prîtes

Les méch’s que vous désirassiez

Car j’voulus bien que vous m’éméchiez.

 

Refrain :

Amer, amer destin du cœur

Quand un beau jour nous constatâmes

Qu’nos ch’veux lâchaient nos crân’s vainqueurs,

Dès lors nous nous déplumardâmes

 

Vous n’maimiez plus, fallait que j’eusse

Bien des forces pour que je pusse

Prendr’mon cœur sans qu’vous l’retinssiez

Pour ne pas qu’vous l’abîmassiez.

Combien de cruautés vous eûtes

Que de noirs projets vous conçûtes

Pour que vous m’ensorcelassiez

Et que vous me poignardassiez.

 

Refrain :

Amer, amer destin hélas

Il fallait que j’vous oubliasse

Car votr’nom, trop m’écervelât

Pour que jamais vous l’répètasse.

 

La première personne qui m’a procuré le texte de cette chanson c’est le guide touristique du village, nordiste d’origine et monpaziérois de cœur.

 

Un après-midi, il pénètre dans le bar (ce qui n’est guère dans ses habitudes !) et de sa voix de stentor :

 

« Je me rappelais quelques mots d’une chanson que chantait mon père (M. Van Den Bosch porte allègrement ses octante ans), je me suis débrouillé à obtenir le texte en passant des annonces dans les revues spécialisées, je vous offre la partition ! »

 

Et, sans attendre, a cappella, il m’a intégralement chanté cette « Romance Subjonctive » !

 

Même démarche chez ce correspondant qui, d’une écriture élégante a écrit ceci :

 

Monsieur, je tiens tout d’abord, à vous adresser toutes mes félicitations et tous mes encouragements pour l’entreprise originale, exemplaire et plaisante dans laquelle vous vous êtes engagé avec vos amis et que vous êtes en train de mener à bien. Comme des millions de Français et de Francophones j’ai découvert votre démarche grâce à la télévision qui vous a consacré un sympathique reportage. Malheureusement je n’avais pu, alors, relever vos coordonnées que je recherchais depuis pour vous écrire. Or, la chance est venue à mon secours ces jours-ci sous la forme d’une coupure de presse : Le Dauphiné libéré en date du 3 septembre dernier consacrait un long article à votre aventure sous la plume de Gilles Debernardi, article dont vous avez eu certainement la primeur.

 

Enseignant retraité, littéraire de goût et de formation, je m’intéresse de près à la langue française. Au printemps dernier, un vieil ami me soumettait trois vers écrits au subjonctif imparfait et m’en demandait la provenance et l’auteur. Ne pouvant y répondre, je posais la question à la revue littéraire Lire à laquelle je suis abonné. Ma question passa dans le numéro de juin.

 

J’ai reçu trente-six réponses émanant des lecteurs dont la grande majorité me dit que ces vers sont extraits d’un poème que le célèbre humoriste Alphonse Allais écrivit à la danseuse Jane Avril en 189O sous le titre de : « Complainte amoureuse » et m’en adresse le texte complet (c’est la bonne réponse[12]). Les autres me parlent d’une chanson : « Romance subjonctive » de Léo Lelièvre et Gaston Maquis que Mayol chantait au début du siècle (ce n’est pas la bonne réponse mais c’est intéressant quand même !) et m’en ont adressé le texte avec des variantes.

 

L’un de mes correspondants inconnus qui m’avait déjà adressé cette « Romance » vient de me faire parvenir l’article du Dauphiné.

 

Je désirerais, Monsieur Bouissière, adhérer au Corupsis et vous faire parvenir ma cotisation sous ce pli.

 

Sachant votre passion pour ce temps mal connu, je me permets de vous adresser les textes d’Allais et de Lelièvre mais peut-être les avez-vous ?

 

En mesurant l’honneur que je brigue à vouloir entrer dans le CO. R. U. P. S. I. S., je vous adresse, Monsieur Bouissière, l’expression de mes meilleurs sentiments et vous renouvelle mes encouragements.

 

R. B. (adhérent 927)

 

Monsieur et chers amis, en vous remerciant pour la carte de membre adhérent reçu ce jour, je veux vous faire part de quelques trouvailles. Sur la feuille jointe, extraite de la revue « Femme actuelle « (Printemps 1997), vous verrez qu’Arletty chantait en 1939 :

 

« Pitié, Ernest, pour une faible femme !

Sentez mon sein palpiter de passion !

À ce péché, perdition de mon âme,

Faudrait-il que nous succombassions ? »

 

C’est assez surprenant, n’est-ce pas ?

 

D’autre part, dans la revue « Magnificat « de juin 1997, j’ai appris et noté que le mode du verbe qui exprime le souhait, comme dans : Dieu vous bénisse ! est l’optatif du subjonctif ! ! !

 

J’ai lu, il y a quelques années, Le cheval d’orgueil de Pierre-Jakez Helias, (chez Plon) en retenant que son père ou son grand-père utilisait fréquemment une tournure au subjonctif pour accueillir ses visiteurs.

 

Mais je ne retrouve ni la dite tournure, ni la page où l’auteur cite ce souvenir. Je poursuis mes recherches. (« J’eusse voulu », ce me semble, je ne sais plus la suite.)

 

Pour terminer cette lettre, étrenner mon adhésion, peut-être eût-il fallu que j’improvisasse quelque subjonctif subtil et bien venu ?

 

À court d’idées, je me contente de vous dire ma joie d’être des vôtres, et de vous adresser mes très cordiales et subjonctives salutations,

 

Marie-Reine Vaconnet (adhérente 685)

 

Et, désormais, puisque la porte de la truculence est entrouverte, il faudrait tenter aussi de réhabiliter tous ces vocables anciens qui résonnent dans notre tête comme les ferraillages des mousquetaires, fanfarons, querelleurs, forts en gueule, vivants !

 

Que les bretteurs dégainent leur rapière et viennent au secours de notre langue en réutilisant les pittoresques vocables que le français a relégués au fond de sa mémoire !

 

Au lieu de traiter quelqu’un de con, traitez-le de benêt (prononcer beunet), de faquin, d’olibrius, de cuistre, de paltoquet, etc. Ou bien, au lieu de le traiter d’enculé, traitez-le de sodomite ! L’insulte sera plus terrible !

 

Il y a trente ans, 1968 a décrispé et déchâtié la langue et, si l’on veut croire nos correspondants qui récriminent sans se départir de l’humour, la tolérance qui court actuellement ressemblerait à du laxisme.

 

S. O. S. subjonctif

 

Cher ami

 

Bien qu’affairé à abreuver votre clientèle avant que de soif elle ne trépassât, vous eûtes cependant, à notre égard une oreille attentive.

 

Qu’il nous soit au présent (avec mille excuses) permis de vous remercier ! Et, ces lacunes subjonctives que vous acceptâtes, trouvèrent, en votre tolérance, leur place.

 

Vous dire qu’en cet après-midi radieux, notre univers s’en trouva brusquement profondément transformé, et, du coup celui de nos enfants ! Que nous nous interrogeassions vous surprendrait-il ? (regards goguenards et sarcasmes).

 

Saisiront-ils un jour toute la saveur de ce langage nouveau ?

 

Nous le pûmes, vous le pûtes, diront-ils plus tard qu’ils le purent ?

 

Amicalement et à bientôt

 

Marie-France et Guy Meyer (adhérents 485)

 

Nous avons ouï dire que des associations comme la nôtre avaient été créées dans l’entre-deux-guerres par Georges Duhamel, Alexandre Vialatte ; c’était trop tôt pour qu’elles fussent viables.

 

Car, en cette fin de siècle où la langue française accepte naturellement les gros mots qui ne choquent plus nos chastes oreilles, où les grands médias utilisent une langue élémentaire pour rester accessibles au plus large public, où insérer des expressions d’outre-Atlantique fait « in » et « smart », je pense, nous pensons, que le moment est venu de dégager des étagères de la langue les poussiéreux imparfaits du subjonctif et passés simples et de s’en servir avec tout le panache qu’ils n’ont pas perdu dans leur sommeil !

 

La survie de notre langue, dans l’univers anglo-saxon qui fatalement (hélas !) deviendra la langue officielle de nos descendants, passera par l’exhumation de temps oubliés, mais aussi de mots oubliés. Si pittoresques dès qu’on les réveille…

 

Le S. O. S. lancé a été entendu, des lettres y ont répondu :

 

S. O. S.

 

Au secours ! le monde est malade

La haine a verrouillé les cœurs ;

Les êtres sont en débandade

Ne croyant plus à quelque ailleurs…

 

Où sont les sages de la terre

Aux larges mains d’apaisement ?

Le désamour et la misère

Pleurent en leur hymen sanglant.

 

Pourtant, il est une survie

Pour le navire ballotté.

Serait-ce pas la poésie,

Route de verticalité ?

 

La poésie est un prodige

Et ce monde sombre et pervers ;

Fleur des grands sommets, sur sa tige

Elle provoque l’Univers !

 

On veut la railler, voire en rire,

Mais qui pourra trouver la clé

D’un futur guéri du délire,

Sinon le poète inspiré ?

 

Jacqueline Delpy

Lauréate de l’Académie française,

Présidente d’art et poésie de Touraine, Esvres-sur-Indre

 

Monsieur, exaltée, enthousiasmée, que dis-je, transportée par ce reportage que je vis hier au soir, dans l’étrange lucarne, sur les hérauts du parler bien, et qui de vos membres, me fit rêver d’être.

 

Plût à Dieu que vous m’adoubassiez, (corrigez-moi si je ne m’abuse), pour porter haut l’oriflamme d’un subjonctif imparfait depuis trop longtemps remisé au fond des mémoires.

 

Peu me chaut les clabauderies de l’ignorant, si c’est pour son bon usage (du subjonctif imparfait) qu’il faut pourfendre les perfides réducteurs d’une langue française, hélas, valétudinaire !

 

J’apporte mon obole, et accompagne dès lors votre plumet dans la croisade.

 

Bien à vous,

 

Florence Mansuy (adhérente 459)

 

Cher monsieur, à peine sus-je que vous ne composâtes jamais avec le passé simple ; à peine connus-je que le subjonctif vous sembla d’emblée imparfait quand un usage trivial prétendit qu’il ne fût plus régi par la concordance des temps ; à peine appris-je la louable mission à laquelle vous résolûtes de vous dévouer en faveur de l’intangibilité des aspects verbaux, qu’il m’eût semblé commettre une sorte de forfaiture quand j’eusse douté s’il fallait que je vous rejoignisse, après que j’avais été instruit de vos intentions.

 

Quelle déplorable perte si le laxisme grammatical l’emportait au point que nous renonçassions et que nous nous privassions du virtuel, de l’inchoatif, du procès et de l’inachevé, propres à l’exact imparfait du subjonctif ! Il fallait que nous fussions nonchalants pour que nous vissions sans regrets de tels solécismes, que nous nous soumissions à un tel appauvrissement, que nous nous résignassions à un tel émondage.

 

Il n’était pas possible que ces écarts temporels plussent au vulgaire, qu’ils s’installassent dans l’usage commun, et qu’on assassinât la grammaire sans que personne ne réagît ni protestât. Il importait donc que vous vinssiez et que vous prissiez des mesures, ce que vous fîtes.

 

Vous semblerait-il opportun que je pusse prendre rang dans votre cohorte d’orthodoxie ? Sans doute, tolérâtes-vous des militants plus idoines et plus disponibles, mais il me serait agréable que vous ne me rejetassiez pas. Dans cet espoir, je vous dis mes pensées attentives et cordiales.

 

M. Xavier Darcos, doyen de l’Inspection Générale de l’Éducation nationale et sénateur maire de Périgueux.

(adhérent 360)

 

Bravo ! Bravissimo !

 

Un fax est advenu, j’ai lu, je suis convaincu…

et je tâcherai de répandre la bonne parole !

 

J’apporte mon suffrage à cette noble cause,

et pour la soutenir, aussitôt je propose

 

Un slogan didactique :

Le plus parfait des conatifs c’est l’imparfait du subjonctif.

 

Un distique prophylactique :

Comme le CO. R. U. P. S. I. S., combats la corruption

et refuse tout vice à ton élocution.

 

Et un quatrain lyrique :

CO. R. U. P. S. I. S. salvateur, parmi les démissions

Des locuteurs triviaux, il suffisait, en somme,

Que nous ouïssions ta voix pour qu’enfin nous crussions

À l’avenir radieux de notre doux idiome.

 

François Vareille (adhérent 961)

 

Finie la courtoisie qui enchantait nos pères,

Oubliées les valeurs dont on était si fier,

Perdue, la politesse, et ce qui va de pair…

Et place au mauvais goût, la casquette à l’envers !

 

Heureux qui, comme Ulysse a fait un beau voyage,

Et puisé dans les livres le goût du beau langage.

Le temps n’est pas si loin, au détour d’une page,

Où surgissaient encore ces temps un peu sauvages…

 

À la moindre occasion -Dieu sait s’il y en avait ! -

L’on employait de beaux subjonctifs imparfaits.

L’habitude était saine, et quel qu’en fût le prix,

S’ils en valaient la peine, il fallait qu’on la prît.

 

Ne vous méprenez pas, ce n’était pas un vice :

On savait s’arranger pour ne pas qu’ils sévissent.

Gageons qu’il suffirait que je les écrivisse,

Pour que de vos mémoires de nouveau ils surgissent…

 

Il faudrait tout d’abord que vous les goûtassiez,

Pour qu’ensuite charmés, vous les répétassiez

Et qu’ayant découvert ces plaisirs outranciers,

Sans le moindre complexe, vous en abusassiez !

 

Le vingt-six février de l’an dix-neuf cent un,

Fut décidé dans l’ombre un décret assassin.

On accepta dès lors le subjonctif présent

Au lieu de l’imparfait consacré par les ans.

 

Rappelez-vous ce temps : celui des Années folles.

Le siècle ainsi naissait d’un jet de vitriol.

À se couper les ailes au seuil de son envol,

Pouvait-il éviter de se briser au sol ?

 

Foin de la nostalgie, fini ! me direz-vous.

Il faut suivre son temps. Allez, on se dévoue ?

– D’où qu’il est ton français ? Ben ouais, tu l’as mis où ?

– Ben j’chais pas, j’ai glissé, pis j’l’ai paumé partout…

 

Bien d’accord avec vous, c’est un vrai cauchemar.

Vous souhaitez réagir, car vous en avez marre ?

Pour bien faire, on le sait, il n’est jamais trop tard :

Pourchassons sans pitié ces lieux communs barbares !

 

CO. R. U. P. S. I. S. s’est créée, c’est une association

Qui nourrit pour la langue une franche passion.

Rétablir ses usages, telle est notre mission :

Ne serait-il pas bon qu’unis, nous vainquissions ?

 

Si tu montres la lune, un jour avec ton doigt,

Les idiots, sois-en sûr, regarderont ton doigt.

Fais fi des quolibets, n’écoute que la voix

Qui te dit doucement qu’au français tu le dois !

 

Thierry Chevrier (adhérent 113)

 

En cette époque, chaque minorité reconnaît sa chapelle à la tenue vestimentaire, au style de musique écouté, au désinhibant sniffé, fumé ou ingéré et au jargon utilisé. Ce langage évolue au gré des trouvailles des médias et la tentation est grande pour un journaliste de qualifier la France d’hexagone, d’annoncer des réformes désormais drastiques après avoir été longtemps draconiennes, d’informer que Machin a concédé un but, que le concert live de Truc est annoncé pour mardi prochain et qu’il est Seize Quarante (Pour ceux qui n’écoutent pas le Mouv’, cela signifie 16 heures 40.)

 

Et, dans cette quête d’originalité, il est toutefois agréable d’assister à des exhumations bien sympathiques telle que la compil de Untel, apocope informatico-médiatique de compilation (Lat. compilare de pilare, piller)…

 

C’est pour toutes ces raisons qu’il suffirait que certains grands prêtres de l’audiovisuel s’enhardissent et osassent pour qu’un nouveau verbiage original devînt à la mode.

 

Ils pourraient commencer par utiliser le précis passé simple :

 

Nous vous informâmes ce matin du mouvement de grève à la SNCF,

 

et continuer par le conseilleur imparfait du subjonctif :

 

Il faudrait que vous téléphonassiez à ce numéro avant votre départ !

 

Suivant l’aura du journaliste, son exemple sera suivi car il peut représenter pour certains un moyen de se singulariser de façon tout à fait originale.

 

Petite histoire : Nous avons crée l’association en fin d’année scolaire et quelques étudiants ou lycéens du village ont spontanément adhéré à notre humoristique initiative. Nous étions très étonnés de leur assiduité à apprendre les règles de l’imparfait du subjonctif jusqu’au jour où nous avons pris connaissance qu’ils l’utilisaient en classe pour « coincer » leurs professeurs et pour se singulariser auprès de leurs camarades !

 

L’humour au subjonctif

 

J’eusse aimé qu’il y eût des choses qui valussent qu’on leur sacrifiât le plaisir.

 

Jean Rostand[13]

 

Lors du lancement de l’association, nous avions grand souci de ne sensibiliser que quelques barbons grincheux, rétrogrades et sectaires… Nous ignorions à l’époque que l’usage de l’imparfait du subjonctif était abandonné depuis plus de cent cinquante ans et que ce délai de prescription nous mettait à l’abri de ces pugnaces revanchards.

 

Pendant ces trois ans d’existence, alors que nous atteignons le millier d’adhérents dans le monde entier, notre grand soulagement a été de recevoir des témoignages et des encouragements écrits dont le dénominateur commun était l’humour.

 

Et c’est la fantaisie et la bonne humeur qui font tout le sel de cette correspondance qui nous ont incités à éditer ce livre !

 

La plupart des lettres que nous avons choisies dans cette compilation émanent de personnes anonymes, qui, grâce à la magie de la télévision et de la presse parlée ou écrite ont été à ce point motivées qu’elles ont spontanément pris la plume ou le clavier pour nous manifester à chaud leur enthousiasme avec un talent certain.

 

La meilleure façon de restituer l’élan de sympathie[14] que nous avons ressenti à la lecture des quelque mille trois cents lettres aurait été d’éditer les fac-similés de la totalité des courriers manuscrits, mais nous le réservons, si les moyens nous le permettent, à un musée créé en Périgord où seraient reproduits les agrandissements de l’intégralité des documents originaux, leur conservant ainsi toute leur verdeur, leur créativité et leur pertinence.

 

Il m’est impossible de connaître personnellement tous ces amis et, fatalement, il doit exister des adhérents appartenant à l’intelligentsia francophone qui, par modestie, n’ont pas jugé bon de se faire connaître. Et je souhaite que la parution de ce livre les incite à se découvrir pour nous épauler dans notre aventure grammatico-médiatique aux côtés de

 

Jean Dutourd, Maurice Schumann, Pierre Bonte, Anne Clancier, André Cherpillod, Bruno Lemesle, Thierry Chevrier, Daniel Bévéraggi, Robert Guyon, Ginette Grasset, Bruno Dewaele, Michèle Balembois-Beauchemin, Jean Varenne, Jacques Henri Bauchy, Jean-Louis Ardouin, Jean-François Durand, Michel Angelbert-Legendre, René Rioul, Bernard de Gennes, Michel Carcenac, Nanon Gardin et son époux, Nelly Boucheron-Seguin et bien d’autres personnalités que j’oublie ou que je ne connais pas !

 

Monsieur, je n’ai jamais été capable de conjuguer le moindre verbe, mais je me dis que tant qu’il y aura des hommes comme Pierre Bonte et vous, il sera doux de vivre en France.

 

Patrice Renaudin (adhérent 478)

 

Cher ami,

 

Les amoureux du français, tel était le titre du reportage qui m’amena à Monpazier, en 1997, au siège du CO. R. U. P. S. I. S., et qui me permit de faire mieux connaître votre combat en faveur du passé simple et de l’imparfait du subjonctif. À l’issue de l’interview, conquis par votre chevaleresque enthousiasme, j’émis le vœu que vous m’inscrivissiez dans votre association, dont je suis fier d’être aujourd’hui l’adhérent n° 273.

 

Depuis lors, je m’efforce plus que jamais d’appliquer avec rigueur les règles du Bescherelle, mais si vous le voulez bien, je me satisferai pour aujourd’hui d’avoir réussi à placer un imparfait du subjonctif…

 

Je voudrais simplement, en conclusion et en hommage au CO. R. U. P. S. I. S., inscrire à votre livre d’or l’un des plus poétiques emplois du passé simple qu’il m’ait été donné de lire. Ce sont quatre vers de Guillaume Apollinaire, dans Poèmes à Lou[15] :

 

« (…) Te souviens-tu, mon Lou, de ce panier d’oranges

Douces comme l’amour qu’en ce temps-là nous fîmes

Tu me les envoyas un jour d’hiver à Nîmes

Et je n’osai manger ces beaux fruits d’or des anges (…) »

 

Avec tous mes vœux de succès pour votre courageuse et nécessaire entreprise, je vous prie d’agréer, cher ami, l’assurance de mes sentiments les plus cordiaux.

 

Pierre Bonte, Journaliste (adhérent 273)

 

Il fallait que je vinsse à Monpazier pour que j’inscrivisse cette pensée de Jean Cocteau :

 

« Le verbe aimer est le plus difficile à conjuguer

Son présent n’est qu’indicatif

Son passé n’est jamais simple

Son futur est toujours au conditionnel »

 

et que je connusse Alain Bouissière. Mais il n’était pas nécessaire que je le visse pour que je l’admirasse.

 

Max Desrau, comédien (adhérent 778)

 

De la simple carte de visite qui affirme sans concession son élan d’enthousiasme en notant :

 

J’adhère ! de Jacques Longué (adhérent 161)

 

à la dithyrambique « Ode à Alain Bouissière, ce parfait imparfait » :

 

À Monpazier réside un curieux personnage

Amoureux du français comme on l’est de vin fin,

Œuvrant à réhabiliter l’ancien langage

Qui fleurissait en France au temps du baisemain.

 

Il n’est que de franchir le seuil de son auberge

Pour baigner aussitôt dans le monde parfait

Du subjonctif vieillot qu’en ces lieux il héberge

Pour mieux en exalter les plus subtils effets.

 

Je m’installai céans dans l’antre littéraire

Heureuse de goûter, autour d’un bon café,

Quelques verbes juteux, fleurons de la grammaire,

Conjugués par le maître habile à réciter.

 

J’eusse aimé traduire en telle circonstance

La phrase qui me vint, au présent, à l’esprit

Afin que nous engageassions, à travers stances,

Une conversation d’où ce temps est proscrit.

 

Que n’eussé-je donné pour sortir triomphante

De cette épreuve où je comptais me distinguer,

Mais la timidité, veule et paralysante

Me saisit en bloquant les mots dans mon gosier.

 

Moins douée à parler qu’au jeu de l’écriture,

J’écoutai déclamer, au mode subjonctif,

Cet ardent défenseur de l’art et la culture

Lancé dans un combat aussi glorieux qu’actif.

 

D’aucuns s’épuiseraient dans des luttes sordides

Adorant un seul dieu, pourvu qu’il fût d’argent,

Tandis que ce poète, au cœur de sa bastide,

Ne gagnait que deniers d’estime en psalmodiant.

 

Le président qu’il faut à notre république

C’est cet homme Présent, bien qu’épris du Passé

Ce Futur candidat au rêve académique

Élu sous condition qu’il restât Imparfait !

 

Madeleine Mansiet (adhérente 316)

 

Toutes ces lettres soutiennent avec enthousiasme notre initiative. Je vous en donne encore quelques-unes à lire car, toutes, elles sont la sève du CO. R. U. P. S. I. S.

 

Monsieur, puissé-je vous féliciter de toute mon énergie. Vous rendez à la langue un service inappréciable !

 

Votre initiative, rarissime et extraordinaire en notre triste époque déliquescente, relève à la fois de l’élégance d’esprit la plus lumineuse et du plus tonique bon sens ; en outre, cette probité langagière coïncide chez vous avec le plus louable et le plus légitime dynamisme commercial (je fus boutiquier plus de vingt ans et apprécie d’autant votre idée).

 

Si j’étais Chirac, je vous décorerais sur-le-champ.

 

Enfin, il me plaît immensément que votre trait de génie jaillisse du Périgord (j’ai vécu toute mon enfance à Lalinde), pays dont je ne guérirai jamais.

 

Si vous me répondez, merci de me documenter sur votre association CO. R. U. P. S. I. S. et sur la manière d’y adhérer.

 

Un dernier mot : le patron de l’hôtel de Londres appellera-t-il à la croisade contre le sabir franglais ?

 

Pourquoi les étudiants organisent-ils des sit-in, cul-sol ne serait-il pas infiniment supérieur ?

 

Encore merci… et courage ! Admirativement,

 

Paul Yvonneau.

 

Voici un petit clin d’œil historique à relever, car l’usage de l’imparfait du subjonctif ne laisse jamais indifférent.

 

Edgar Faure, la bouche pleine, tant il est pressé, commence son discours dans lequel, après avoir remercié ses hôtes, il vante sa politique, la seule, l’unique, et termine par cette phrase : « Tout le monde pensait que j’étais un arriviste. »

 

Un grand silence, pas d’applaudissements, quand soudain, une voix grave s’élève : « Il eût été normal que vous le fussiez ! »

 

Qui ose ? Qui se permet de prendre ainsi la parole, de plus, dans un jargon très pédant ? C’est notre retraité – chauffeur pour dames seules – qui, sous le feu de l’Arbois du Pirou, a fait montre de sa science grammaticale !

 

Que va dire Edgar ? La foudre va-t-elle clouer au sol cet impertinent ? Non pas ! Le temps de finir son pain de seigle, le président, tout sourire, s’adresse à notre collègue qui n’en mène pas large :

 

« Mon cher ami, je ne sais pas ce que je dois admirer dans votre répartie fort pertinente : le fond ou la forme. Le fond, c’est votre pensée lucide : vous me connaissez bien et vous avez depuis longtemps reconnu mes extraordinaires possibilités. La forme : c’est l’expression grammaticale classique qui révèle le lettré que vous êtes ! Vous avez employé l’imparfait du subjonctif, inusité aujourd’hui, qui est toujours difficile à utiliser, mais qui se trouve, dans votre phrase, placé judicieusement. Il confère à votre remarque un charme désuet que j’ai vivement apprécié. Tous mes compliments. »

 

Pierre Jeambrun dans les sept visages d’Edgar Faure[16],

cité par Jean-Pierre Verdon (adhérent 70)

 

Cette lettre est un régal d’humour et de bon conseil pour qui sait entendre…

 

Monsieur,

 

Je vous sais gré des renseignements que vous me communiquâtes dans votre dernier courrier et du soin que vous prîtes à éclairer mon subjonctif. Touchez là, Monsieur, parfait honnête homme vous êtes ! Vous fîtes en sorte que je me ferai une obligation de défendre votre noble cause,

 

eussé-je à en souffrir. Bien que personne n’osât jusqu’à ces derniers temps prendre le parti du moribond et de ses deux enfants maltraités par le public, les passés simple et antérieur, vous vous plûtes à maintenir la Tradition.

 

Voilà qui comblera d’aise les générations futures. Ah, Monsieur ! Que de phrases admirablement gréées ne perdîmes-nous pas du fait de l’arrêté ministériel du 26 février 1901 lequel implanta le solécisme au sein de la langue ; ne nous étonnons pas si, après cette opération inesthétique, la langue soit sujette à malformation. Contrairement aux académiciens et aux auteurs en vogue empêtrés dans leurs « coquilles », vous vous appliquâtes à sauvegarder ce qui eût pu l’être des décennies auparavant. S’il n’en tenait qu’à moi, ces pendards eussent été voués aux objurgations de l’Impératif.

 

Vîtes-vous jamais autant d’acharnement contre un simple mode… Fût-il de cuisson ?

 

La haine borgne et le racisme phonétique ne présidèrent-ils point à l’élaboration de cette loi « verbicide » ? Fussé-je crédule, je n’en demeurerais pas moins convaincu de la nocivité dudit arrêté. En conséquence, il conviendrait qu’une sainte émulation s’emparât des Français pour mener à terme la libération du mode subjonctif.

 

Pour ces raisons, c’est avec enthousiasme que je dépose entre vos mains le montant de ma cotisation annuelle à dessein de gagner la bataille décisive, fallut-il que nous recourussions aux bons offices du conseil de l’Europe ou aux instances de l’O. N. U.

 

Plus que parfaitement vôtre (au subjonctif, il va sans dire !)

 

Jacques Ratio (adhérent 407)

 

L’humour mène à tout, même à la défense de la défense de la langue française !

 

Alors, topons là et relevons le défi !

 

Il fallait que je suivisse un autre chemin si je n’avais voulu revêtir l’armure et le heaume pour bouter hors de nos citadelles le langage envahisseur qui prétend pourfendre le subjonctif, fût-il imparfait, et faire du français une rose sans pétale.

 

Au nom de cette rose que j’aimerais garder belle, je souhaiterais que vous m’adoubassiez au sein de votre association.

 

Hauts les cœurs !

Levons la plume !

Preux de l’imparfait (du subjonctif), garons-nous à droite ! garons-nous à gauche !

 

Écrasons, piétinons, broyons, sabrons, épéons, coupons, découpons, coutordons, transperçons, brochettons !

Là un « franglais ! » Sus ! (ce n’est pas un subjonctif)

Ici un « verlan » (?), pourfendons !

Là encore, un « têt-de-mort-tié-quoi-toi ? ». Hachons donc menumenumenu !

 

Hardi les gars, il faudrait que le ciel nous tombât sur la tête pour que nous ne vainquissions pas !

 

Dieu est parfait,

Notre subjonctif est imparfait

Il est humain, quoi !

 

Michel Vert (adhérent 170)

 

L’amour au subjonctif

 

Yves-Fred Boisset (adhérent 871), « précorupsissien », se demandait en 1989[17] :

 

Où est passé le subjonctif ?

 

J’aimais tant l’imparfait du mode subjonctif

Que j’eusse souhaité que la langue actuelle

N’en abandonnât point la forme rituelle

Comme si chaque verbe était né défectif.

 

Il se prête à l’amour car il est suggestif

Et, tel un corps de femme a l’aura sensuelle,

Il évoque à la fois l’espérance cruelle,

La crainte, le désir ou le doute furtif.

 

N’eût-il pas été doux que de vous je m’éprisse

Dans ce joli parler aux senteurs de caprice

Que nos contemporains ont jugé périmé ?

 

Et qui se fût choqué qu’à vos pieds je mourusse

Si vous fussiez rétive à l’espoir sublimé

Qu’il fallût si longtemps qu’au fond de moi je tusse ?

 

Et un amoureux du subjonctif averti nous confie :

 

Monsieur le gérant du café-bar « LE PARDAILHAN « et du subjonctif,

 

Par les temps présents qui courent vers un problématique futur, vous vous attaquez vaillamment – à reculons certes – au subjonctif imparfait.

 

C’est parfait, l’harmonie du mot lui-même en faisant un passé simple comme un bonjour (que je vous transmets par la même occasion.)

 

Je me permets l’envoi de deux poèmes jumeaux intitulés « Nul amour n’est plus-que-parfait » qui me paraissent idoines à vos aspirations. Poèmes que nous avions concoctés bien avant que nous eussions connu vos préoccupations linguistiques.

 

Que n’eussiez-vous donc la bonté de me lire et que faisant, vous jouissiez d’assez de plaisir afin que vous puissiez en parler et qu’éventuellement vous recommandassiez le recueil dans lequel ces lignes furent tirées.[18]

 

À votre secrétaire qui m’avait agréablement reçu…

 

Du déjeuner poète

Une accolade amie

À la jeune Mimi

Elle-même Poët[19]

Comme elle me l’a dit.

 

Bien cordialement

 

Jean-Louis Ardouin

 

NUL AMOUR N’EST PLUS QUE PARFAIT, n°1

 

Que vous me fussiez apparue un beau matin

Quand mes rêves glissaient vers d’heureux lendemains…

 

Que vos pas d’aventure eussent croisé les miens

Et que nous eussions eu agréable entretien…

 

Que j’eusse senti en vous soupçon de passion

Et ouï mots doux murmurés à cette occasion…

 

Que vos yeux doux votre sourire et vos manières

M’eussent fait désirer embarquer pour Cythère…

 

Que des fées nous eussent présagé bonheur plein

Je n’eus tardé, chère… à demander votre main.

 

Sot, qu’aurais-je pu faire afin que tu le susses

Que mon amour eût été, et je ne m’abuse,

Égal au tien si ta flamme m’eût déclarée

Sans ambages, sans que j’eusse à la deviner…

Mais… que nous ne nous fussions jamais rencontrés

N’est-ce point, mon amour, gage d’éternité !

 

Jean-Louis Ardouin

 

NUL AMOUR N’EST PLUS-QUE-PARFAIT, n° 2

 

Que tu me fusses apparue nue un beau matin

Quand mes rêves glissaient en de brûlantes mains…

 

Que tes pas d’aventure eussent croisé les miens

Et que nous eussions eu équivoque entretien…

 

Que j’eusse senti en toi frisson de passion

Et ouï mots crus murmurés à cette occasion…

 

Que ton si suave corps promis sans manières

M’eût donné fort désir d’embarquer pour Cythère…

 

Que pour jouir de toi et en avoir bonheur plein

Il se pourrait que j’eusse… demandé ta main !

 

Pauvre fat, que dire afin que vous le sussiez

Qu’il en eût fallu plus pour que vous m’abusiez

C’est sans ambages que je veux vous déclarer

Que votre flamme, vous l’eussiez pu deviner,

Eût demandé plus de pudeur, plus de doigté

Si vous eussiez voulu ardemment me combler !

 

Jean-Louis Ardouin

 

Il se prête à l’amour car il est suggestif

Et, tel un corps de femme a l’aura sensuelle,

Il évoque à la fois l’espérance cruelle,

La crainte, le désir ou le doute furtif.

 

Yves-Fred Boisset

 

Monsieur,

 

Naturellement, c’est par votre passage dans Envoyé Spécial que je vous ai connu.

 

Je suis un Breton, amoureux de la deuxième langue que l’histoire nous a donnée, et comme vous et les vôtres, soucieux de la défendre, chaque fois que cela se peut.

 

Le passé simple fait partie des éléments qui justifient les vertus de précision que l’on prête généralement au français.

 

Quant à l’imparfait du subjonctif, c’est un ingrédient de son charme. Il colorie l’éloquence rhétorique, rend flamboyante la diatribe polémique, pimente voluptueusement le dialogue amoureux.

 

Alors bon courage et recevez mon obole de soutien. Très cordialement.

 

Yves Bernard (adhérent 680)

 

Eût-il vraiment fallu que je vous rencontrasse

Et que de vos beaux yeux vous me regardassiez

Eût-il vraiment fallu que vous persistassiez

Et qu’entre vos doux bras, seul, je m’abandonnasse ?

 

Était-il nécessaire au fond que je restasse

Sans qu’il fût jamais dit que vous me retinssiez ?

N’eût-il pas convenu que vous me plaignissiez

Avant qu’à vos appas inconscient je cédasse ?

 

Vous fûtes mienne avant que la nuit ne finît

Que le ciel s’éclairât et que le jour pâlît

Quelque blasé coriace et fort que je me crusse

 

Je ne pus regretter que nous nous connussions.

Vous gagnâtes mon cœur presque et quoique j’en eusse

Il s’en fallut de peu que nous nous aimassions.

 

En toute sympathie. J. C. Peter

 

Terminons ce court chapitre par une exhortation ; il faudrait que chacun s’exerçât au maniement de ces formes subtiles :

 

Immédiatement vous me plûtes… Je vous le déclarai.

Il fallait que je vous revisse et vous obtempérâtes.

Vous acceptâtes un rendez-vous, mes baisers, mes caresses…

Il serait très opportun que nous nous revissions et que nous poussassions plus loin notre commerce amoureux.

 

Car l’amour du subjonctif mène bien souvent à l’amour au subjonctif !

 

Le subjonctif ressuscité

 

Signe qu’à une époque donnée, il existe une génération spontanée d’un courant de pensée, où une idée se précise et fleurit en plusieurs points de la planète sans qu’il existe de relation directe entre les individus qui la cogitent, de nombreuses personnes m’ont avoué qu’ils avaient pensé, un jour, à s’inquiéter de ces braves conjugaisons remisées sur les étagères…

 

À la recherche d’un temps perdu[20]

 

Avec le goût qu’affirment les Français pour les vieilles pierres de leur patrimoine, pour les riches heures de leur histoire, les collections de leurs musées ou les arcanes de leur généalogie, il serait étonnant que se poursuivît la désuétude de l’imparfait du subjonctif et qu’on n’assistât pas bientôt à son retour en grâce, sinon en force. N’est-il pas, au même titre que la baleine bleue ou le pangolin, une espèce en voie de disparition ?

 

Rien n’est plus beau, plus logique, plus élégant, en un mot : plus français, qu’un imparfait du subjonctif employé à bon escient. Mais tout est, bien entendu, affaire de circonstances, et le dossier de ceux qui le mettent en accusation est lourd de fous rires et d’assonances ridicules.

 

(…) À l’image des siècles qui l’ont précédée, notre époque possède tous les défauts du monde, ce qui ne l’empêche pas de vivre en permanence dans la quête de la perfection. « Zéro défaut » est le slogan obsessionnel de l’industrie, zéro microbe, zéro faute, zéro pollution, et, pourquoi pas ? – des milliers de tués sur les routes en témoignent ! – zéro de conduite.

 

Comment, dans ces conditions, des grammairiens et des écrivains réussiraient-ils à assurer la promotion du subjonctif et, qui plus est, du subjonctif imparfait ?

 

Comment ce mode, qui dans son appellation même s’avoue imparfait, parviendrait-il à inspirer confiance à l’usager ?

 

Démodé, sans doute, le subjonctif imparfait, mais guère plus que les chasses à courre, les jardins à la française, les opéras baroques. Démodé… mais irremplaçable. Il est la marque de la noblesse, de la majesté, de la différence affichée, de la distance, mais aussi de la morgue. Si Dieu parlait – Lui qui se préfère dans le rôle du Plus que Parfait – n’emploierait-Il pas le subjonctif imparfait pour s’adresser à Ses créatures ?

 

(…) C’est une mode à relancer ; car il nous semble qu’il soit davantage un mode qui se détend qu’un temps qui se démode. Une devinette en est la preuve :

 

« Pourriez-vous me dire à quel temps est conjuguée la phrase suivante ; « Je suis enceinte ? »

 

À l’imparfait du préservatif !

 

Claude Gagnère

 

Reprenons aussi un extrait du chapitre « Conjugaison » d’un autre ouvrage[21] de Claude Gagnère, qui défend encore et toujours l’emploi de l’imparfait du subjonctif.

 

Dans son livre Mémoires de Madame la langue française, Jean Duché rapporte la phrase que Jacques de Lacretelle dit un jour à son confrère au sortir d’une séance sous la Coupole :

 

« J’eusse été fâché que vous m’imputassiez cette connerie ! »

 

La juxtaposition au sein d’une même phrase d’un mot rude et d’une tournure recherchée et désuète parvient à conférer à l’ensemble un ton malicieux et inimitable.

 

Prononcée par le plus délicat et le plus distingué des académiciens, une telle réplique pourrait à elle seule justifier que l’on continuât à employer, de temps à autre, le subjonctif imparfait.

 

TEMPS PERDUS (à la recherche des.) Petite annonce :

 

Cherche à fonder association pour la réhabilitation du passé simple et de l’imparfait du subjonctif afin que soit toujours entendue la langue de Racine :

 

Ariane, ma sœur, de quel amour blessée

Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !

 

Alain Bost

Micro Dico de Pseudo Philo pour classe de troisième.

 

De la même manière, le titre de l’article de Thierry Chevrier paru en 1996 dans la revue Journal de la Vieille France est identique à celui de Claude Gagnère cité précédemment.

 

À LA RECHERCHE D’UN TEMPS PERDU…

 

L’IMPARFAIT DU SUBJONCTIF !

 

C’est pas du français que tu m’causes, c’est de la peine…

 

Il est des temps de notre conjugaison dont le temps semble à jamais révolu. Branches mortes d’un arbre multicentenaire, qui ne fut pourtant jamais émondé, elles se sont progressivement rabougries, puis sont tombées, dans l’indifférence générale. Ces formes, jugées désuètes et obsolètes, gisent au fond des grimoires que sont devenus pour le lecteur moderne les ouvrages du XIXe siècle. Faute d’être utilisées, faute aussi d’être enseignées (ceci entraînant peut-être cela…), elles ne seront bientôt plus du tout connues du grand public.

 

La preuve en est que lorsqu’un homme de télévision, théoriquement censé être un pratiquant actif et professionnel du langage, se hasarde à vouloir utiliser un subjonctif imparfait, il ne parvient pas toujours à éviter le ridicule. C’est le cas, par exemple, de Laurent Baffie qui, au cours d’un de ses canulars téléphoniques, demande à son interlocuteur de lui donner le subjonctif imparfait du verbe oindre, et, s’étant heurté à l’impuissance désolée de celui-ci, lui délivre doctement cette réponse : Encore eût-il fallu que je l’oignasse[22].

 

Certains font mieux, bien sûr, tel Patrick Chène qui, commentant le Tour de France, fait remarquer du ton le plus naturel : « à un tel rythme, il était inéluctable que les échappés fussent rejoints ».

 

Quelques hommes politiques se risquent à leur tour, depuis François Mitterrand et Raymond Barre, précurseurs en la matière, à en réemployer un de temps à autre, mais furtivement et sans insister toutefois, afin de ne point paraître pédants. Car force est de le constater, à vouloir bien parler notre langue, on risque aujourd’hui de se voir taxé de préciosité (…)

 

Aucun souvenir ne me reste du subjonctif imparfait à l’école primaire, que je connus pourtant dans sa forme la plus « classique » dans un véritable collège d’Oratoriens réputé pour la rigueur et la tenue de son enseignement[23]. Un de ces établissements où des surveillants stylés vouvoyaient les élèves, et savaient priver les élèves turbulents de piscine en termes châtiés…

 

Chevrier ? Vous vous passerez d’ébattements nautiques !

 

Faut croire que nous étions considérés comme trop jeunes pour faire notre profit de ce poétique recoin de la conjugaison française. À moins que plus prosaïquement, avec l’ingratitude de l’enfance, nous ayons laissé rouler hors de nos mémoires cette perle par trop exotique pour s’y fixer.

 

Il s’immisça devant mes yeux par surprise, par éclats si fugitifs que je n’y pris pas garde. Ma mémoire subliminale seule gardait la trace de cette curiosité incongrue au curieux goût de faute de frappe, accent circonflexe qui brusquement vous clignait de l’œil du haut d’un u, d’un a ou (plus rarement) d’un i, sans que l’on comprît vraiment pourquoi il nichait là. L’intelligence, gênée, eût aimé qu’il s’évanouît, s’éloignât, disparût. Cependant, il était là, insistant, un rien poseur (…)

 

Il allait falloir que vinssent d’autres lectures, pour que cet intrus ressuscitât. Pour moi, cette deuxième invasion devait être foisonnante, aussi envahissante qu’un nuage de criquets pèlerins. C’était dans Voyage au Centre de la Terre, mon premier Jules Verne.

 

Mon père me l’avait fourré entre les mains. J’avais dû accepter un peu à contrecœur – il faut bien le dire – contrarié que l’on dérangeât soudain mon petit confort de lecture, qui plus est, avec un auteur qui s’appelait Jules : vrai prénom de grand-père, qui sentait le sérieux et le renfermé (…)

 

L’imparfait du subjonctif ? Cela n’existe pas, vous dis-je !

 

J’ose espérer, cher lecteur, que vous réalisez bien l’illégalité flagrante dans laquelle je vous ai entraîné. À l’heure même où j’écris ces lignes, sachez que le correcteur orthographique de mon traitement de texte refuse catégoriquement sa légitimité à mon dernier subjonctif imparfait, en lieu et place duquel il me suggère un incongru montaisons, à moins que je n’accepte de me contenter du plus prosaïque montrions, ou encore du conditionnel montrerions.

 

Pensez-vous qu’au moins, le programmeur avisé de ce gendarme lexical aura daigné inclure dans sa panoplie d’autres temps plus courants que ceux que, dans notre folie, nous employâmes ? que nenni !

 

Pour ce dernier verbe, son robot nettoyeur nous propose employantes (sic), rien de moins[24]… À désespérer de vivre au vingtième siècle, vraiment, et comme le pressentait Jules Verne lui-même dès 1863, « Ce peu d’art n’avait donc pas échappé à l’influence pernicieuse du temps[25]. »

 

Je cherche un homme (Diogène)

 

Tout l’hiver a cependant son printemps, chez nous tout au moins, et il y a peu, une association pleine de verve et d’humour a fleuri à l’ombre d’une vieille bastide de Dordogne, pour remettre à l’honneur ces formes oubliées. Plusieurs reportages sur différentes chaînes de télévision se sont récemment intéressés à la naissance de CO. R. U. P. S. I. S. Ne cherchez pas, latinistes distingués, une quelconque étymologie issue de corupto, foncer les cornes en avant !

 

Il s’agit tout simplement du Comité pour la Réhabilitation et l’Usage du Passé Simple et de l’Imparfait du Subjonctif.

 

Son créateur et secrétaire Alain Bouissière, truculent patron de l’hôtel de Londres, n’a pas son pareil pour redresser gentiment, avec son accent vibrant et chantant de Marseille (dont il est originaire), la maladresse de cette cliente qui vient de décider, devant son verre :

 

Maintenant, il faudrait… que je le buvasse.

 

L’œil pétillant, le doigt levé avec une impérieuse bienveillance sur la fautive, Alain-Parfait du Subjonctif corrige patiemment son erreur, égrenant avec délectation :

 

Que je le busse, que tu le busses, qu’il le bût, (le circonflexe est dessiné par l’index), que nous le bussions, que vous le bussiez, qu’ils le bussent !

 

L’esprit de l’association, dont certains considèrent qu’elle n’est qu’une simple galéjade, est disons-le d’emblée, à la tolérance et à l’humour.

 

Jamais on n’en voudra à un prétendant à l’adhésion d’avoir trébuché sur l’emploi d’un temps retors à l’emploi rouillé. Point de vengeurs acariâtres et revanchards à CO. R. U. P. S. I. S.

 

On y cultive paisiblement le plaisir de la conjugaison comme on savoure le pastis, sans hésiter, si l’occasion s’en présente, à rendre à l’envahissante langue anglaise la politesse qu’on lui doit, annexant ses verbes à notre sauce, ce qui donne :

 

Il serait temps que nous drinkassions un petit apéro, avant que nous eatassions la suite.

 

Que les fâcheux et les aigris, s’il en est, daignent ne pas s’affliger de cette bonhomie. Il ne s’agit pas de se draper dans notre dignité face à une quelconque décadence, et de scander nos pieux griefs à la face du monde, dans le vain espoir d’infléchir sa course. Pas question, tel Lamartine, d’objurguer d’un ton désespéré : « ô temps, suspends ton vol ! »

 

L’objectif affiché d’abroger le décret ministériel qui, en 1901, officialisa la tolérance du subjonctif présent n’est rien d’autre qu’un clin d’œil au militantisme, comme celui de cet humoriste qui s’était mêlé à une manifestation pour hurler, d’une voix décidée : « À bas la violence, ou bien on casse tout ! » Le nombre d’adhérents, dont font partie plusieurs élus, approche dès à présent les 150 (été 1996). Le cap des 200 membres une fois atteint, l’association pourra être déclarée d’utilité publique. Le projet a été émis d’éditer alors un petit bulletin de liaison, auquel chacun pourrait contribuer à sa guise, venant y exprimer un point de vue, y proposer ses remarques ou y faire des suggestions personnelles. Plate-forme propice aux échanges intellectuels, plus qu’un mouvement de revendication pure et dure, cette association pourra être, pour ceux qui le souhaitent, l’occasion de faire connaissance avec d’autres adhérents. On peut la voir aussi comme un manifeste gratuit, à la française, d’un certain esprit mousquetaire, prêt à embrocher tous les conformistes langagiers d’une botte élégante, au nez des gardes du Cardinal qui interdisent ce type de duel.

 

Thierry Chevrier (adhérent 113)

 

En 2002, l’association compte 1100 membres et le montant de la cotisation est de 7,7 Euros.

 

Paris le 21/05/97

 

Cher monsieur Bouissière,

 

C’est avec énormément de plaisir que j’ai fait votre connaissance à l’émission « Aléas » d’hier soir. Pour une fois, il ne sera pas question de : « Vous l’avez rêvé, Sony l’a fait ». Effectivement, j’ai toujours dit par boutade qu’un jour je créerai une association de défense du subjonctif imparfait qui est souvent menacé de mort par nos éminentes têtes grises pour la plupart incapables d’écrire correctement leur langue ! Mais j’imaginais mal que nous étions si nombreux à revendiquer notre amour du beau langage.

 

Je constate (avec tristesse) une nette dégradation de notre chère langue dans tous les supports écrits, que ce soit journaux (là, on vous répondra qu’il faut faire vite donc pas le temps de relire), magazines pour enfants (ah le bel exemple pour la génération future déjà embrigadée dans un galimatias mâtiné de franglais, de « rap-langage » et autres idiomes caractéristiques de telle ou telle banlieue !), livres de poche (« pour ce prix-là, inutile de payer un correcteur, cela ferait augmenter le prix de revient dudit livre ») ou livres « ordinaires ».

 

Je passe mon temps à souligner les fautes et je ne manque pas d’anecdotes à ce sujet. Je peux même préciser que je suis plutôt mal considérée à mon travail car je relève les fautes et les gens (n’ayons pas peur de souligner « les cadres responsables ») sont encore très susceptibles à ce sujet, même si vous présentez la chose avec diplomatie. J’aime la langue française et aimerais tant qu’elle soit utilisée avec plus de discernement, de respect. Combien de fois, aussi, ai-je entendu des réflexions amères au sujet de la ponctuation dont les règles sont sans cesse bafouées par des usagers peu scrupuleux qui n’ont rien compris à l’importance de ces signes.

 

Alors merci d’avoir pris la défense d’une langue qui, grâce à des gens comme vous, pourra peut-être se refaire une petite santé ?

 

De mon côté, il me serait très agréable d’en connaître plus sur votre comité et éventuellement de rejoindre vos rangs. Certes, je n’ai pas utilisé énormément de subjonctifs imparfaits dans ma lettre, mais, tout comme ces gauchers contrariés qu’on s’efforce de « ramener dans le droit chemin », il ne sera pas trop difficile de revenir à un style enfin reconnu (par des amateurs éclairés !).

 

Merci de me répondre et en tout cas, encore bravo !

 

Mlle Thi Tâm Leprieult

 

Monsieur,

 

Je lus récemment dans ma revue habituelle que vous entreprîtes de sauver l’emploi du passé simple et du subjonctif imparfait, que vous vous y employâtes de la belle manière et continuez de vous y employer.

 

On eût pu craindre en effet que ces temps quelque peu inusités ne sombrassent dans l’oubli et ne devinssent complètement étrangers aux francophones. Il fallait donc vraiment s’attendre à ce que les terminaisons inhabituelles de ces temps sonnassent désormais bizarrement à leurs oreilles et disparussent à tout jamais.

 

Je ressentis donc beaucoup de joie lorsqu’il m’apparut qu’on s’opposait enfin à la mort lente d’une partie du patrimoine linguistique français.

 

Permettriez-vous qu’on vous félicitât et vous encourageât vivement à poursuivre votre tâche et qu’on formulât les vœux les plus sincères pour son succès ? Il serait en effet regrettable que vous perdissiez ce pari que vous tîntes, animés que vous fûtes par une ambition ô combien légitime !

 

Nous souhaiterions aussi que le nombre de vos adhérents s’accrût et que vos efforts convainquissent le plus grand nombre de nos compatriotes.

 

En ce qui me concerne, vous allâtes au devant de mes désirs car, inconsciemment, j’attendais que vous vinssiez afin que prît fin ce scandale grammatical.

 

J’ai aussi une pensée émue pour le regretté Léon Zitrone, qui, bien qu’il fût d’origine étrangère, ne manqua jamais d’employer ces temps tombés en désuétude en espérant qu’on suivît son exemple.

 

Voilà donc qui est fait. Plût à Dieu, qu’il pût se réjouir, là où il est !

 

Je vous remercie encore et serais très heureux que vous voulussiez bien m’accueillir au sein de votre confrérie.

 

En ce début d’année, je souhaiterais bien sûr qu’elle prospérât et atteignît le but qu’elle s’est fixé.

 

Christian Dereims

 

À monsieur le Président de CO. R. U. P. S. I. S.

 

Enfin, j’enrageai parfois d’oublier la concordance des temps. Il n’y a pas longtemps encore, avant que j’eusse connaissance de votre association, je craignais d’être un cas, chérissant, seul au groupe, les temps perdus de notre conjugaison.

 

Votre existence me rassure, et vous me combleriez en m’indiquant les conditions d’adhésion à CO. R. U. P. S. I. S.

 

Avec mes remerciements, veuillez agréer, monsieur le Président, l’assurance de mes sentiments dévoués.

 

Bruno Cavalier (adhérent 924)

 

Bien cher monsieur,

 

Suite à l’émission Envoyé Spécial du 22 mai sur France 2, je me suis trouvée tout à fait en accord avec vous pour la sauvegarde de ce patrimoine qu’est notre langue française bien parlée : moi-même dans ma façon de m’exprimer, il m’arrive d’employer l’imparfait du subjonctif quand je commence une demande polie par « il faudrait… »

 

En tant que vice-présidente d’une société philharmonique à Roanne, nous avions une réception pour accueillir nos amis musiciens allemands de Reutlingen, j’ai eu mon succès en demandant :

 

– Chers amis, avant de lever notre verre, il faudrait que vous m’écoutassiez…

 

Mes amis musiciens roannais ont souri et gentiment me demandent parfois de parler « en subjonctif » lors des répétitions.

 

Je suis enseignante retraitée, je n’ai jamais enseigné passé simple et imparfait du subjonctif car j’étais directrice d’école maternelle et à cet âge… les enfants ont d’autres façons pour s’exprimer !

 

Au plaisir de vous lire, cordialement,

 

Josette Giraud (adhérente 452)

 

Bien évidemment, pour reprendre la phrase de notre correspondante, « les enfants ont d’autres façons de s’exprimer », mais notre rôle à nous, adultes, est de leur faire aimer ces tournures ampoulées et susciter chez eux l’emploi du subjonctif. Car le susciter, c’est déjà le ressusciter !

 

Cette mission (quel mot contraignant !) n’est pas tout à fait impossible, car les scolaires jouent spontanément avec les tournures ambiguës offertes par ces conjugaisons d’un autre temps…

 

Le subjonctif de 7 à 97 ans

 

L’imparfait du subjonctif, conjugaison d’un autre temps ? Je n’en suis pas si sûr. La curiosité est un charmant défaut…

 

Après avoir pris connaissance de CO. R. U. P. S. I. S., nous fûmes mis au courant de votre passion pour le passé simple et le subjonctif imparfait. Nous jugeâmes alors indispensable de vous écrire, afin que vous pussiez nous compter parmi les adhérents de CO. R. U. P. S. I. S. Mais cela fut difficile car il faudrait que nous jonglassions plus souvent avec ces temps délicats.

 

Malgré ces difficultés que nous rencontrâmes, nous jouâmes avec les consonances des terminaisons pour que vous appréciassiez notre écriture. Il faudrait que vous eussiez cette petite lettre, si compliquée pour nous et si simple pour vous.

 

Classe de 3e D du collège de Bletterans

 

À l’intention d’Alain Bouissière et de tous les membres de l’association CO. R. U. P. S. I. S.

 

Quelle ne fut pas ma surprise et ma joie ce soir-là, lorsque je vis ce reportage sur « Envoyé spécial » !

 

Il existe encore des personnes qui aiment la langue française et qui se battent pour sauver le passé simple et l’imparfait du subjonctif !

 

Je me dis immédiatement qu’il fallait que je m’inscrivisse.

 

Malheureusement, je n’eus pas le temps de noter votre adresse et je dus faire maintes recherches pour la retrouver. Ma quête ayant abouti, j’eus même l’immense plaisir et honneur de parler au téléphone à Alain Bouissière en personne. En effet, nous discutâmes longuement et ce fut fort intéressant. Je lui demandai enfin tous les renseignements nécessaires afin que j’adhérasse. Voilà ! C’est chose faite…

 

Soyez sûrs de mon soutien et de l’intérêt que je porte à votre combat. À bientôt, j’espère.

 

François-Xavier Maigre, 15 ans (adhérent 669)

 

Cher monsieur,

 

Quelqu’étrange que puisse paraître la création du CO. R. U. P. S. I. S., ma foi, voilà une merveilleuse idée !

 

Car enfin, pourquoi diable fallait-il qu’on l’éliminât ?

 

Et que d’un subjonctif nous en fussions privés car, étant imparfait, il parut trop pédant !

 

Mais vous vîntes à son secours et nous le fîtes partager avec humour et sympathie. Et par son beau temps, bon ton et son allure fière, de céans, vous sûtes « faire d’un mot le bel amant d’une phrase ». Ainsi vous vous mîtes en œuvre de sorte que nous goûtassions avec parcimonie et délicatesse les bienfaits de ce breuvage né du jeu de langage.

 

Il eût été ingrat que par un mauvais sort on le jetât !

 

Par conséquent, il serait fort plaisant que vous me comptassiez parmi les amoureux de notre langue française !

 

De mon séjour à Monpazier vous me vîtes ravie.

 

En effet, il fallut que je vous découvrisse d’une façon bien imprévue pour que d’emblée j’en parlasse à autrui et me trouvasse en ce lieu assise en votre compagnie. Bien amicalement,

 

Anaïs Flandin 16 ans

 

À messire Bouissière,

 

Fidèle serviteur de la langue française, dont la renommée s’étend du pays de Gaule jusqu’aux confins des Amériques ; à vous noble seigneur de l’imparfait du subjonctif, qui maniez de votre plume et de vive voix cette arme pour charmer nos cœurs, nous redonner l’espoir et faire revivre de vieux rêves oubliés ; à vous qui enfin, sans toutefois rendre vie à une civilisation disparue, voulez nous en faire ressentir les coutumes, les émotions, les grandeurs ; à vous, nous autres, décadents de la langue française, de toute sa grammaire et de toutes ses conjugaisons, nous qui immolons impunément et plaisamment les éloquentes et raffinées tournures des temps anciens à l’avantage de bavardages d’une simplicité accommodante ;

 

à vous donc, nous dédions ces quelques lignes :

 

Maître hôtelier, vous qui abreuvâtes derrière

Ricard et pastis nos esprits non de prières

Mais de conjugaisons demeurées en notre âme patentes

Souffrez messire que le subjonctif je tente :

J’eusse été ravie qu’en plus d’un vers

Nous trinquassions de concert.

 

Juliette Durel, 18 ans (adhérente 884)

 

À monsieur le « patron » du bar le Pardailhan

 

Ah ! Qu’il doit faire bon se compter parmi les habitués du bar le Pardailhan !

 

J’aimerais que, au hasard des routes, nous trouvassions ces « potes » amoureux du français.

 

Bien que j’habitasse loin de Monpazier et que je ne connusse pas cette jolie commune, il faudrait, pour mon plaisir, que j’évoquasse et que j’imaginasse ces heures de « révision » et de « répétitions », où défile un certain passé qui m’est toujours cher, à moi, la vieille dame de 74 ans. À ce propos, je vous conterai un souvenir datant de 6O ans…

 

En effet, il fallait cette émission pour que je me remémorasse le profil et le langage d’une enseignante d’alors, qui s’efforçait de ramener l’ordre durant ses cours par cette belle phrase :

 

– Je voudrais que vous vous tussiez et que vous m’écoutassiez !

 

Chers fous rires de cette époque qui eussent pu nous coûter des privations de sortie ! Mais non, cette enseignante était affligée d’une terrible myopie.

 

Serait-il possible que les habitués du Pardailhan étendissent leurs relations dans toute la France et nous partageassent leur « doulce « joie ou, du moins, nous en donnassent un écho, cela par un bulletin mensuel ou trimestriel pour lequel il serait bon que nous contractassions un abonnement pour lequel j’obtempère.

 

À monsieur le patron et à ses amis, je présente mes salutations.

 

Yvonne Caillon (adhérente 58O)

 

Cher monsieur, lorsque ma fille nous fit inscrire à votre groupe, un peu à la légère, ma petite-fille et moi et que vous nous acceptâtes avec gentillesse, cela me réjouit.

 

Quoique d’origine italienne, la France et son langage prirent une large place dans ma vie.

 

Que vous souhaitassiez de vos adhérents qu’ils parlassent un français de choix, quoi de plus méritoire, mais, ne serait-il pas normal que je craignisse ne pas être une recrue de qualité.

 

En effet à plus de quatre-vingt-trois années, qui ne furent pas toutes de lumière, il serait bon que j’émisse quelques réserves quant à mon aptitude de maîtriser ce français pétillant comme le champagne.

 

Le grand siècle fut vraiment très grand, même si parfois il était bon que j’avouasse un certain désaccord quant à ses idées. Aujourd’hui on peut en mesurer les erreurs !

 

Que vous ne fussiez pas trop sévère à mon encontre, cela comblerait mon désir de toujours vouloir écrire un français correct sinon de choix.

 

Circonstances atténuantes : mon âge et mes origines italiennes.

 

Que vous reçussiez mes salutations cordiales, que vous souffrissiez mes remerciements, tout serait parfait !

 

B. et Y. Salvatore (adhérents 944)

 

(…) Que pourrais-je bien vous raconter à l’imparfait du subjonctif, temps que je connais bien pour avoir fréquenté l’école primaire à l’époque où elle enseignait la grammaire, le calcul mental, les départements avec leurs cortèges de préfectures, sous-préfectures et chefs-lieux ! Je suis née en 1915 et on savait alors la valeur des exercices de mémoire (ou de mémorisation… pour faire plus savant !).

 

Que faudrait-il, en ce moment, pour vous réjouir, vous et les membres du comité ?

 

Que je vous jurasse d’envoyer régulièrement la liste des fautes de syntaxe, vocabulaire, conjugaison, relevées dans les sous-titres des films et autres séquences télévisées, sur les lèvres des présentateurs et journalistes, et même, un comble, dans certaines œuvres littéraires dont l’auteur confond l’imparfait et le passé simple ?

 

Le subjonctif n’étant guère utilisé, je ne récolterais pas grand-chose dans ce domaine, sinon peut-être au présent : voulez au lieu de veuillez par exemple.

 

Espérer rétablir l’usage de l’imparfait du subjonctif me paraît, hélas ! relever de l’utopie à notre époque du numérique, des ordinateurs-traducteurs, des images virtuelles, etc.

 

Faut-il s’en affliger ? Seulement dans la mesure où cette désaffection traduit une perte de substance de langue française et un refus de l’effort chez nos écoliers…

 

Quoi qu’il en puisse être, je vous salue, cher collègue, et souhaite le succès de votre entreprise.

 

Brigitte Maillol (adhérente 218)

 

Mission impossible ou utopie ? Tant qu’il y aura des réactions telles que celles que nous venons de lire, l’espoir est permis et l’issue heureuse dépendra du bon vouloir des médias.

 

Les subjugués du subjonctif

 

L’imparfait du subjonctif et le passé simple se prêtent à des libérations jaculatoires délirantes, prétextes à ces déclarations enflammées :

 

Monsieur, que vous nous couchassiez sur la liste de vos fidèles, tel serait le souhait qu’il serait licite que nous formulassions et auquel il serait opportun que vous souscrivissiez.

 

Nous souhaiterions que vous nous accordassiez le privilège de votre aimable attention et que vous consacrassiez à la prise en compte de notre adhésion un peu de votre temps précieux dont il serait souhaitable qu’il pût être réservé à d’autres activités que cette banale et néanmoins nécessaire inscription pour laquelle nous joignons 10 F en timbres après avoir espéré qu’ils se révélassent conformes à vos statuts bien qu’ils apparussent peu important mais nécessaires et suffisants pour entrer dans vos bonnes grâces et qu’ils marquassent notre intérêt pour la réhabilitation de formes de conjugaison dont vous crûtes, à bon escient, qu’en intervenant auprès des représentants de la France profonde, vous entreprissiez œuvre de bon aloi.

 

Que vous nous absolussiez du péché d’orgueil en ce qui concerne cet exercice de style nous conforterait dans l’opinion selon laquelle, si vous permettez que nous pastichassions le style de Cocteau, le Passé n’est pas toujours Simple mais souvent Composé et même, chose bizarre, parfois Antérieur. Quant au subjonctif, il était bon que vous promussiez puisque, dans les faits, le Subjonctif est souvent Présent bien que d’aucuns le jugeassent Imparfait mais que d’autres le considérassent comme Plus-Que-Parfait ce qui semblerait indiquer qu’il convînt qu’on l’employât.

 

Rédigé par Henri Drode pour servir la défense et l’illustration de ces beaux temps de la conjugaison française souvent méconnus, voire dédaignés, peut-être parce qu’ils se prêtent mal à une mise en verlan.

 

Henri Drode (adhérent 919)

 

Monsieur le président, veuillez trouver ci-joint, le montant de ma cotisation pour adhérer à votre comité dont le mobile m’enthousiasme.

 

S’il est besoin de vous persuader de mon amour pour notre langue, je vous adresse une ballade qui, bien qu’imparfaite, a eu l’heur de plaire à Monsieur Maurice Druon puisqu’il a eu l’amabilité de m’y répondre sur le même ton.

 

Cette ballade était en écho à un article du secrétaire perpétuel de l’Académie française, paru dans Paris-Match, en juillet 1994.

 

Je me réjouis d’être membre du CO. R. U. P. S. I. S.

 

Veuillez agréer, Monsieur le président, l’expression de mes salutations distinguées.

 

À la manière d’Edmond Rostand, ballade d’un combat contre un nouveau jargon détrônant notre langue et signant déraison :

 

Adeptes de Francophonie,

D’Acadie, du pays d’Albret,

De la lointaine Occitanie,

Avec la fougue du Cadet

Fidèle aux racines, restez !

Nulle autre langue en votre bouche

Ne traduisant ce que pensez

À la fin de l’envoi fait mouche.

 

Conscients que la difficulté

En regard de l’anglo-ricain

Fait de la langue sa beauté,

Le vieux corps académicien

À coups d’estoc et fleuret fin

Sera vainqueur de l’escarmouche.

Le parler pur de l’Angevin

À la fin de l’envoi fait mouche.

 

Devant ce charabia d’outrance

Grand est notre épouvantement

Aussi bien que notre souffrance.

Ce laisser-aller indulgent

Dépassant notre entendement

Heurte notre oreille et la touche.

Si docte est notre acharnement

Qu’à la fin de l’envoi fait mouche.

 

Envoi

Oyez ; ne souffrez cette offense

Faite à notre parler de souche

Si pur, même au-delà de France

Qu’à la fin de l’envoi fait mouche !

 

Nelly Boucheron-Seguin (adhérente 723)

 

Au vénérable estaminet,

 

Tel l’aède antique chantant Perséphone et son retour au Printemps le vénérable réapparaît pour revivifier ses nouvelles escapades en Périgord Noir là où naguère nous trottinions en bonne compagnie grimpant de Belvès et tournant en abbaye sous les arcades de Monpazier où je ne sache pas que nul n’envisageât la moindre pause en notre estaminet de vieille France en lequel gens tout de sagesse n’ont de cesse qu’ils conjuguassent avec bonheur les formes de vertus de langue d’oc à la promesse contenue en grâces par Érato plutôt qu’Europe la traîtresse qui délaisserait les valeurs que vous prévalussiez en votre aréopage de la chose bien dite rompant ainsi les vaines chamailleries en insufflant le bon entendement à ceux qui passent en ne se détournant point lorsque le grand coup de barre supplée un petit coup sur le zinc et le glucose ingurgité sur le pas des trottoirs revigore la marche de dégustateurs un tantinet souffreteux hormis les contingences des obligés d’ancêtres incertains des Eyzies ou de quelconques plantigrades d’ailleurs tous esprits sains en rutilante enveloppe mais n’ayant cure d’avoir à susurrer l’exemplarité des rudiments d’apologues et proverbes lustrés en écriture démotique qui sied si bien aux redites de prudence assenées en moult occasions sans alerter le moins du monde nos hardis compagnons préférant se confronter aux longues heures de leurs fabuleuses errances de par la volonté souvent trop pesante de péripatétiques enseignements qui ne sont pas sur ma foi profession des recueillements mesurés en l’honorable cénacle de parangon des subtiles pensées si peu enclines à vivre les exploits d’Hippomène arrachant la victoire à la rapide Atalante pour un récit en épode distique à remémorer en longeant vertes prairies que jonchent jolies pâquerettes abandonnées de-ci de-là au retour de nos cloches baladeuses qui tintent aigrelettes d’un village voisin quand le soleil rigolard tarde à se montrer en une matinée pâle juste éclose réchauffant bientôt la foule des assidus qui s’amuse un brin moqueur au spectacle des « m’as-tu-vu » répétant leurs sempiternelles bravades fanfaronnades et rodomontades tentant par là d’aguicher les témoins de leurs saperlipopettes outrances en déguisements agrestes pour de modernes croisades lesquelles ne seront plus heureusement de guerre lasse hors les religions de par les nombreux chemins souillés de faits d’armes dans la peine du labeur accablant de fugaces instants de vie attachés à l’histoire de cette terre aujourd’hui dévolue à la gent sportive qui aura charge courtoise de séduire à l’instar des palatins d’autrefois sans que la candeur liliale des hôtes ravis ne s’empourprât de belle façon devant la flatteuse incursion du joyeux cortège se précipitant tout émoustillé pour aller de hameaux en châteaux aux florilèges idéalisant celles qui furent ravissantes épousées auprès d’humbles serviteurs ou beaux seigneurs évanouis avec la gloire qui fut leur et se revendique dans la tradition adoptée par des présomptueux dont les démesures firent qu’ils concourussent en cuisantes joutes sous les caresses de Rê qui las se retirera en ronflant comme à son habitude tandis que le Pardailhan s’appliquera à servir les mets bien saucés à la Périgourdine aux riches saveurs léguées à tous par bienfaisant démiurge pour gourmets compassés dont il n’est bon bec que coureurs affamés si fait que derechef vous sommassiez ceux-ci et les invitassiez pour qu’ensemble nous nous plaçassions à la grande table et en appréciassions le plus que parfait en don de nos oracles et qu’ainsi nous mangeassions et bussions de conserve puis que sans jamais nous ne zézayassions nous conclussions enfin ce besogneux méli-mélo car tel l’aède antique chantant Perséphone et son retour au Printemps le vénérable réapparaît pour revivifier ses nouvelles escapades en Périgord Noir.

 

Gérard Stenger

 

Tant qu’il y aura des hommes et des femmes capables ainsi de porter avec panache le drapeau du subjonctif dans leur verve épistolaire, tout espoir n’est pas perdu !

 

Les croisé(e)s du subjonctif

 

Tant qu’il y aura des hommes et des femmes capables de porter la bonne parole autour d’eux pour que ces temps revivent ou, du moins, ne soient pas oubliés, nous garderons l’espoir d’ouïr la gent médiatique les utiliser malicieusement aux heures de grande écoute…

 

Monsieur,

 

Il ne serait pas bon que je vous le cachasse

Je fus à Monpazier, vénérable bastide,

En admirai les charmes, et l’histoire, et la grâce.

J’en porte encore en moi le souvenir limpide.

 

Mais de tous ces attraits, et de tant d’avantages

Je passai sans le voir, le plus précieux de tous :

J’ai nommé CO. R. U. P. S. I. S., dont hier un reportage

Sur la chaîne deuxième m’a appris le courroux.

 

Je l’approuve, Monsieur, j’admire votre audace,

Notre langue mérite cette allègre défense.

Encore eût-il fallu que comme vous je l’osasse

Vous le fîtes, bravo ! Entrons tous dans la danse !

 

Il était bon, Monsieur, que vous décidassiez

De remettre à l’honneur notre beau subjonctif.

Grâces vous soit rendues, et hors de Monpazier,

Partons avec ardeur convaincre les rétifs !

 

Vous l’aurez compris, je souhaite adhérer à votre association. J’ai cru entendre à la fin de émission Envoyé spécial qu’il suffisait de joindre à sa demande un chèque de dix francs, somme modique, ô combien !

 

En attendant d’avoir le plaisir de trinquer avec vous et mes nouveaux compagnons de la joyeuse croisade en faveur du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, je vous prie d’accepter le chèque ci-joint et toutes mes félicitations.

 

Anne-Marie Bing (adhérente 793)

 

Adhérents de votre association CO. R. U. P. S. I. S., nous nous étions dits qu’il faudrait, si d’aventure nous passions par la Dordogne, que nous nous arrêtassions à Monpazier et que nous vous saluassions.

 

Il a donc fallu, cet été, que nous fissions étape chez vous et que nous vous rencontrassions pour réaliser pleinement quel enthousiasme votre initiative a soulevé en France et hors de France après l’émission Envoyé Spécial consacrée à votre association. Nous constatâmes de visu tous ces témoignages d’amoureux de la langue française ralliés à votre projet.

 

Bravo pour votre combat pour la réhabilitation du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, temps peu usités parce qu’un peu retors peut-être ?

 

Il serait désormais séant que chaque adhérent allât à son tour porter urbi et orbi la bonne parole et défendre ainsi cette langue belle, la langue de chez nous.

 

Puis-je vous suggérer, par ailleurs, que vous organisassiez une réunion de tous vos adhérents pour une « grande messe » ?

 

Sans doute faudrait-il alors que nous révisassions les règles de concordance des temps dans Bescherelle mais, qu’à cela ne tienne, il serait normal que nous fussions au rendez-vous !

 

Décidément, passé simple et imparfait du subjonctif, ça vous gagne !

 

Cordialement vôtres,

 

Marcelle et Pierre Delannoy (adhérents 790)

 

Cher monsieur,

 

J’ai cru vivre soudain sur une autre planète à la lecture de l’article paru dans Sud-Ouest, le 13 août dernier, concernant la création de votre association pour la réhabilitation de l’imparfait du subjonctif.

 

Revenue sur terre, quand je l’eus lu, je décidai d’y souscrire, céans, portant ce message dans notre terre de Flandre, pour que votre association crût[26] assez, pour qu’on la crût[27] assez, et qu’on la validât.

 

Remettre au présent, et pour le futur, cet imparfait passé de mode, fut pour moi très subjectif et ce dépoussiérage de notre langue me plut beaucoup.

 

Je partis en croisade…

 

Ces démarches, conjuguées à celles de notre champion du monde d’orthographe, Monsieur Bruno Dewaele, esthète du beau langage, votre initiative vient d’avoir droit de cité dans notre grand journal régional La Voix du Nord.

 

Un texte savoureux, truffé… d’humour, que j’ai l’heur de vous transmettre, pour qu’en bon tenancier vous le dégustassiez, le sirotassiez, le fissiez connaître. Bref, que vous l’affichassiez, et qu’on trinquât à sa bonne santé.

 

Oyez, braves gens, les croisés de Flandres vous soutiennent, confiant leurs deniers à la diligence postale, (un pèlerinage leur eût plus plu) pour que vécût CO. R. U. P. S. I. S. !

 

Solidairement vôtre,

 

N. B. Vous confierai-je que pour ce petit exercice dans lequel j’ai souhaité « manier » le verbe, Bescherelle me fut utile, espérant que lui et moi n’eussions pas à en rougir. Imparfait dîtes-vous ?

 

Ginette Grasset (adhérente 260)

 

Bruno Dewaele, autre croisé de l’imparfait du subjonctif, dans un article de la Voix du Nord[28], a rédigé les jeux suivants :

 

À VOUS DE JOUER !

 

Conjuguez… vos efforts.

 

1 – Trouver le subjonctif imparfait d’un verbe à la première personne du singulier, quoi de plus facile ? Il vous suffit d’ajouter se à la deuxième personne du singulier du passé simple : tu eus, que j’eusse ; tu fus, que je fusse. Partant, convertir les infinitifs ci-dessous en imparfaits du subjonctif devrait relever du jeu d’enfant.

 

À moins, bien sûr, que le passé simple ne vous parût parfois… compliqué !

 

A. apprécier

B. écrire

C. naître

D. tenir

E. traire

F. savoir

 

2 – L’imparfait du subjonctif ne constitue pas, il s’en faut, la seule traîtrise de notre conjugaison. Ainsi, il n’est pas rare qu’une même forme renvoie à deux verbes très différents, comme le prouvent les exemples qui suivent. Retrouverez-vous à chaque fois les deux infinitifs concernés ?

 

A. nous crûmes

B. il faut

C. vous mouliez

D. qu’ils peignent

E. qu’il plût

F. (que) tu visses.

 

Les solutions de ces jeux sont à la page 125.

 

La dynamique Ginette ne s’est pas arrêtée là et elle est parvenue à persuader un autre académicien, après Jean Dutourd, de rejoindre notre cohorte d’orthodoxie[29].

 

Lettre adressée à : Monsieur Maurice Schumann

 

Palais du Luxembourg

15, Rue Vaugirard

75291. PARIS

 

Cher monsieur,

 

Faisant suite à notre court entretien de ce samedi 29 novembre, relatif à votre adhésion à l’association CO. R. U. P. S. I. S., je vous prie de trouver ci-joint (avec votre carte d’adhérent !) quelques photocopies d’articles de presse, donnant des renseignements… bien sommaires… sur l’origine et l’extension, dans notre région, de cette séduisante initiative.

 

Jointe à l’humour, quelle bonne fortune !

 

Que vous acceptâtes d’adhérer à ce mouvement, pacifiste et d’ampleur nationale, m’a donné beaucoup de joie, et, de mettre en nos rangs un nom aussi illustre que le vôtre me donne aussi beaucoup de fierté. C’est un « phare » pour notre Nord, tant décrié parfois.

 

Promouvoir et défendre, sur le terrain, l’usage correct de notre langue française ne pouvait que vous séduire.

 

D’autre part, les contacts que j’ai avec l’initiateur, M. Alain Bouissière, me permettent d’affirmer qu’un recueil du savoureux courrier qu’il reçoit va probablement être édité ce printemps, par souscription.

 

J’ai eu, entre les mains, ce haut-relief du langage et de l’écriture (se dit aussi press-book), truffé de pertinences, farci d’humour, constellé d’à-propos truculents, de rares et justes accords, d’élégance de style aussi. On le lit avec un plaisir intense, on le déguste comme un plat rare qui vous fait saliver, on le relit, et on regrette ensuite de ne pas l’avoir écrit.

 

C’est pourquoi, sans abuser, me vîtes-vous venir ?

 

Oserais-je vous demander de concrétiser votre adhésion, par un mot, un support écrit, qui viendrait s’enchâsser dans ce précieux journal, et lui donner plus de reflets encore ?

 

Sans prosélytisme, je sais vous avoir convaincu de l’utilité de notre démarche.

 

« Défendre, urbi et orbi, notre belle langue française ».

 

En vous remerciant encore de nous permettre, pour cela, d’être à vos côtés.

 

Je vous prie d’agréer, cher monsieur, l’expression de mon profond respect.

 

Madame Ginette Grasset (adhérente 260)

 

Malheureusement pour le CO. R. U. P. S. I. S., monsieur Schumann est décédé avant de nous écrire sa lettre.

 

Cependant, son fantôme hante ce livre et, en collaboration avec feu Jean Laguionie, ils sont à mes côtés pour effectuer le tri de toutes ces lettres et il m’arrive de percevoir leur assistance outre-tombe dans cette tâche difficile d’escrivaillon rapetassier.

 

HOMMAGE AUX FONDATEURS DE CO. R. U. P. S. I. S. ET PROFESSION DE FOI D’UN NOUVEL ADHÉRENT

 

Lorsqu’un jour de mai quatre-vingt-seize vous fondâtes

Un comité, il eût été bien pratique

D’en créer un de cracheurs de noyaux de dattes

Ou de lanceurs de poteaux télégraphiques[30]

 

Puis il eût fallu que vous organisassiez

Des épreuves pour sélectionner un champion,

Le mesurer à celui d’autres comités

Ayant sensiblement la même vocation.

 

Que les premières fois vous amusassiez

Paraît certes possible, mais, vite l’ennui

Aurait causé, peut-être, la mort du comité

Vous laissant habité d’un important dépit.

 

Vous n’en fîtes rien et CO. R. U. P. S. I. S. créâtes,

Convaincus qu’il fallait que vous combattissiez

Un décret imbécile, une loi scélérate,

De la langue française détruisant la beauté.

 

Rapidement il fallut que vous défendissiez

Votre noble idée en usant des médias,

Et qu’à l’Académie vous rendissiez

Afin, de ce décret, préparer le trépas.

 

La tâche est difficile et, il faudrait

Que nombreux, à CO. R. U. P. S. I. S, les gens adhérassent

Et que souvent, devant le pays tout entier,

Leur mauvaise humeur ils manifestassent.

 

Car enfin, le passé simple et l’imparfait

Du subjonctif sont des piliers de notre langue,

Lui donnent truculence, jolies sonorités.

On ne les emploie plus, et cela nous manque !

 

Il serait séant que de mon côté je fisse

Tout ce que je peux pour en rétablir l’usage

Et que, dès que possible, je convertisse

À leur emploi, les gens de mon entourage,

 

Que, grâce à moi, à CO. R. U. P. S. I. S., s’inscrivissent

La majorité des amis que je fréquente

Pour qu’ils parlassent, et aussi, écrivissent

En usant de ces temps, et ceci, sans attente !

 

Je vous le garantis, ça, je m’y emploierai

Car je suis certain que sans cette croisade,

Alors que dans les banlieues on parle javanais

Ou verlan, le français est en pleine glissade,

 

Que si l’on ne fait rien, il y perdra son âme

Et bientôt deviendra incompréhensible

De tout ceux qui, unanimement, proclament

Que pour eux, le français, est une chose sensible.

 

Il serait séant que je m’arrêtasse là

Pour que mon propos ne devînt pas ennuyeux

Je m’arrête donc et vous salue bien bas

Vous qui, comme comité, créâtes ce qu’il y a de mieux !

 

Jean Toiron (adhérent 895)

 

 

Monsieur,

 

Absente, j’avais enregistré Envoyé Spécial. Je n’imaginais pas que cette émission pût offrir une telle émotion, un tel bonheur durable. C’est un ami que je viens de trouver, un ami de cette langue française que j’aime viscéralement.

 

Je voudrais que vous sussiez combien votre initiative me touche. Il n’est de plus beau combat que celui livré sans moyens avec la flamme de l’enthousiasme et de la passion désintéressée. C’est une lumière dans cette époque sinistre.

 

Professeur retraitée, j’ai assisté, au cours des décennies, à la dérive constante due à la démission des « élites » responsables.

 

J’ai mené mon combat, j’ai organisé ma résistance dans mes classes, fidèle à mon idéal. L’égalité des chances, ce n’est pas amoindrir la langue pour la situer au niveau des plus défavorisés, c’est au contraire vouloir donner à ces défavorisés l’accès aux plus beaux textes, à la musique de la phrase, aux subtilités du vocabulaire pour peu que l’on sache leur en ouvrir le trésor. C’est leur témoigner la plus haute considération en les jugeant capables de goûter et c’est, me semble-t-il, du mépris que de les tenir à l’écart en ne proposant qu’une langue avachie.

 

Alors que j’expliquais Racine à des élèves dits « peu doués », je vis le regard d’une élève fixé sur moi avec insistance.

 

Je lui en demandai la raison, sa réponse fut l’une des plus grandes joies de ma carrière : « Je vous envie, vous avez l’air si heureuse ! On dirait que vous dégustez, vous avez de la chance ! Plus tard, je ne serai pas capable de lire et de comprendre cela moi-même, mais je saurai toujours que la langue française, c’est beau ! »

 

C’est une erreur de n’offrir aux élèves que des manuels de lecture composés par des « spécialistes » de textes plats, vulgaires, innommables.

 

L’association de défense de la langue française devrait y veiller. Il faudrait qu’elle dénonçât cette ignominie et qu’elle exigeât un droit de regard et de veto sur les manuels scolaires, mais qu’elle ne se satisfît point de quelques remarques à l’usage des seuls initiés.

 

Le « Pardailhan « , votre choix ne laisse aucun doute sur votre tempérament valeureux.

 

Je me souviens d’avoir enflammé des classes préprofessionnelles par l’étude de Cyrano, que je faisais jouer bien sûr ! C’était merveilleux : voir ces adolescents rebelles au français dire et redire inlassablement la tirade du nez, le baiser… Jamais lassés (et l’Aiglon ! ! !)… Je fus, un jour inspectée au cours d’une de ces séances : je revois l’inspecteur suffoqué ! ! ! ! les bras lui en tombaient. Il me dit :

 

– Il n’y a que vous pour oser faire cela ! Et ça marche ! ! ! !

 

Complètement hors programme et je les vois passionnés et aucun problème de discipline !

 

– Pourquoi ? ? ? lui rétorquai-je. Nous nous respectons réciproquement. Ils savent que je les respecte en leur réservant le meilleur, ils me respectent de les respecter. Éduquer, c’est élever. C’est une considération réciproque. Ils se sentent dignes de mon exigence de qualité.

 

J’ai été ravie que vous eussiez été reçu à l’Académie et je voudrais que vous obtinssiez une distinction bien méritée : que vous fussiez fait chevalier des Arts et des Lettres.

 

Si vous étiez dans la région et si j’étais encore en activité, je n’aurais de cesse que nous allassions, mes élèves et moi, vous rendre hommage devant votre Pardailhan.

 

Ce serait bon de retrouver, avec vous, le panache !

 

Permettez-moi de vous dire, Cher ami, de vous demander adhésion au CO. R. U. P. S. I. S. J’aimerais que vous félicitassiez vos adeptes, et que vous vous sentissiez soutenus par toute ma sympathie.

 

Éliane Lécuyer (adhérente 518)

 

Belle profession de foi d’une enseignante !

 

Et que soit remerciée ici la grande famille de l’Éducation nationale, retraitée ou en activité, qui a rejoint immédiatement les rangs de l’association !

 

Le tour du monde en subjonctif

 

Les étrangers francophones apprennent la langue classique et, paradoxalement, sont plus à l’aise que les Français dans le maniement de ces bonnes vieilles conjugaisons.

 

Témoins, ces correspondants étrangers francophiles qui nous ont manifesté leur sympathie dans des textes qui n’ont été que très légèrement « corrigés ».

 

Commençons par le point de vue de deux ex-lycéens allemands des années 50 :

 

Jadis, à l’école, les maîtres des langues

(Qu’ils eussent ailleurs dirigé leurs harangues !)

Voulurent que nous apprissions les formes

Rares des verbes français – un boulot énorme -

Mais, bien que les profs nous torturassent,

Nous ne retînmes pas toutes les règles, hélas !

 

Ainsi préparés, en France, nous allâmes :

Aucun subjonctif imparfait nous trouvâmes,

Et le passé simple que nous employâmes

Évoqua des sourires, ce que nous déplorâmes !

Quel dommage que nos efforts scolaires

Ne fussent plus estimés au pays de Molière !

 

Eussions-nous vite connu de CO. R. U. P. S. I. S. le siège,

Nous aurions mieux supporté ce sacrilège.

Quelle joie que des sages aient créé un projet

Où on mange et conjugue encore plus que parfait !

Plût à Dieu que les Français retrouvassent

Toutes les formes classiques qu’ils apprirent en classe !

 

Helmut et Inge Gallistl, Allemagne

 

Les Belges, nos voisins, nos frères, s’accrochent à leur francophonie comme ces naufragés agrippés au « Radeau de la Méduse », perdus sur l’océan du germanisme et de l’anglophonie.

 

Madame, Monsieur, j’ai bien reçu votre courrier accompagné de ma carte de membre bienfaiteur et je vous remercie. Pour que je répondisse à votre aimable invitation et me transportasse en votre merveilleuse petite bastide, il faudrait que les disciples d’Hippocrate me soulagent de mes graves problèmes de dos. N’eût été cet empêchement majeur, j’aurais déjà fait de Monpazier ma prochaine destination.

 

J’aurais ainsi retrouvé ce Périgord que je ne fis que traverser en 1981, dans le cadre d’un voyage d’études, accompagné de géographes plus enclins à casser des cailloux qu’à admirer le paysage et à découvrir les produits de son terroir.

 

Mais je n’aurais pas le droit de ne pas espérer, ne fût-ce que pour m’aider à garder le moral lors des épreuves qui m’attendent.

 

Au risque de me répéter, votre combat est très beau.

 

Il aurait fallu que la langue française ne chût pas sous les coups répétés de l’invasion des anglicismes et du laxisme.

 

Les fautes de français se sont répandues partout, que ce soit dans les quotidiens, les livres (coquilles et vraies erreurs), et maintenant la télévision, où des titres agressent véritablement les anciens adeptes de Grevisse (un Belge, cocorico !)

 

J’en étais encore de cette réflexion tout récemment, quand, lisant le roman d’un auteur belge injustement méconnu (« la fabulation » de Jacques-Gérard Linze[31]), je me dis : « Enfin un livre sans la moindre faute ! ».

 

Je suis loin de vous mais décidé à apporter ma pierre à l’édifice que s’est mis à bâtir le CO. R. U. P. S. I. S. Je vais tenter de réparer les fautes de temps, en particulier d’accords de temps dans la presse belge, mes lectures, et débusquer les subjonctifs présents ou les conditionnels félons, les subjonctifs imparfaits oubliés, les passés simples maltraités.

 

Il faudrait bien, au bout de votre (oserais-je dire notre ?) beau combat qu’un jour :

 

Les grammairiens et romanistes laxistes fussent écartés de la profession ;

 

– Les hommes politiques prissent exemple sur votre ancien président, feu François Mitterrand, non pas nécessairement dans sa politique, mais pour son phrasé ;

 

– Les « beaufs » du secteur socioculturel ne rissent plus du lettré aimant faire crisser les verbes ;

 

– Le subjonctif imparfait pût renvoyer aux semi-oubliettes certains de ses temps congénères moins difficiles donc moins riches ;

 

– On ne perdît plus son français en le lisant ;

 

– Nos hommes politiques belges communautarisassent[32] dans la vraie langue de Voltaire ;

 

– Les mêmes ne décausassent[33] plus systématiquement les Flamands égratignant la même langue et s’écoutassent d’abord dans un enregistreur ;

 

– Que toujours les mêmes poignassent[34] dans la défense de la langue française avant que de rêver à tout « rattachisme » ;

 

– Les Wallons se ramassassent[35] et comprissent que leur avenir de francophones passe par une amélioration de leur langue véhiculaire.

 

P. S. Je n’ose imaginer mes correcteurs, bien amicalement.[36]

 

Michel Stevaert (adhérent 804)

 

Le bouillant Jean-Marie Dehan[37] nous écrit de Spa :

 

(…) Et je vous signale que, dès à présent, je vais personnellement insister auprès de mes amis parlementaires belges, afin que soit rendue obligatoire, sur tous les documents officiels, la mention :

 

L’abus du subjonctif imparfait ne nuit pas à la santé…

 

Sous sa rubrique Questions de langue, il écrit :

 

Dernier des grands dinosaures encore en vie – pour combien de temps ? – le subjonctif imparfait a de longue date fait le bonheur des humoristes de tout poil. Le meilleur, en la matière, côtoyant comme toujours le pire… Que l’on songe à ces pusse, visse et autres misse et busse qui nous faisaient tant rire à la Communale… Et on reste volontairement poli en omettant certains susse, sinon pétasse… !

 

À présent, et on le regrette ici, le S. I. a rejoint, au bureau des objets perdus, le conditionnel passé (1re et 2e formes), le futur – unanimement prononcé « ais » comme le conditionnel présent – et le passé simple (considéré comme littéraire). Si bien que de nos jours, la punition classique d’antan : « Élève CHAPROT, vous me copierez 10 fois les conjugaisons », fait figure d’aimable divertissement pour potache désœuvré !

 

D’ailleurs, signe des temps, le correcteur d’orthographe (?) de mon traitement de texte achoppe systématiquement sur TOUS les subjonctifs imparfaits (et passés simples aussi) que j’ai parfois l’outrecuidance de vouloir taper…

 

Soit !

 

Raison de plus, peut-être – juste avant leur enterrement – de savourer ce poème d’Alphonse Allais récemment exhumé par La Marjolaine[38] :

 

Oui, dès l’instant où je vous vis,

Beauté féroce, vous me plûtes, etc., etc. (Voir page 26).

 

Des Pays-Bas aussi, on souhaite restaurer l’usage de l’imparfait du subjonctif :

 

Monsieur, seriez-vous étonné que vous reçussiez des pays lointains une réaction à votre sympathique initiative de restaurer l’usage de l’imparfait du subjonctif et du passé simple ?

 

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article dans « Le Point » du 21 décembre 1996 et je serais heureux que vous précisassiez les conditions, cotisation et numéro bancaire pour être membre de votre comité.

 

Permettriez-vous que je vous souhaitasse une très bonne année qui soit riche en santé, prospérité et en imparfaits du subjonctif et autres passés simples ?

 

Subjonctivement vôtre.

 

Drs. Dick Van Den Brink (adhérent 400)

Lauréat du Mot d’Or 1996

 

D’Allemagne, on défend la langue française et sa grammaire :

 

Cher monsieur, il aurait, il est vrai, mieux valu que je vous écrivisse un peu plus tôt, cependant mieux vaut tard que jamais.

 

Ne jugeriez-vous pas inopportun que des applaudissements vous vinssent de l’étranger ? me suis-je demandé. Mais il est était vraiment grand temps que les compatriotes de Boileau, de Pascal, de Voltaire, de Lamartine et bien d’autres encore se soulevassent contre ce honteux nivellement linguistique (système tondeuse à gazon), ne fussent-ils que peu nombreux.

 

Je regrettais si souvent que bon nombre de personnes soi-disant cultivées eussent honte de jouir pleinement de la richesse de la grammaire française et se résignassent à être « à la page ».

 

Il serait souhaitable que les responsables, avant tout les élus et les autres hommes politiques se rappelassent leur devoir envers le peuple et sa langue et qu’ils missent tout en œuvre pour guérir la magnifique langue française, patrimoine d’une grande nation.

 

Accepteriez-vous, Monsieur, que je vous présentasse mes compliments ? Tout en espérant que vous ne vous laisserez nullement décourager dans vos efforts, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

 

Rudolf Sperr

 

Une rencontre extraordinaire à Monpazier.

 

D’Allemagne à Monpazier, l’imparfait du subjonctif fait un lien. Et, chose promise, lettre publiée !

 

Monsieur, peut-être vous souvenez-vous du couple allemand qui vous demanda l’explication du tableau CO. R. U. P. S. I. S. au mur de votre bar ?

 

Pendant notre visite de la bastide de Monpazier, la grande chaleur et une soif insupportable nous forcèrent à entrer dans un bar ou nous prîmes une boisson froide. En attendant le garçon, nous aperçûmes, au mur, à côté de la porte, un tableau.

 

L’inscription qu’il portait signifia la plus grande surprise que nous eûmes pendant notre séjour dans le Périgord. De loin, nous y lûmes seulement les majuscules : C. O…. I. S. Après avoir reconnu l’inscription complète, nous essayâmes d’avoir une explication plus profonde quant à ce comité. Mais nous ne trouvâmes personne parmi les autres hôtes du bar qui sût nous le dire, le garçon du bar inclus. Nous appelâmes ensuite le gérant afin que, lui, nous donnât l’information désirée.

 

Le patron du bar nous expliqua d’une manière aussi enthousiaste que pleine d’humour toute l’histoire et les buts du comité. À la fin de notre conversation, le patron désira que nous, les participants d’un cours de français en Allemagne, lui envoyassions une lettre dans laquelle nous eussions fait usage du passé simple et de l’imparfait du subjonctif pour qu’il pût l’intégrer dans une publication prévue.

 

Après avoir pris une photo, nous promîmes de lui envoyer la lettre pour qu’il en fît usage dans son livre. À la première leçon de français après notre retour, nous parlâmes de cette rencontre un peu extraordinaire et décidâmes d’écrire la lettre demandée pour qu’elle fût intégrée dans la publication.

 

Acceptez, Monsieur, nos salutations les plus distinguées, au nom du cours.

 

F. Reusch

 

De Grande-Bretagne, on s’adonne aussi aux plaisirs de l’imparfait du subjonctif :

 

Cher monsieur, la semaine dernière, lors de notre séjour en France, nous visionnâmes cette émission T. V. où il fut question de votre croisade antilaxiste grammaticale. Cela nous ferait plaisir, à mon épouse et à moi, que vous acceptassiez notre abonnement à votre estimable entreprise.

 

En tant qu’anciens enseignants, nous servîmes, ne fût-ce que modestement, sur plusieurs décennies, le rayonnement de la langue de Voltaire sur des générations d’étudiants anglophones. Pour eux, même à leur insu, la concordance des temps des verbes français et les subtilités du subjonctif contribuèrent sensiblement à leur développement intellectuel.

 

Nous souhaiterions donc que votre campagne fût couronnée de succès et qu’elle jetât un obstacle infranchissable sur la pente glissante du culte de la facilité. Avec nos meilleurs vœux,

 

James and Joan Walling (adhérents 586)

 

La bonne fée exaucera-t-elle ce vœu venant de Grande-Bretagne :

 

« Il eût été mieux que j’apprisse l’anglais ? »

 

Monsieur, ce fut en quête d’une bière que je découvris chez vous l’existence du comité établi pour la défense de deux éléments primordiaux de la langue française.

 

Par ce biais, j’entrai dans un monde quasi occulte comme si j’eus avalé une dose de cannabis.

 

En effet, un frisson prit possession de mes membres chaque fois qu’un nouveau flot de sons sifflants sortit de votre bouche pour retentir dans mes oreilles. Plus étrange encore, je fus transporté par une sorte d’excitation sexuelle (mes excuses si je vous choque !).

 

Si seulement mon professeur de français, une jolie jeune femme à l’époque, m’eût introduit, il y a un demi-siècle, à ces aspects séduisants du français ! Bonne raison en elle-même de rester à l’école pour faire ses devoirs (je vous choque de nouveau ?).

 

Vous eûtes le courage, Monsieur, d’affronter la réalité qui est que les Français ne connaissent plus guère leur passé (simple) et, pour comble, ne comprennent qu’imparfaitement leur précieuse[39] mode subjonctif. Quelle horreur, quel déclin, voire quelle déclinaison !

 

Que les Français soient guidés donc par leurs voisins anglais (pas facile), lesquels, avec leur respect inné pour le patrimoine, continuent d’utiliser couramment le passé simple (« I went ») à côté du parfait (« I have gone »).

 

Cela dit, j’admets que les Anglais sont plus négligents encore que les Français dans l’usage du subjonctif, si bien que cette élégante mode (qui dans mon imagination porte des jupes) est maintenant quasiment disparue.

 

C’est, à mon avis, le fatal précurseur d’une régression dans nos deux pays, quoique je me console en concluant qu’on ne peut tout avoir dans le monde imparfait où nous vivons.

 

En tout état de cause, je me permets de formuler pour vous un dernier souhait qui est que les étrangers étudiant le français ne finissent pas par affirmer :

 

« Il eût été mieux que j’apprisse l’anglais ! ».

 

Je vous prie d’agréer, Monsieur le président du CO. R. U. P. S. I. S., cette simple expression (ne fût-elle imparfaite) de ma gratitude et de ma solidarité sous-jacente, dans le futur comme dans le passé.

 

Janet et Eric Gaskell

 

De Suisse et de francophonie :

 

Mon séant, sur un seyant siège céans vissé, il fallut que je vous visse avant que de séant votre propos trouver.

 

Si fait ! Ainsi, avec diligence, me mis-je en quête de votre postal numéro dans un épais fascicule, qui, verbe et distinguo à tout vent inocule.

 

Si d’aventure, à Monpazier, il faudrait que je m’arrêtasse, il serait de bon ton que nous nous entretinssions.

 

Mais, trêve de digressions oiseuses de ma part. Il me serait fort agréable que de plus amples documentations, de vous autres recevoir…

 

… afin de « francophoniquer » pouvoir, les bifides langues qui point ne sont de nos terroirs…

 

Ne voyez point, là, de propos xénophobes, mais le verbe de banlieue commence à me gonfler le… citron !

 

Franco-helvétiquement vôtre !

 

Pascal Pioloux

 

Même du Paraguay, on soutient notre combat :

 

Cher monsieur, ce fut avec un plaisir intense que nous pûmes découvrir, ma femme et moi, que vous fondâtes une société de défense de l’usage du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, grâce à l’émission diffusée le 3 juin 1997 sur TV5, programme de Montréal.

 

Permettez-moi de solliciter mon adhésion au CO. R. U. P. S. I. S. en vous envoyant un chèque de 10 francs et quelques timbres pour couvrir les frais de correspondance avec le Paraguay.

 

Avec toutes mes félicitations pour votre action et mes encouragements pour poursuivre le combat.

 

Henri Bergeron (adhérent 690)

 

Du Canada aussi, on suit la grammaire française. Et avec quelle attention !

 

Cher monsieur, je viens d’ecouter un programme de T. V. fort interessant dans lequel vous prenez part comme un defenseur de l’Imparfait du Subjonctif ce dont je vous felicite car ayant fait toutes mes etudes en France (École Pascale et lycee Janson-de-Sally) a Paris de 1925 à 1937.

 

J’ai actuellement 79 ans et demi, et si bien j’ai « bourlingue » a travers le monde et si je parle cinq langues, j’adore la langue francaise et votre passage a la T. V. m’a fait souvenance de mon cher prof, « le pere Mayer » qui insistait sur l’usage de l’Imparfait du Subjonctif, et qui m’a donne l’amour de la grammaire francaise. À cause des langues et de mon age, j’oublie la plus belle langue du monde, le francais. Ici, à Toronto (Canada), nous recevons heureusement le Canal 5 International ou je puis me distraire avec les jeux : « Pyramide » et « Des Chiffres et des Lettres ».

 

(…)

 

L’Imparfait du Subjonctif se prete a pas mal de jeux de mots, tous aussi droles les uns que les autres. Je vous felicite tres chaleureusement pour votre succes a l’Academie francaise et pour votre magnifique initiative.

 

Recevez, monsieur mes respectueuses salutations, votre nouvel ami,

 

Francis Ricordi. B.

 

Nota Bene : Excusez les accents manquants mais ma machine a ecrire ne « parle » qu’en anglais, helas !

 

Cher monsieur Bouissière, c’est avec un réel plaisir que j’ai suivi votre cours de grammaire française à la télévision.

 

En effet, l’emploi de l’imparfait du subjonctif est rare et comme vous le disiez alors, trop souvent remplacé par une forme de conjugaison plus facile.

 

J’habite en Colombie-Britannique à côté de Vancouver, dans la partie la plus ouest du Canada, la langue française y est très peu parlée.

 

L’imparfait du subjonctif y est inconnu et donc jamais conjugué.

 

Pendant 31 ans, j’ai été pilote de ligne sur long courrier pour une compagnie d’aviation canadienne, Canadian Airlines International Ltd.

 

J’ai eu la chance et le plaisir, durant toutes ces années, d’aller à travers le monde et, durant mes escales, que ce soit au Japon, en Australie, au Mexique ou en Chine, je me suis toujours fait un devoir d’aller rendre visite aux divers Alliances Françaises ou Groupes de langue française, pour le simple plaisir de parler le français.

 

Celle ou je me suis senti le plus à l’aise était à Beijing (Pékin), le français y était des mieux parlé.

 

Mon père était un féru de l’imparfait du subjonctif, parfois un sujet de dérision pour ses amis.

 

Donc, ses trois fils à bonne école, que nous le voulussions ou non, nous l’employâmes régulièrement.

 

C’était devenu pour nous un jeu des plus intéressants, où l’un corrigeait l’autre dans des joutes verbales interminables.

 

Durant la guerre ou très peu après, mes parents habitèrent à Agonac au nord de Périgueux et je pense que j’étais alors en dixième.

 

Nous y restâmes, mon frère et moi, très peu de temps et nous fûmes envoyés dans un collège dirigé par des jésuites.

 

J’ai maintenant 60 ans, l’âge magique de la retraite pour les pilotes de ligne canadiens.

 

J’ai toujours voulu retourner à Agonac, et j’ai maintenant tout le temps devant moi pour le faire.

 

Je me ferais un plaisir de visiter Monpazier et l’hôtel de Londres afin de profiter de vos leçons de grammaire française.

 

Par cette lettre, j’aimerais vous demander s’il me serait possible de devenir membre de votre « Club ».

 

Je vous remercie de votre attention et espère avoir, un jour, le plaisir de recevoir de vos nouvelles.

 

Commandant Yves R. Cellier

 

De Namibie à Monpazier, de Monpazier en Namibie, il y a un nouvel adhérent :

 

Onesi, le 25 août 1997

 

Madame, Monsieur,

 

Vais-je vous surprendre par cette lettre, je ne pense pas, puisque la langue française a beaucoup d’admirateurs et de pratiquants. J’en suis un, je suis originaire du Congo-Brazzaville. Mais j’ai élu domicile dans ce pays où j’ai une épouse namibienne et deux fillettes.

 

Dans le n° 182 (octobre-novembre-décembre 1996) de Défense de la Langue Française, j’ai croisé avec bonheur l’annonce de la création de CO. R. U. P. S. I. S. Comme il vaut mieux parler la langue française, l’idée m’est venue de vous écrire. D’abord, il faudrait m’inscrire parmi les adhérents. Avant la fin de cette année 1997, je vous enverrai, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par mandat-poste, une somme supérieure ou égale à 20 $ U. S. D. pour mes cotisations futures. La somme que vous aurez en francs français sera ma participation financière à raison de 10 F par an selon votre annonce.

 

Ce pays étant dans la zone dollar, il est très difficile d’obtenir des francs français.

 

Prière de vite me répondre dès réception de ma lettre.

 

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.

 

M. G. K.

 

D’Algérie (gardons l’anonymat !) « Ce combat que vous menez est aussi le nôtre ». Mais, est-ce bien nous qui avons besoin de courage ?

 

C’est en suivant une émission sur France 2 intitulée Envoyé Spécial que j’ai eu l’occasion d’entendre parler du CO. R. U. P. S. I. S. et j’ai tout de suite écrit au siège de cette association chargée de la réhabilitation d’un temps qui a tendance à disparaître au même titre que le passé simple d’ailleurs, ce qui est vraiment dommage !

 

Ce combat que vous menez est le nôtre aussi, non seulement parce que nous estimons qu’il est juste mais aussi parce que nous vivons une situation difficile à tous les points de vue. J’exerce la profession d’inspecteur de français dans l’enseignement primaire en Algérie et je suis confronté quotidiennement à toutes sortes de problèmes, d’embûches… tout simplement parce que je participe à la formation de formateurs c’est à dire d’instituteurs de langue française. Ce qui n’est pas du goût des tenants de l’arabisation forcée et forcenée qui font tout ce qui est en leur pouvoir afin de réduire l’impact de la langue française sur la vie de tous les jours en Algérie. Néanmoins nous tenons bon et nous luttons, nous aussi, afin que nos enfants se familiarisent avec la langue de Voltaire.

 

La sauvegarde de la langue française est pour nous une aide et c’est pourquoi j’ai été vraiment ému en suivant l’émission en question et en découvrant qu’il existe des personnes qui mènent un combat ô combien noble ! afin que cette belle langue soit préservée dans ce qu’elle a de plus spécifique, la conjugaison.

 

Soyez donc assuré de ma sympathie, de mon soutien, et sachez que de l’autre côté de la Méditerranée, il existe des gens qui mènent un combat quotidien pour que la langue française demeure la deuxième langue du pays.

 

Mes amitiés à tous les adhérents du CO. R. U. P. S. I. S. et bon courage pour la poursuite de votre noble mission.

 

Ali B.

 

(…) Me trouvant dans un pays où la langue française n’est pas usitée (les cercles restreints mis à part), je me contente d’apprécier la truculence de la langue en écoutant les émissions télévisuelles ou en lisant. Cette pratique a fait que je maîtrise mieux l’écrit français que son parler.

 

La rencontre avec des personnes maniant merveilleusement le verbe de Molière m’impressionne et me fascine. Il faut dire aussi que l’amour de la langue française m’encourage et m’aide à persévérer.

 

Ma désapprobation est totale et mon « pincement au cœur » est douloureux à la vue de fautes aussi grotesques sur les écriteaux, frontons, etc. des devantures de certains commerces dans mon pays. Car, à côté de l’identification en arabe, se trouve généralement, la traduction en langue française. Ainsi, nous pouvons trouver :

 

Vulgarisateur, au lieu de vulcanisateur

 

Pièces détachés au lieu de pièces détachées

 

Réparation sallons, au lieu de réparation salons, etc.

 

Les exemples sont multiples et agaçants.

 

Dans les temps qui courent, s’afficher publiquement comme défenseur de la langue française dans l’intention d’apporter des corrections peut nuire. La situation que vit le pays oblige tout un chacun à garder l’anonymat dans ce genre de transcendance.

 

Mes amitiés aux membres du CO. R. U. P. S. I. S.

 

Votre ami.

 

P. S. : Je serais ravi de pouvoir correspondre avec un adhérent ou adhérente du groupe ayant mon âge.

 

N. B.

 

« Nous avons perdu les colonies, nous aurions pu garder la grammaire… »

 

Terminons ce chapitre avec Jacques Longué, journaliste retraité (mais le sont-ils vraiment un jour ?) et preuve est de constater que le beau langage traverse les frontières…

 

Cher monsieur,

 

– « C’est quoi, votre livre, vous cherchez à dire quoi ? »

 

L’instituteur de Cauterets, M. Vergez n’a jamais envisagé qu’un de ses petits montagnards d’écoliers soit un jour invité dans une émission littéraire. J’entends de la tombe monter sa protestation ironique

 

– « Quoi, quoi, quoi, il n’y a que les oies qui font quoi ! »

 

Nous avons perdu les colonies, nous aurions pu garder la grammaire…

 

Qu’entends-je ? L’adverbe désormais est fasciste, le point-virgule décadent, le participe présent archaïque. Savoir distinguer d’un verbe qu’il est transitif ou qu’il ne l’est pas, est devenu obsolète.

 

Aux Chantiers de la jeunesse de Saint-Pé-de-Bigorre, pendant la guerre, se trouvait un « chef » dont je n’ai retenu que le surnom, Coco. À l’époque on disait qu’il était nègre, maintenant on le déclarerait noir, ou de couleur, ou encore afro.

 

Des jeunes filles du pays l’interpellaient sans méchanceté aucune :

 

– Dis, Coco, toi y en avoir froid ? Coco, tu as bien fait miam-miam ?

 

Un jour, lassé, Coco mit ses deux mains sur les hanches et lança :

 

– Mesdemoiselles, je n’ai pas beaucoup de temps, mais je suis disposé à vous donner des leçons de français, gratuitement.

 

Dans le « civil », il était professeur de lettres modernes au lycée de Fort-De-France.

 

Militaire à Vienne (Autriche) en 1950, je fus abordé Mariahilfer Straße par un homme d’un certain âge qui, se méprenant sur la signification de l’étoile d’éclaireur-skieur que je portais sur l’épaule, me crut officier. Il cherchait à parler français. Nous nous liâmes et il m’invita à déjeuner chez lui, avec ses deux petites-filles qui étaient parées de toutes les grâces.

 

Il était passionné par Racine. Heureusement, j’avais fait mes études dans un collège privé où nous avions étudié Esther, Athalie, Polyeucte. Et il usait couramment du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, ce qui, je l’avoue, me condamnait à abandonner le passé composé de mon vocabulaire quotidien.

 

Il voulait aussi savoir si la langue que l’on parlait habituellement en France restait celle qu’il avait apprise au Lycée français, au temps des Habsbourg, et qu’il cherchait à inculquer à ses petites-filles.

 

Il me demanda par exemple si on disait toujours :

 

– Va te faire lanlaire ?

 

Je ne sus pas trop quoi répondre, « Va te faire f… » était bien plus courant dans les bataillons de chasseurs alpins. Je lui conseillai :

 

– Va te promener.

 

Un crochet par Monpazier est prévu lors de notre prochain voyage familial vers le centre de la France.

 

Le nom familier à l’époque (1954-1959) où, au journal Sud-Ouest, je mettais en pages la 8e édition de Dordogne, cet estimable journal qui compte aujourd’hui un de mes fils parmi ses collaborateurs.

 

Il est impardonnable que je n’eusse su, à l’époque, qu’outre les belles arcades, sa bastide comptât des amoureux du beau langage.

 

Je vous prie de croire en mes meilleurs sentiments.

 

Jacques Longué (adhérent 161)

 

Il serait fastidieux de reproduire la totalité des lettres reçues de l’étranger (merci à TV 5 et RFO) et de restituer la teneur des conversations avec les étrangers.

 

Les dénominateurs communs de leurs remarques sont, d’une part la nostalgie d’une riche langue parlée jadis par une grande nation, d’autre part leur déception pour cette désaffection des Français (de France) pour une partie de leur patrimoine linguistique, symbolisant pour eux le Siècle des Lumières.

 

Le subjonctif et les neurones passifs

 

Parlons maintenant du grand brassage d’idées qu’à mon grand regret, ce livre ne parviendra pas à exprimer. Car ma mémoire ne peut in extenso restituer la substance, l’essence, la quintessence des milliers de conversations avec les badauds, les curieux, les convaincus, les adeptes et même les « adorateurs » que j’ai rencontrés.

 

Cher monsieur,

 

Ah ! Que j’aimerais que vous m’acceptassiez

Dans votre cercle privilégié,

Afin que nous pussions, de concert, deviser

Sur les bienfaits de la grammaire,

Assouvir notre passion

Pour la conjugaison,

Activer nos neurones passifs

Par l’imparfait du subjonctif.

 

Subjonctivement vôtre

 

Michelle Garcia (adhérente 979)

 

Moi qui cherchais un jeu inédit, original et intelligent, à partager avec mes grands petits-enfants, je l’ai trouvé grâce à vous. Soyez remercié mille fois pour nos futures joutes oratoires… Et j’enrage de ne pas y avoir pensé toute seule ! Quelles belles vacances avec fous rires assurés !

 

M. et Mme François Filet (adhérents 663)

 

La France profonde contient encore de grandes richesses !

 

Puisse votre initiative de relancer un joli parler plein de finesse et de courtoisie faire « école » !

 

J’aimerais que vous fussiez ministre de la Culture en cédant votre bar à Monsieur Douste-Blazy.

 

Encore bravo et amitiés !

 

Madame Jacques Richou

 

Il existe dans le monde de la francophonie, qu’il soit de tout horizon ou de toute culture, un inconscient collectif, un amour de la langue sous-jacent que nous avons réussi, comme dans une psychanalyse, à faire émerger et c’est notre plus grande récompense !

 

Je me souviens de mes cours de philo (apocope) où l’on m’apprenait que la langue était le ciment d’une nation. Et comment je le réalise aujourd’hui !

 

Combien de petites gens, comme dit Bertrand Poirot-Delpech, ont la passion de la bonne langue : « Le pourrissement de la langue se fait par les élites, alors que, dans les profondeurs, on garde l’amour des mots justes, honnêtes et charmants. »

 

Il fallut que j’emmenasse une amie découvrir le Périgord pour que je me souvinsse de cette si jolie petite bastide qu’est Monpazier, et que je voulusse lui faire visiter. Quelle ne fut pas ma surprise de voir que rien n’y avait changé !

 

Pas même l’hôtel de Londres où je dormis, il y a quelque vingt années.

 

Et juste là, presque caché, au bout de la maison, un petit café de village, « Le Pardailhan », ce genre de café où les habitués viennent le soir regarder un match ou jouer aux cartes en échangeant quelques propos d’actualité. J’adore écouter les gens parler avec leur accent souvent chargé des couleurs et des parfums locaux. Donc, nous nous installâmes à une table pour déjeuner.

 

Mais là, les paroles que j’entendis furent surprenantes, puisque tout le monde parlait au passé. Vous savez, ce langage que nous apprîmes à l’école primaire et que la maîtresse nous obligeait à employer au cours de rédactions laborieuses, le subjonctif.

 

Ce temps vieillot et poussiéreux, mais tellement plein de charme et de nostalgie !

 

Ici, nous eûmes l’impression de jouer le passe-muraille et de nous retrouver quelques décennies en arrière.

 

Mais quel plaisir pour l’oreille et quelle satisfaction d’échanger quelques phrases avec les habitués !

 

Il fallut que je parlasse cinq minutes pour décider de continuer chez moi et de voir ainsi la réaction de mon entourage.

 

Quel plaisir !

 

Qu’eussiez-vous le courage et la volonté de continuer pour le plus grand plaisir des amoureux du français !

 

Avec toute notre sympathie.

 

Bleuette Boulanger

 

À Monsieur Bouissière, pour l’incorruptible CO. R. U. P. S. I. S.

 

Eût-il fallu ?

Eût-il fallu que nous corrompissions le beau langage ?

Que nous ne subjonctivassions plus qu’au présent ?

Que cette mélisse du bien-dit finît en mélasse ?

Que l’on nous privât de notre passion ?

Que quelques gugusses nous prissent pour des jocrisses ?

Que nous ne nous arc-boutassions pas contre cette compromission ?

Que nous ne concoctassions plus cette délectation ?

Que nous ne restituassions plus ce cocasse délice ?

Que nous ne nous consacrassions pas à cette mission ?

Que, pour tout dire, nous ne nous décarcassassions pas pour cette restauration ?

 

Nous aimerions que vous tous, Français, soulevassiez une contre-révolution, que vous utilisassiez ce qui fut le bon ton, que vous pétitionnassiez contre cette casse du bel usage, que vous pourchassassiez toute omission, bref, que vous poursuivissiez cette mission et ne relâchassiez pas votre attention !

 

En souvenir de ma visite du mois d’août, bien cordialement.

 

Jean Roubinet (adhérent 886)

 

Monsieur,

 

Il serait séant, en ma qualité de professeur de français, attaché à ma langue ainsi qu’à sa beauté, que je vous demandasse de m’inscrire à votre association, ainsi qu’une de mes amies, spécialiste de Corneille, enseignante à Bordeaux III, Mme Simone D.

 

Je souhaiterais que vous me fissiez parvenir des documents relatifs à l’objet de votre association ainsi qu’à son objet philosophique et culturel.

 

Permettez-moi de vous remercier de mener cette action qui aura un impact plus important sur la population que si elle émanait de l’Académie elle-même : le peuple aurait ressenti cela comme un oukase ou comme une marotte venue tout droit d’un cénacle de vieillards, vendant leurs lubies sur la place publique.

 

Il serait enfin bienséant que je vous félicitasse de mener maintenant ce combat, avant qu’il ne fût trop tard, vous pouvez d’ores et déjà me compter des vôtres.

 

Bien cordialement,

 

Thierry Bruneau (adhérent 617)

 

Partie d’un quasi-canular, la création de l’association a engendré un tel brassage d’idées et de réactions positives qu’à un moment donné, sans toutefois se prendre au sérieux, par respect pour ces correspondants, nous avons pris au sérieux toutes ces remarques et réflexions qui nous parvenaient. Nous nous sommes sentis investis d’une mission sinon de défense de la langue française, du moins de porte-drapeau de cette grande fête autour de notre doux idiome.

 

Voici un peu de blé puisqu’il en faut pour faire du foin !

Vos compagnons de joug[40].

 

Daniel Bévéraggi

 

Supplique en écho

 

COmment être accepté, faire l’unanimité ?

RUminer au-dehors ou briller en dedans,

PSalmodier à l’envi un mode, un temps mité ?

Isolé, peut-on donc le défendre bien longtemps ?

 

Je n’aurais point voulu qu’ils se chamaillassent,

J’aurais aimé que de nombreux verbes ils maillassent.

J’aurais aimé que surpris vous tempêtassiez

Et qu’étonné, ému, les plombs vous pétassiez.

Eût-il vraiment fallu que nous nous surprissions

Pour qu’une place au club ensemble nous prissions ?

J’aimerais espérer qu’on ne me délaissât

Mais qu’un ticket pour moi, bien sûr, on me laissât.

 

Mon entrée il fallait que tu la proposasses

Et que mon nom sur un parchemin tu posasses.

Mon désir faudrait-il que je le surmontasse

Ou que, par ces vers au pinacle je montasse ?

 

L. Clot

 

Monsieur, par deux fois, j’ouïs la télévision parler de votre association.

 

Je naquis à Eymet en 1936 et je vécus au Bugue jusqu’en 1957. Je suis donc comme vous du Périgord et non de Périgord comme disait Louis XVIII de Talleyrand avec une intention blessante.

 

Autrefois, je parlais patois mais je n’ai plus guère l’occasion de le pratiquer.

 

Le livret d’orthographe de Bled et le Bescherelle furent utilisés par mes élèves et moi au cours de ma carrière d’instituteur. Je vous recommande aussi le recueil des poésies du docteur Boisset mort à Sarlat en 1939.

 

Il m’arrive donc d’utiliser l’imparfait et le plus-que-parfait du subjonctif dans le langage oral, avec une parfaite maîtrise de ses formes et de ses pièges au grand dam de ma femme qui me trouve pédant. Je vous recommande aussi la prose de madame de Sévigné ou de Talleyrand qui utilisaient ces temps naturellement.

 

C’est pour cela que je souhaiterais que vous m’acceptassiez au sein de votre association.

 

Je prendrais aussi plaisir à ce que nous célébrassions Noé qui planta la vigne afin que le philosophe pût affirmer : le vin est nécessaire, Dieu ne le défend pas, il eût fait la vigne amère s’il eût voulu qu’on n’en bût pas.

 

Bien cordialement.

 

Jean-Pierre Soulet (adhérent 183)

 

Cher monsieur,

 

Je fais partie de l’ensemble choral de Lorgues venu en mai visiter votre région et chanter parmi vous, ce qui me permit de faire votre connaissance comme celle du CO. R. U. P. S. I. S., puisque nous logions dans votre hôtel.

 

Or, voici qu’au cours d’une récente croisière en Russie, nous rencontrâmes un conférencier talentueux qui nous cita un petit poème de Diderot, découvert cette année même dans les archives de Saint-Pétersbourg.

 

Vous pourriez souhaiter qu’il fût dans votre livre d’or.

 

C’est un intéressant témoignage de son époque et il contient deux imparfaits du subjonctif que je remarquai aussitôt en pensant à vous.

 

J’espère que ce poème vous plaira, il s’agit de la « Volga prise par les glaces ».

 

Croyez, Cher monsieur, à mes meilleurs sentiments !

 

Voici donc ce poème de Diderot :

Je vois, et derechef mon cœur en est glacé

De l’une à l’autre de ces rives

Le courroux d’un fleuve brutal

Soulever ses ondes captives

Contre leur prison de cristal.

 

Aussi, dénué de courage

Vous l’avouerai-je, le souci

Fixait mes yeux sur le rivage

Bien que des gens armés de crocs et d’hameçons

Entourassent notre voiture,

Prêts à nous harponner de toutes les façons

S’il arrivait qu’à travers les glaçons

Nous allassions par aventure

Trouver le séjour des prisons.

 

Hélène Carsuel

 

Bonjour Monsieur,

 

Je ne suis sûre ni de votre nom ni de votre adresse ! J’ai relevé les deux rapidement lors des informations sur la première chaîne le 27 février… et les présentateurs ne prononcent pas très bien les noms !

 

Il nous citait et nous montrait une personne qui, dans le Lot me semble-t-il, tente de réhabiliter dans son village l’emploi de l’imparfait du subjonctif et cette idée m’a subjuguée.

 

Si ce mot arrive à son destinataire et que ce soit vous, recevez mes félicitations et mes encouragements.

 

Il y a longtemps en effet (1937-1938), j’avais assisté à une conférence de Georges Duhamel – qui était en ce temps-là un des « maîtres à penser » de la jeunesse – dont j’étais. Il nous avait chanté la beauté de l’imparfait du subjonctif et proposé une association de défense de ce temps déjà fort malmené à l’époque et bien sûr, nous étions prêts à le suivre. Mais comme vous le savez, d’autres sujets de souci ont arrêté ce projet. Je trouve bien sympathique que plus de 50 ans après, un homme dans un coin de France, relève le défi et je lui souhaite bonne chance !

 

Encore que… maintenant que les Français abandonnent leur langue ?… que le sommet devient le « top », que le retour est un « come back », que le style est un « look », qu’un succès est un « tube », une occasion une « opportunité » et qu’un avion ne s’écrase plus mais se « crashe », est-il encore possible de faire chanter l’imparfait du subjonctif dans le « baragouin » parlé maintenant ?

 

Je voudrais que la rose fût encore au rosier… et que notre langue fût encore respectée !

 

De toute façon, bon courage et mes meilleures salutations.

 

Renée Rennes

 

Monsieur,

 

Le hasard fit que nous passâmes par Monpazier en septembre 1996, précisément lors de la journée du Patrimoine.

 

Il faisait chaud, très chaud, votre bar nous attendait, mais au moment d’en franchir le seuil, mon regard fut attiré par la plaque apposée à l’entrée : CO. R. U. P. S. I. S. Que pouvait donc cacher cet étrange assemblage de lettres ?…

 

Vous eûtes la bonté de m’éclairer, j’aurais aimé que nous poursuivissions la conversation, mais les clients assoiffés étaient nombreux !

 

Quelques mois après, je lus l’article que vous consacrait Le Point dans son numéro du 21.12.96 avec la photo du « Maître » derrière son bar, en train de lever son verre… à l’imparfait du subjonctif.

 

Vous continuâtes dans la notoriété, puisqu’on vous vit, un peu plus tard, sur la chaîne « Arte », devisant « grammaticalement parlant » avec des académiciens.

 

Vous deveniez célèbre, à la fois pourfendeur de la loi 19O1 et défenseur de l’imparfait du subjonctif. En somme, pourquoi pas une nouvelle Défense et Illustration de la langue française ?

 

J’ai longtemps pratiqué avec jubilation la concordance des temps dans la langue de Cervantès : bel exemple que nous donnent les Castillans : le respect des origines de leur langue, latine comme la nôtre.

 

Je souhaite donc longue vie à CO. R. U. P. S. I. S. à travers la France et les pays francophones pour que notre belle langue française survive dans l’Europe de demain.

 

Prospérité au Pardailhan, la belle enseigne !

 

Jeanne Joseph (adhérente 977)

 

L’application consciente dans le discours des règles sémantiques et grammaticales ne suppose pas être en possession d’une science ou d’une virtuosité particulière.

 

Puisse notre ardeur réactiver et perpétuer les nuances propres à la splendeur de la langue française !

 

« Ars longa, vita brevis »

 

Alain Pelloux

 

Monsieur,

 

Après avoir dégusté cette délicieuse brouillade aux truffes, nous devisâmes longuement à propos de ce devenir bien incertain de la langue française. Oui, l’avenir est sombre, et pourtant, depuis, grâce à vous, je rêve :

 

– Et si, par la magie d’un édit ministériel, tous nos textes administratifs devaient obligatoirement être rédigés au subjonctif, présent, imparfait et même plus-que-parfait ?

 

– Et si… Que de tracas en moins !

 

Je n’en veux pour preuve que cette aimable plaisanterie dont je vous joins la photocopie. Rédiger au subjonctif cette ineptie relèverait du parcours du combattant et madame l’inspectrice d’académie y aurait certainement regardé à deux fois.

 

Faire simple :

 

L’inspectrice d’académie de Seine-Saint-Denis communique :

 

« La méthode statistique utilisée pour classer les collèges de l’académie de Créteil s’appelle la classification ascendante hiérarchique (…) On utilise la méthode de Ward pour distances euclidiennes. On agrège les individus qui font le moins varier l’inertie interclasse. Au départ, il n’y a que de la variance interclasse, à l’arrivée, il n’y a que de la variance intraclasse. On cherche à obtenir à chaque pas un minimum local de l’inertie intraclasse ou un maximum de l’inertie interclasse. On réunit deux classes les plus proches du centre de gravité en prenant comme distance la perte d’inertie interclasse résultant de leur regroupement… »

 

Mieux même : si toutes les circulaires préfectorales, rectorales et autres devaient être rédigées au subjonctif, cela calmerait certainement les ardeurs de ces bureaucrates et technocrates bien souvent trop paperassiez (excusez, c’était trop tentant, je n’ai pas pu me retenir !).

 

Secondement, je vous dirai sur un autre plan ma peur de votre idée de subjonctif. Oui, pour la poésie, cela m’effraie. Tout simplement parce que je ne vois comme rime à rêvasse ou que je chantasse que des mots comme : grognasse, pétasse, lavasse, pouffiasse, putasse, connasse, limace, carcasse etc. et, comme le disent les enfants : « Ce ne sont pas des mots de poésie ! ».

 

Me croirez-vous maintenant si je vous dis que les textes administratifs à la mairie ou à l’école sont des mines d’or !

 

Pour vous rafraîchir la mémoire, je suis l’enseignant, secrétaire de mairie des Unités chlorophylliennes dans l’espace ludique scolaire[41].

 

Amitiés.

 

C. P.

 

Cher monsieur,

 

Eussé-je été informé, je ne vous aurais pas écrit plus vite.

 

Un tel sujet méritait que l’on prît du recul.

 

Aussi lorsque je décidai d’être des vôtres, ce ne fut point dans un élan irréfléchi mais au bout d’un long chemin semé d’embûches.

 

Je les effaçai toutes, fussent-elles électroniques : l’e-mail du « ouèbe » avait fait barrage mais ma persévérance paya.

 

Un quidam alerté par mes cris me fit parvenir votre adresse.

 

Puis-je, maintenant, faire partie du clan ?

 

Veuillez, je vous prie, trouver ci-joint un chèque d’un montant de 20 F, qui, chose heureuse, échappe à ma fâcheuse tendance à la procrastination.

 

Une dernière question : Pourrai-je militer, dans vos rangs, en faveur de l’imparfait du subjectif ?

 

En toute sympathie,

 

Patrick H. Smith (adhérent 901)

 

L’exemplaire du discours prononcé le 30 novembre 1989 : Des vertus de l’imparfait du subjonctif[42], offert par Jean Dutourd porte la dédicace suivante :

 

À Alain Bouissière, en toute complicité subjonctive et subjective…

 

Dans Subjonctivement vôtres, le manuscrit original qui devait être destiné à une auto-édition plus particulièrement destinée aux adhérents, nous avions reproduit divers courriers qui n’avaient rien à voir avec le subjonctif.

 

En effet, les correspondants, motivés par les reportages vantant les vertus du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, se livraient, dans leurs réactions, à des réflexions sur la langue française qui dépassaient le cadre de ces deux conjugaisons…

 

Et quelle satisfaction d’être parvenu, grâce aux grands médias, à activer les neurones passifs de nos contemporains !

Le subjonctif et les médias

 

À mon tour, maintenant, de parler des journalistes de la télévision, de la radio et de la presse écrite.

 

Nombreux sont ceux qui, à l’occasion d’un reportage, ont adhéré spontanément à notre mouvement.

 

Et, pour remercier ces professionnels souvent critiqués par les puristes pour leur usage élémentaire du français, je me dois de les défendre car, souvent, contre leur gré, ils sont contraints de simplifier leur langage pour ne pas tomber dans le piège de l’élitisme.

 

Le style, les voix « guindées » des animateurs radio de France Culture des années 60 ne sont plus adaptés à notre époque. Le ton « cul-cul-turel » n’est pas commercial, il évoque le Service Public, poussiéreux, fonctionnaire, subventionné !

 

Heureusement, maintenant, l’audimat commande, et je suis le premier zappeur (trouvez-moi un autre vocable aussi onomatopéique !).

 

Malheur au présentateur qui expose un sujet de façon nombriliste, la magique télécommande l’efface et le renvoie à sa masturbation intellectuelle (ou physique) !

 

Les producteurs ont pris des cours de vente et l’empathie gagne ; on s’intéresse enfin au public, on parle comme lui, on l’implique, on lui construit des émissions dont il est la vedette…

 

Beaucoup de nos sympathisants ne seront pas d’accord avec ce que je viens de dire mais n’avez-vous jamais eu envie de bâiller lorsque votre interlocuteur ne parle que de lui, ne parle que pour lui ?

 

C’est pour cette raison que les journalistes utilisent le ton, le style et le langage de la majorité de leurs auditeurs. Tout le monde doit comprendre !

 

Les journalistes sont, avant tout, des littéraires et ils gardent la nostalgie de la bonne langue. Leur intérêt pour le CO. R. U. P. S. I. S. ne s’explique pas seulement par l’action mercantile de « pondre » un article original et cocasse qui se démarque…

 

Néanmoins, peu ont fait l’effort d’employer dans leurs articles le passé simple et l’imparfait du subjonctif et, parfois, avec des fautes.

 

Une exception, Alexis Bollaert dans son article paru dans la Nouvelle République du Centre[43].

 

Le pouvoir des médias est époustouflant car, suite aux reportages télévisés qui ont été retransmis dans le monde par RFO et TV 5, nous le vérifiâmes (ça m’a échappé !) lors d’un voyage effectué en janvier 1997 au Sénégal :

 

Nous arrivons à Saint-Louis du Sénégal, et, comme c’est la coutume après avoir traversé le désert du Sud marocain et de Mauritanie en voiture, nous déposons à l’Hôtel de la Poste (Jean Mermoz y dormait, chambre 219), une pancarte de l’hôtel de Londres, Monpazier (France), minuscule village du Périgord.

 

La réceptionniste sénégalaise regarde l’adresse, son front se plisse et nous demande :

 

– Monpazier… Monpazier ! Il n’y a pas là-bas quelque chose qui défend la langue française ?

 

Le mois suivant, un petit groupe originaire de Monpazier fait l’escalade d’un volcan situé dans l’île de la Réunion. Au sommet, ils engagent la conversation avec un couple de Réunionnais :

 

– D’où êtes-vous ?

 

– De Monpazier, en Dordogne !

 

– Ce n’est pas là-bas qu’on parle à l’imparfait du subjonctif ?

 

En janvier 1998, nous prenons, mon épouse et moi-même, nos vacances à l’île Maurice, cette île merveilleuse qui n’a pas oublié le français malgré la dépendance grande-bretonne datant de 200 ans.

 

À la suite de l’intervention d’un sympathique couple d’adhérents mauriciens, M. et Mme Éric Ribot (adhérents 598), nous avons eu les honneurs d’un entretien à la télévision nationale, d’une interview radio et d’un article de presse.

 

Cette relative notoriété, stimulante et flatteuse, était difficilement imaginable car nous n’avions en main que les lettres de réaction aux émissions et articles (nous avons reçu 400 lettres dans les 15 jours qui suivirent l’émission Envoyé Spécial[44]). Nous avons réalisé après coup l’impact dans la fréquentation touristique à Monpazier au cours de la saison 1998.

 

Bonjour,

 

Plût au ciel que vous habitassiez dans la région du Pen Ar Bed, le « bout du monde » en breton !

 

J’eusse aimé que l’émission Envoyé Spécial du 22 mai 1997 fût regardée par la France entière.

 

Cela eût été une œuvre de salut public !

 

Bien que cela paraisse utopique, je forme le vœu que vous fassiez beaucoup d’émules. Avec toute ma sympathie.

 

Marie-Louise Munar (adhérente 468)

 

Hormis ces réactions épistolaires enthousiastes, de nombreuses personnes qui nourrissaient un intérêt tout à fait relatif pour la grammaire avaient toutefois noté mentalement notre existence et, à l’occasion d’un voyage, profitaient pour faire un détour, plus motivés par l’aura de Celui-Qui-Passe-à-la-Télé que par le bon vieil imparfait du subjonctif !

 

Ce qui est très bénéfique pour Monpazier, village touristique par excellence, curieusement mieux connu par les touristes d’origine anglo-saxonne que par les Français !

 

Et bénéfique également pour le Périgord !

 

Mais n’est-ce pas grâce au Périgord, ce musée, ce conservatoire, cette réserve naturelle qu’il est dans sa totalité, que le CO. R. U. P. S. I. S. a réussi son tour de force médiatique ?

 

L’explosion médiatique de 1997 (20 minutes cumulées de passage dans les journaux télévisés, toutes chaînes confondues, plus Aléas de Françoise Prébois et Envoyé Spécial de Pierre Bonte), avait entraîné des réactions enthousiastes de personnes qui, avec une constante humoristique, amalgamaient la réhabilitation de conjugaisons endormies avec des visées plus sérieuses telle que la défense de la langue française.

 

Nous avons malheureusement détruit les enveloppes des courriers et nous regrettons les adresses que notre facteur local (le facteur Cheval, et ce n’est pas un pseudonyme !) nous lisait lors de sa distribution.

 

Nous avons conservé le double de l’enveloppe de la lettre écrite par Mrs Mary Portno, en réaction à un article paru dans le Times, partie du Lancashire en Grande-Bretagne le 5 janvier, et qui nous est parvenu 5 jours après (l’original a été confié aux archives du bureau de poste de Monpazier pour la performance !).

 

Voilà ce qu’on peut lire au recto de l’enveloppe :

 

à Monsieur Bouissière

propriétaire d’un bar

dans LE Dordogne

France

 

et au verso :

 

À M. le facteur, ce monsieur est président

du C…… Comité pour la préservation de la langue française.

Essayez de trouver l’adresse de son bar s. v. p.

 

Mais il faut se méfier des journalistes… (je « galèje » !)

 

C’était au tout début de l’association et mon expérience à l’égard des médias était sérieusement élémentaire.

 

Appel de Richard Place qui officiait à la Dépêche du Midi. Dans mon esprit, un journaliste de la presse écrite n’utilisait pas de magnétophone…

 

Puis-je vous interviewer par téléphone ?

 

Et une conversation à bâtons rompus commence.

 

Que ferez-vous lorsque l’intérêt pour votre association commencera à faiblir ?

 

Réponse sous forme de boutade :

 

Aucun problème, puisque Monpazier (promotion oblige !) est une bastide créée par les Anglais, nous conjuguerons les verbes anglais !

 

ILS DÉFENDENT L’IMPARFAIT DU SUBJONCTIF[45]

 

Une association de défense de l’imparfait du subjonctif et du passé simple s’est créée en Dordogne. Défense de la langue française dans un café. Un café dans un village pittoresque en plein cœur de la Dordogne. Les clients affluent, c’est l’heure de l’apéritif. Une scène assez banale. Jusqu’au moment où un client prend la parole et dit au patron : « il eût fallu que je busse ! » Réponse du barman : « il eût donc été séant que je vous servisse. » Et le voilà versant une rasade d’alcool anisé.

 

Ce bistrot un peu original, c’est l’établissement d’Alain Bouissière à Monpazier. Depuis le 2 mai 1996, ce café-hôtel fait office de siège du comité de réhabilitation du passé simple et de l’imparfait du subjonctif (CO. R. U. P. S. I. S.). « Avouez que dire : que je busse, c’est bien plus joli que : que je boive », clame le fondateur de l’association et propriétaire du café. « Il faut remettre un peu de poésie dans notre langage ».

 

(…) « En fait, nous demandons l’abrogation d’un arrêté ministériel du début du siècle. Ce texte tolère que l’on n’utilise pas l’imparfait du subjonctif après un conditionnel présent. C’est une tolérance perfide qui a enlevé tout son charme à notre langue, dénonce CO. R. U. P. S. I. S. »

 

Pour autant, les membres de l’association ne sont pas ancrés dans des traditions rétrogrades. Ils ont même quelques idées novatrices :

 

« Comme Monpazier est une ancienne bastide anglaise, nous avons quelques racines anglo-saxonnes. Nous avons donc décidé d’adapter des mots anglais. Nous disons donc : il faudrait que je drinkasse ou il eût fallu que nous eatissions » (NDLR : to drink signifie boire et to eat signifie manger en anglais.

 

Persuadé que la réputation de son association va enfler, Alain Bouissière espère prochainement effectuer des intronisations de célébrités. « J’avoue que des gens comme Fabrice Lucchini, Claude Nougaro ou Romain Bouteille seraient des personnalités qui colleraient tout à fait à la mentalité de notre mouvement. Ils seraient les bienvenus ». Patiemment, le cafetier-poète enseigne les délices du passé simple et de l’imparfait du subjonctif à ses clients…

 

Une dernière question avant de sortir du bar : Vous vous déshydratâtes ?

 

Richard Place

 

Et, par la suite, l’ensemble de la presse n’a jamais omis de rapporter cette saillie, notamment, of course, les Britanniques dans le journal Living France d’avril 1998 :

 

Food for thought : Poisson d’avril ?

 

Do you speak the language of Cyrano de Bergerac ?

Jan Beart-Albrecht has a try.

 

An organisation which is trying to encourage the French to speak a form of their language which died out in the last century might sound like an April Fool’s joke (poisson d’avril in French), but that is the half-serious, half-whimsical aim of the aptly named CO. R. U. P. S. I. S. (How the French love their acronyms !).

 

(…) Membership has reached nearly a thousand, including subscriptions from overseas, and the association has received over 300 letters from linguistic Francophiles who are delighted to correspond in, and on the subject of, the imperfect subjunctive.

 

Some write pœms, there are plays on words – all in the spirit of fun and love of language. This tense may have died out in spoken French about 150 years ago, but to Alain Bouissière its usage adds sparkle and spice, in the tradition of Cyrano de Bergerac.

 

The aim of the association is to have fun with words, which is Alain Bouissière’s speciality. When interviewed by a local newspaper about the corruption of the French language, and what he proposed to do about all the English words entering it, he replied with a straight face that he would Frenchify them, by adding the imperfect subjunctive endings ; thus « Il serait temps que nous drinkassions un petit apéro… ! »

 

(…) Alain tried to make me conjugate the verb mourir in the imperfect subjunctive, and by the time I had got bogged down in the mourusses and mourussions, we had both dissolved into fits of laughter. Maybe it’s true, the imperfect subjunctive can be fun…

 

Il faudrait que nous closissions[46] ce chapitre et que nous le conclussions… Je n’en ai aucune envie car, mesdames et messieurs les journalistes, c’est sur vous que repose l’action de notre association. Plus vous en parlerez, plus vous l’utiliserez (avec dérision ?), plus ces conjugaisons resteront dans les mémoires !

 

 

Le subjonctif et les associations

 

Il faudrait que nous nous associassions… Et mon correcteur orthographique qui s’entête à me proposer : associations !

 

La liberté d’association n’a été reconnue en France qu’en 1901, la même année où la tolérance est allée jusqu’à admettre le subjonctif présent au lieu du subjonctif imparfait etc., etc.

 

La loi du 1er juillet 1901 affirme :

 

Les associations de personnes pourront se former librement et sans autorisation, ni déclaration préalable.

 

Et, sérieuses ou fantaisistes, les associations foisonnent en France !

 

C’est pas cher et ça peut rapporter gros, disait Crozemarie, le tireur à l’A. R. C. !

 

Ces associations dévoratrices quant aux « effigies du monarque »…

 

Cher monsieur le président, j’eusse aimé ce jour vous mander plus importante obole, mais encore pour cela eût-il fallu que mes ressources se fussent révélées constituer un fonds suffisant où pouvoir y puiser sans parcimonie.

 

Étant membre de nombreuses associations dévoratrices quant aux « effigies du monarque » (comme eût dit Flaubert), et ne disposant que de faibles moyens d’érémiste (Retraité Minable Impécunieux), veuillez considérer mon envoi plutôt comme une adhésion de principe à votre sympathique mouvement, auquel je serais heureux que vous m’agrégeassiez tout en m’y agréant, dussé-je par ce souhait vous paraître quelque peu présomptueux.

 

Je fais également adhérer au comité pour la réhabilitation et l’usage du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, une amie marseillaise dont je souhaiterais que se manifestât son attirance à l’égard de vos initiatives autrement que par des velléités, et qui ne manquera pas de vous contacter sans tarder.

 

Bon travail linguistique, cher monsieur le président, et croyez, je vous prie, à mes sentiments distingués et dévoués,

 

Paul Courget (adhérent 850)

 

Monsieur, à la suite de notre conversation téléphonique de ce jour, j’ai le plaisir de vous confirmer que j’eusse aimé être adhérente à l’association CO. R. U. P. S. I. S. afin d’ajouter mon modeste concours à une œuvre aussi louable.

 

Il eût été regrettable de laisser ainsi notre beau langage dépérir sans opposer une quelconque résistance, fût-elle orale.

 

Le maniement du verbe avec bonheur ne devrait-il être que l’apanage d’un cercle restreint de beaux diseurs ? Je n’en crois rien. Perpétuons, de grâce, des phrases et des mots dont nous sommes héritiers. Léguons, en ces temps surinformatisés, la noblesse d’une langue construite au fil de notre histoire. Bannissons les contractions, les abrégés castrateurs et exprimons-nous pleinement.

 

Il eût été souhaitable que nous fissions de notre langue maternelle – mondialement considérée comme marque d’une certaine distinction, teintée certes d’intellectualisme – un instrument quotidien, mais non banalisé, de communication correcte.

 

Noëlle Marti-Gerbaud (adhérente 910)

 

Monsieur et cher membre fondateur, je vous vis à la télévision, vous rendis visite en juillet et adhérai au comité sur-le-champ (devenu foirail, je crois).

 

Veuillez trouver ici la confirmation écrite de mon souhait d’être membre de votre association et, ci-dessous, un extrait de la belle langue que j’aime (Les égarements du cœur et de l’esprit. Crébillon fils. (Folio, p. 105) :

 

« Je souhaitais mille fois qu’elle fît un faux pas, qu’elle se donnât même une entorse ; je ne voyais plus que ce moyen pour engager la conversation ; mais il me manqua encore, et je la vis monter en carrosse, sans qu’il lui arrivât d’accident dont je pusse tirer avantage ».

 

Pour pourfendre apocopes et autres aphérèses, je suis des vôtres ! Amicalement,

 

Dominique Jean (adhérent 756)

 

« Bannissons les contractions, les abrégés castrateurs et exprimons-nous pleinement »… Dans les diverses conversations et à la lecture des courriers de ces amoureux du beau langage, une remarque revient cycliquement : Pourfendre apocopes et aphérèses…

 

Les premiers qui ont évoqué cette idée, c’était, je crois, des techniciens de l’audiovisuel…

 

Cette sympathique corporation emploie un langage technique plus proche de l’anglo-onomatopéique que du français :

 

– Passe le spot, qu’on mette le gloup dans le trumps. Gaffe au frukle ! Ouais, branche le trax et essaie le grumpy ! O. K. Ça roule !

 

– Vous devriez créer une association pour l’abolition des apocopes et des aphérèses…

 

Heureusement qu’au bar Le Pardailhan les dictionnaires avoisinent la machine à bière !

 

Stupeur ! Les mêmes qui raccourcissaient les mots jusqu’à émettre des monosyllabes gardaient la nostalgie de l’autobus, du métropolitain ou du cinématographe !

 

Et qu’il est plaisant de jouer avec ces mots :

 

Oh ! Vous prîtes l’autobus et vous ratâtes la séance de 17 h 30. Il aurait fallu que vous prissiez l’automobile ou le métropolitain pour que vous fussiez à l’heure au cinématographe !

 

Assurément, on ne peut pas aller à contre-courant et imposer de rouler à motocyclette, d’effectuer les reportages armé d’un appareil photographique et d’un microphone, d’écrire avec un stylographe, et de suivre les informations sur le récepteur de télévision !

 

Cette dernière, qui s’est vue raccourcie en « télé » puis en « T. V. ». finira-t-elle en un simple « T » ? Tout comme le mot « cassette » qui, faisant trop français, se travestit en K 7 !

 

Nouveau langage codé que chacun comprend !

 

Faut-il récriminer ? Je ne veux pas me prononcer, je n’ai pas l’âme d’un censeur, mais je militerai pour que les générations futures se souviennent de ces longs mots techniques qui sont à l’origine de nos raccourcis et qu’ils peuvent les utiliser sans passer pour un réac (apocope), par anticonformisme et avec humour…

 

Nous ne pouvons mentionner ici toutes les associations qui nous ont contactés à la suite de la publicité faite autour de la nôtre et nous prions les non-citées de nous en excuser.

 

De la vénérable Défense de la Langue Française (Jean Dutourd, Brigitte Level, Françoise Fermentel, Bernard Segard) à l’intransigeant Comité Provence Protection Langue Française de Roland Kerkove à Bandol, en passant par Avenir de la Langue Française (Jean Hourcade, Albert Salon, Thierry Priestley) à Paris 09 et l’Académie francophone de Joseph Krotky à Chambéry et l’Association Sauvegarde et Expansion Langue Française, (ASSELAF), de Christian Mazilier-Loustalet, ces associations avouent leur détermination à défendre notre doux idiome contre les attaques de l’anglo-américain et contre le langage débraillé véhiculé par les animateurs des émissions télévisées populaires.

 

D’autres, plus littéraires comme l’Association des amis d’Alexandre Vialatte (pugnace défenseur de l’imparfait du subjonctif, s’il en est !) ou l’Association Claude Vaugelas, de Pérouges…

 

Monsieur,

 

Je vous présente rapidement les objectifs de notre association : cette confrérie est née d’une « révolte ». Nous étions agacés de voir avec quel laxisme la majuscule était utilisée ou non utilisée : il suffit de lire la presse pour voir que les titres ou les noms de personnes ou de pays sont victimes du mauvais usage des règles de la langue française.

 

Notre ambition est aussi de revitaliser le point-virgule ; signe de plus en plus ignoré car peut-être est-il jugé dépassé ? En ce qui me concerne, je considère le point-virgule comme un élément central car il est charnière et qu’il organise la phrase autour de lui ; bref il est le centre autour duquel doit s’organiser la pensée.

 

La mission de notre association est claire : nous allons intervenir dans la vie culturelle française pour dire l’intérêt du bon emploi de ces signes qui incarnent une forte dimension littéraire et culturelle ; voire patrimoniale. Nous agissons en écrivant des lettres lorsque nous constatons le non-respect des règles d’utilisation de la majuscule.

 

Voici donc esquissée à grands traits notre joyeuse confrérie ! Vous me demandez de nous présenter : nous sommes actuellement une douzaine de membres fondateurs (pour l’essentiel des enseignants – historiens, profs de maths, etc. – mais pas seulement) et nous serions heureux de vous compter dans nos rangs si vous le souhaitez.

 

Notre parrain est, comme vous le savez, le chroniqueur matinal de France Inter : Philippe Meyer.

 

Je reste à votre disposition pour tous renseignements complémentaires, et je vous souhaite une bonne ponctuation ! Merci de votre intérêt, à bientôt.

 

Bien cordialement,

 

Patrick Gourlay

 

Association pour la défense et la promotion de la majuscule et du point-virgule. Quimper.

 

En réalité, cette lettre ne nous était pas adressée ; elle était destinée à Bernard Farge (adhérent 462) qui, en informant l’association quimpéroise de notre existence, a reçu ce courrier et nous en a envoyé une copie.

 

Monsieur le président,

 

J’ai été séduit par CO. R. U. P. S. I. S. Bravo ! Ce que vous faites est superbe. Je souhaite devenir membre de votre association.

 

Par ailleurs, je me permets de vous donner une information et d’exprimer un souhait.

 

L’information :

 

Je suis responsable d’une association, appelée Eurcasia, qui organise chaque printemps, depuis 17 ans, des rencontres d’étudiants américains et russes (ou biélorusses) avec des lycéens de Thonon-les-Bains et d’Evian. Au programme de ces rencontres figure un concours de connaissance de la civilisation de l’autre qui inclut un exercice… d’utilisation du passé simple. Au printemps prochain il va de soi que nous y ajouterons l’usage de l’imparfait du subjonctif.

 

Le souhait :

 

Je souhaite que l’équipe lauréate de ce petit concours reçoive une distinction (par exemple une lettre ou une sorte de certificat ou diplôme, ou toute autre chose à votre convenance) de CO. R. U. P. S. I. S.

 

Est-ce envisageable ?

 

Merci de l’attention que vous voudrez bien accorder à ma suggestion. Je suis à votre disposition pour vous donner de plus amples renseignements sur l’activité de notre association en faveur de la langue française si vous le souhaitez.

 

En vous renouvelant mes félicitations, je vous adresse, Monsieur le président, mes meilleurs sentiments.

 

Philippe Guichardaz (adhérent 792)

Comité Léman Mont-blanc Thonon-les-Bains Cedex

 

C’est à la suite de cette requête que le diplôme suivant a pu être décerné à l’équipe biélorusse en 1998[47].

 

Faut-il rejoindre la… Fédération des Associations de Ceux Qui Ont que ça À Foutre ?

 

Monsieur,

 

Président-fondateur de l’A. D. O. N. I. S. (Association pour la Défense Opiniâtre des Nains de jardin et de l’Imparfait du Subjonctif, Journal officiel du 10.07.96), j’ai appris, il y a peu, l’existence de CO. R. U. P. S. I. S. dont les buts me semblent parfaitement dignes d’intérêt.

 

L’A. D. O. N. I. S., qui compte 20 membres actifs et 3 membres d’honneur depuis la dernière assemblée générale, se propose, sous des prétextes futiles[48] et deux raisons d’être parfaitement incompatibles, de réunir des amis de la belle langue et du bon vin, pour traiter à l’imparfait du subjonctif de sujets parfaitement triviaux et inutiles (donc beaux).

 

J’aimerais donc que vous m’envoyassiez à mon adresse ci-dessus tout document qui pourrait m’être utile afin que j’adhérasse à CO. R. U. P. S. I. S. et que je rejoignisse la grande famille des fidèles de l’imparfait du subjonctif.

 

J’ai par ailleurs fondé le collectif pour la sauvegarde du point virgule, ainsi que l’association pour la défense d’une espèce[49], toutes associations regroupées sous le drapeau de la F. A. C. Q. O. Q. C. A. F., association palindromique : Fédération des Associations de Ceux Qui Ont Que Ça À Foutre.

 

Il serait gentil que vous me répondissiez.

 

Que je conjuguasse !

 

Bernard Fourtet

 

Non, les associations de défense de la langue française ne font pas partie de la F. A. C. Q. O. Q. C. A. F. ! Voici « le mot du président », texte rédigé par Jean Dutourd dans le bulletin 182 de Défense de la Langue Française du 3° trimestre 1996 :

 

Le palais Bouquinquant

 

J’ai longtemps rêvé sur le mot alcool. C’est un très beau mot ; j’oserai presque dire un mot grisant. Apollinaire était de mon avis, je suppose, puisqu’il s’en servit comme titre d’un recueil de poèmes. Ma rêverie était teintée de tristesse. Je me demandais quand on allait dire « alcoule ». Cela arrivera assurément, puisque le langage anglo-saxon prononce ou le double o, et la moutonnerie (ou moutonnité) française commence à faire de même.

 

Durant les grandes querelles sur la réforme de l’orthographe, j’eusse aimé que les ardents réformateurs se préoccupassent des mots étrangers qui sont de plus en plus nombreux dans notre langue, mais ils ne s’attaquèrent, hélas ! qu’à nos vieux mots vénérables : ils leur enlevèrent leurs accents circonflexes et leurs lettres prétendument inutiles, comme on arrache des statues ou des mascarons à une façade classique.

 

Pourtant, il y avait à faire avec des vocables exotiques tels que « look », « cool », « business », « show », « clash », « crash », « patchwork », « jackpot », « feeling », « roots ». Ce serait une excellente idée, à mon avis, de les transcrire phonétiquement. Cela donnerait : louque, coule, chaud, crache, routes, etc. En d’autres termes, cela leur enlèverait leur magie, et personne ne voudrait plus les employer.

 

Je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas subir le même traitement aux noms propres, qui se compliquent d’année en année. Ainsi Isaac, qui était fort simple, s’écrit à présent « Yitzhak », Formose « Taïwan », Tiflis qui ne dérangeait personne, « Tbilissi », qui n’est pas facile à épeler. Il faut remplacer le Kh du colonel Khadafi par un R, puisque son nom, à en croire les présentateurs de télé, se prononce « Radafi ».

 

Dans ce domaine, nous avons un grand exemple : celui de nos aïeux, qui transcrivaient selon les exigences de leur gosier les mots étrangers ayant franchi plus ou moins légalement nos frontières.

 

Que c’est charmant, mon Dieu, le riding-coat naturalisé en redingote, le bowling green en boulingrin et le duc de Buckingham en Bouquinquant. Le palais Bouquinquant, à Londres, nous serait aussi familier que la colonne Vendôme si nous consentions à l’appeler ainsi.

 

Jean Dutourd de l’Académie française (adhérent 310)

 

Et en écho, André Colin :

 

(…) Ceci étant dit sans illusion ; beaucoup de mots immigrés ont été naturalisés depuis belle lurette ; ils sont devenus les serviteurs fidèles et font consciencieusement leur travail.

 

Si je dis en sabir :

 

« Après avoir consommé un steak frites au Pardailhan, le play-boy est sorti au bras de sa pin-up pour aller assister à un match de foot »,

 

tout le monde comprend, ou presque ; mais si je dis :

 

« Après avoir consommé une tranche frites au Pardailhan, le garçon à jouer est sorti au bras de son épinglée en haut pour aller assister à une partie de pied », mon interlocuteur me dévisagera d’un air soupçonneux et « me mettra frappé en dehors par un coupé en remontant bien ajusté ».

 

Autrement dit : me mettra knock-out par un uppercut bien ajusté !

 

Cela donne à réfléchir !

 

Je pense tout de même qu’il faut lutter contre l’immigration clandestine de vocables anglo-saxons nouveaux dont nous n’avons que faire, quitte à naturaliser les autres.

 

Notre combat est le même : restaurer l’édifice pour transmettre un héritage intact aux générations à venir…

 

André Colin

 

Même avec un grain d’humour l’on peut faire de la résistance et souvent l’ironie est la meilleure des armes !

 

Et nous remercions Roger Sabin, concepteur du blason CO. R. U. P. S. I. S. qui nous explique :

 

Armoiries de Monpazier sur gousset d’azur flanqué en dextre et senestre de plumes (symbolisant l’art d’écrire) sur fond de gueule avec en entête

 

« CORUPSIS » et comme devise : « RES CONJUGATIONIS PUGNA NOSTRA EST ». Le blason est ceint par deux palmes en feuilles de chêne qui rappellent l’écrin vert de la cité du CO. R. U. P. S. I. S.[50]

 

Le subjonctif à l’hôtel de Londres

 

Oui ! Il faut bien parler de Monpazier et de l’hôtel de Londres…

 

Quelques vers pour un hôtelier plus que parfait

 

Pour sauver le français, affaibli, déclinant,

Et de tous les côtés, à l’anglais confronté,

Il s’est trouvé quelqu’un, au zinc du Pardailhan,

Pour élever la voix et relever le gant.

 

Quiconque est passé là, assoiffé, fatigué,

Repart désaltéré au subjonctif présent,

Aux autres temps aussi de ce mode oublié,

Remis au goût du jour mais bien trop peu parlés.

 

De quelques palmes ou plutôt d’un habit vert,

Il faudrait fêter celui qui verse la bière

En citant Cyrano, La Fontaine ou Molière

Dans son hôtel de Londres, aux portes de Monpazier.

 

Gaby et Gérard Studer (adhérents 869)

 

D’aucuns y verront un moyen de se faire de la publicité, mais oui j’acquiesce, j’admets, je m’en repens…

 

La création de l’association, tout au début, n’était qu’affaire de promotion, de dynamisme commercial !

 

Votre initiative, rarissime et extraordinaire en notre triste époque déliquescente, relève à la fois de l’élégance d’esprit la plus lumineuse et du plus tonique bon sens ; en outre, cette probité langagière coïncide chez vous avec le plus louable et le plus légitime dynamisme commercial (je fus boutiquier plus de vingt ans et apprécie d’autant votre idée).

 

Paul Yvonneau

 

Je reste cependant persuadé que la publicité faite autour de nous servira la noble cause du passé simple et de l’imparfait du subjonctif et qu’elle intoxiquera les médias jusqu’à ce que des personnes « en vue » s’amusent à l’utiliser en public. C’est le but !

 

Il est certain que ce brassage médiatique a plus servi les intérêts de Monpazier que ceux de notre établissement mais il ne faut pas désespérer… Car Monpazier et l’hôtel de Londres le méritent !

 

Je ne pourrai égaler les louanges épistolaires de nos correspondants envers notre « bastide des plaisirs ». Je souhaite que la lecture de ces lettres donne l’envie à d’autres de venir visiter cette région exceptionnelle.

 

En revanche, il est nécessaire de parler de l’hôtel de Londres, cette bâtisse chargée d’histoires et lui rendre hommage ici.

 

Qui sait si les mânes des personnalités qui ont fréquenté l’hôtel pendant une soixantaine d’années, de 1880 à 1939, ne nous ont pas influencé dans notre décision d’y créer le CO. R. U. P. S. I. S. !

 

Nous avons tenté de retrouver l’histoire de cet établissement qui est de construction récente puisqu’il n’existait pas en 1856. Sur son emplacement, le cadastre de l’époque mentionnait un jardin aux formes inégales.

 

À cette époque, il était projeté l’élargissement et le réaménagement du champ de foire du nord de la ville. Aux dires des anciens, les fondations de l’immeuble auraient été creusées dans une nuit pour éviter l’expropriation.

 

Ce qui explique que l’hôtel n’est pas entièrement rectangulaire puisque le mur ouest est plus large que le mur est.

 

Nous ignorons si l’affectation première de ce bâtiment était un hôtel, la première indication se trouvant sur une lettre écrite en 1934 par la propriétaire et « chef » de l’époque, Aurélie Cassagnolles, sur laquelle on lit : « Hôtel de Londres – RC Bergerac 1880 »

 

Pourquoi « de Londres » ?

 

On peut supposer un lien entre l’origine anglaise de la bastide de Monpazier, créée en 1284 par Edward 1er d’Angleterre, mais certains avancent que cette auberge était un passage obligé gastronomique entre le nord de l’Europe et les Pyrénées alors « à la mode »…

 

C’était également l’époque où il était séant pour les riches Anglais de posséder un château dans le Périgord…

 

Et cette étape, célèbre jusqu’en 1939, a accueilli une foule de visiteurs de marque que l’on retrouve dans les livres d’or, précieusement conservés par les descendants des propriétaires de l’époque.

 

Un établissement littéraire… et musical…

 

Cyrano :

 

(…) Écoutez les Gascons… Ce n’est plus, sous ses doigts,

Le fifre aigu des camps, c’est la flûte des bois !

Ce n’est plus le sifflet du combat, sous ses lèvres,

C’est le lent galoubet de nos meneurs de chèvres…

Écoutez… C’est le val, la lande, la forêt,

Le petit pâtre brun sous son rouge béret,

C’est la verte douceur des soirs sur la Dordogne,

Écoutez, les Gascons : c’est toute la Gascogne !

 

Cyrano de Bergerac, IV, 3, Edmond Rostand

 

En 1930, Blaise Cendrars a résidé dans nos murs pour retracer la vie d’un monpaziérois célèbre, Jean Galmot, personnage qui lui a inspiré son roman Rhum.

 

Quelquefois, dans les douces soirées d’automne, il me semble apercevoir Blaise Cendrars sur les petites routes ombragées des alentours de Monpazier, conduisant de son seul bras et à tombeau ouvert, une Ford Modèle T pétaradante, accompagné de Raymone, son amie et de John Dos Passos, son compagnon de bringue…

 

C’est peut-être en banquetant à l’hôtel de Londres que Louis-Ferdinand Destouches (Céline) a imaginé Mort à crédit ?

 

Et si Saint-Exupéry, pendant ses sorties dominicales en compagnie de Didier Daurat, d’Henri Guillaumet, Rivière – peut-être Jean Mermoz – et l’équipe de l’Aéropostale et des usines Latécoère, était venu chercher ici une quelconque inspiration pour son prochain livre Terre des hommes ?

 

Et, pourquoi pas, ne serait-ce pas dans les murs de l’hôtel de Londres qu’Igor Stravinsky[51] aurait perdu son inspiration, en abusant des cures de suralimentation infligées par la mère Aurélie ?

 

Dans les années folles, c’était un endroit à la mode et c’est peut-être au cours de ces visites à l’hôtel de Londres accompagné de son « fidèle tabellion » que la jeune danseuse nue Joséphine Baker a envisagé de prendre sa retraite en Périgord et d’y acheter le château des Milandes proche…

 

Ces temps inusités, nous les aimons encore.

 

Vous vîntes gentiment me demander ici

L’autorisation d’imprimer mes écrits.

Bien sûr, je vous la donne. Le plaisir d’être lu

Se nourrit de l’espoir que peut-être on a plu…

 

Mais avant que, confiant, vous ne m’éditassiez

Il faudrait un instant que vous méditassiez

Le bon goût et l’humour que vous manifestâtes

Vous vaudront, j’en suis sûr, quelques rancœurs ingrates.

 

On vous reprochera de vouloir employer

Des formes torturées sous lesquelles ont ployé

Les échines affaissées de ces esprits sans art

Qui meublent leur palais d’un français de hasard !…

 

Faudrait-il pour autant que vous vous justifiâtes

Que paternellement, à leurs petites pattes,

Vous tendiez ce perchoir auquel se raccrocher

J’en doute, en vérité. Vous pourriez les fâcher.

 

Il faut donc éditer l’ébouriffant discours

De ceux qui ont choisi notre amusant parcours

Sans chercher à répondre aux fâcheux de tous bords

Qui voudraient nous priver de ces petits trésors.

 

Conjuguons sans faiblir, toutes voiles dehors !

Les vents du subjonctif nous poussent sans effort

Vers leurs sons insolites, certes… Et alors ?

Ces temps inusités, nous les aimons encore.

 

Thierry Chevrier (adhérent 113)

 

Je n’aurais jamais cru que l’on pût tant souffrir (Alfred de Musset)

 

et

 

Je n’ose imaginer mes correcteurs (Michel Stevaert) !

 

Puisse ce bulletin de liaison, si péniblement accouché, être bien noté par les adhérents de l’association, surtout ne pas leur faire honte[52] !

 

Et souhaitons que de nouveaux défenseurs de ces « petits trésors » rejoignent notre « cohorte d’orthodoxie » !

 

 

 

Fallait-il que nous exhumassions ces temps oubliés au risque de rebuter définitivement ceux qui utilisent une langue française strictement véhiculaire[53] ?

 

Exemple : Voila ! Nous laissons ce travail en stand by !

 

J’espère qu’il ne sera pas squizzé et que le lecteur n’aura pas envie de zapper. J’ai tellement été stressé par le forcing des derniers chapitres que je n’ai vraiment pas été cool pour terminer cette compil. Heureusement que j’ai eu des flashs, que le casting a été relativement facile et que j’ai mis les airbags en cas de crash.

 

O. K. Bye Bye.

 

Mais si ce sabir, ce charabia, ce jargon, ce nouvel espéranto pouvait permettre à tous les peuples de la planète Terre de se comprendre et de communiquer, je suis prêt à abandonner et à remiser au musée ma langue vernaculaire au profit de la paix mondiale. Mais ça aussi c’est utopique, n’est-ce pas Monsieur Zamenhof[54] ?

 

Jouons au subjonctif

 

1 Corneille et Racine se sont également affrontés sur le terrain du subjonctif. Pourrez-vous rendre à chacun d’eux les vers qu’il a écrits… et, accessoirement, citer les pièces au cours desquelles ils furent prononcés ?

 

A. « On craint qu’il n’essuyât les larmes de sa mère. »

B. « Que notre heur fût si proche et sitôt se perdît ? »

C. « Que vouliez-vous qu’il fît contre trois ? Qu’il Mourût !

D. Ou qu’un beau désespoir alors le secourût… »

E. « Voudrais-tu qu’à mon âge

F. Je fisse de l’amour le vil apprentissage ? »

 

2 L’intérêt que nous portons au subjonctif ne doit pas nous inciter à l’utiliser à tort et à travers. Dans deux des phrases ci-dessous, il n’est pas de saison. Lesquelles ?

 

A. Il fallait qu’il fît beau pour que les parasols fussent de sortie !

B. Tout cultivé qu’il fût, il ne put répondre à la question.

C. Après qu’il eût servi tous les convives, il se mit à table.

D. Beaucoup craignaient qu’il n’arrivât trop tard.

E. J’aurais aimé la rencontrer, ne fût-ce qu’un instant.

 

3 Ces écrivains, cités dans Le Bon Usage de Maurice Grevisse, n’ont pas appliqué à la lettre, la règle de la concordance des temps. Pouvez-vous y mettre bon ordre ?

 

A. J’allais dire qu’on apporte les sirops (Marcel Proust, À la recherche du temps perdu).

B. Il fallait bien que Marie me lâchât la main et que Loulou s’arrêtât pour que je l’embrasse (Paul Léautaud, Petit ami).

C. Peu s’en fallut que les insurgés ne s’emparent de la personne même du dauphin (Régine Pernoud, Jeanne d’Arc).

D. Il était juste qu’il leur fasse une place de choix dans sa vie (Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique).

E. Scynos devinait que cette foule applaudirait le verdict, quel qu’il soit (Didier Decoin, Ceux qui vont s’aimer).

 

4 Tous les verbes n’ont pas la chance de posséder un imparfait du subjonctif. Dans la liste qui suit, il ne sont que deux à jouir de ce privilège. Lesquels, selon vous ?

 

A. Absoudre

B. Asseoir

C. Clore

D. Coudre

E. Paître

F. Seoir

 

Solutions des jeux du chapitre Les croisé(e)s du subjonctif.

 

1 A. que j’appréciasse ; B. que j’écrivisse ; C. que je naquisse ; D. que je tinsse ; E. n’existe pas ; F. que je susse.

 

2 A. croire et croître (passé simple) ; B. falloir et faillir (présent) ; C. mouler et moudre (imparfait de l’indicatif ou présent du subjonctif) ; D. peigner et peindre (présent de l’indicatif ou du subjonctif) ; E. plaire et pleuvoir (imparfait du subjonctif) ; F. visser (présent de l’indicatif ou du subjonctif) et voir (imparfait du subjonctif).

 

 

Solutions des jeux du présent chapitre.

 

1 A. Racine, Andromaque ; B. Corneille, Le Cid ; C. Corneille, Horace ; D. Racine, Bajazet.

 

2 B et C, à la différence de quelque… que et de si… que, la locution tout… que se construit normalement avec l’indicatif (tout cultivé qu’il était). De même, il ne saurait être question de faire suivre après que du subjonctif, cette locution de temps annonçant un fait accompli !

 

3 A. apportât ; B. embrassasse ; C. s’emparassent ; D. fît ; E. fût.

 

4 B. assisse ; D. cousisse.

 

Toutefois, relire les notules 8 et 45. Pour le verbe absoudre, le gourou Littré nous dit : « J’absolus et j’absolusse sont peu usités ; mais on ne doit pas les exclure de l’usage, puisqu’on dit je résolus et je résolusse. »

 

Jeux de Bruno Dewaele

 

Annexes et documents

 

Extrait du Journal Officiel du 11 mars 1901.

Arrêté et circulaire relatifs à la simplification de la syntaxe concernant le verbe du 26 février 1901.

 

Concordance ou correspondance des temps.

 

On tolérera le présent du subjonctif au lieu de l’imparfait dans les propositions subordonnées dépendant de propositions dont le verbe est au conditionnel présent. Ex. Il faudrait qu’il vienne ou qu’il vînt.

 

Rappel de la notule 52

 

Note de l’auteur : Malheureusement, ils ont eu honte ! La première édition, malgré trois niveaux de corrections, a comporté de nombreuses coquilles suite à une erreur de transmission de support numérique entre la P. A. O. et l’imprimeur.

 

Lors du lancement du livre, des ouvrages « buggés » ont été envoyés aux divers services de presse et ce problème a considérablement nui à la promotion du livre.

 

Imaginez-vous la déception des personnes ayant participé à cette parution, notamment Jean Dutourd qui préfaça le livre…

 

Relisez la lettre de Michel Stevaert.

 

Ce n’est pas fini !

 

Les ouvrages « buggés », destinés au pilon, retournant des librairies, ont été mélangés à ceux de la nouvelle édition avec aucun moyen de les différencier de manière automatisée, histoire de code-barres (de cocaïne ?), m’ont appris les héroïnes de Hatier !

 

Un livre qui est titré : « Le bar du subjonctif » et qui comporte un tel nombre de fautes ne pouvait décemment pas faire l’objet d’une promotion de la part des médias qui, pourtant, attendaient cet événement !

 

Dans un bar, fût-il du subjonctif, on a parfois tendance à abuser de boissons alcoolisées !

 

Tout cela est bien stupéfiant ! Que j’en cannabisasse (ou que j’en cannabisse !).

 

Il faudrait maintenant que je me tusse ! Merci à tous les corupsistes, cordialement et… subjonctivement vôtre,

 

Alain-Parfait

Note aux fils spirituels de Maurice Grevisse

 

On nous objecte souvent notre usage de l’imparfait du subjonctif après un conditionnel présent. Le Bruxellois Claude BOUMAL nous l’émet ici avec un talent et humour :

 

« Cela dit, n’en faites tout de même pas trop : à force de n’en rechercher que l’effet comique, on en vient à négliger la règle grammaticale qui régit l’emploi de l’imparfait du subjonctif. Ainsi, aurait-il convenu que vous vous souvinssiez que celui-ci est un temps du passé, et ne saurait donc, dans une proposition subordonnée, être utilisé à bon escient qu’en présence d’un temps passé dans la proposition principale. On dira donc :

 

«Il faut (ou il faudrait) que vous le sachiez», mais «Il fallait (ou il fallut) que vous le sussiez».

 

Et, avec des temps composés :

 

«Il a (ou il aura) fallu que vous le sachiez», mais «il avait fallu (ou il a fallu) que vous le sussiez».

 

Le mieux étant encore – lorsque le contexte s’y prête, évidemment – d’avoir recours au mode conditionnel, de préférence dans sa deuxième forme :

 

«Il aurait (ou, mieux : il eût) fallu que le sussiez».

 

N’hésitons pas non plus à recommander, chaque fois que cela semble possible, le recours à son petit frère bâtard, le plus-que-parfait du subjonctif, bien que d’un effet nettement moins drôle :

 

«J’eus pensé qu’il eût fallu que vous eûtes su» (qu’est-ce que je vous disais ?). »

 

Nous rappelons ici que le XIXe siècle pudibond avait creusé la tombe de l’imparfait du subjonctif et qu’il avait été refoulé, par la suite, au fond de nos mémoires.

 

C’est à l’époque de la Restauration que les manuels de grammaire ont considéré qu’il était malséant de les utiliser et, lorsque c’était possible, qu’il fallait les remplacer par des infinitifs.

 

GRAND DICTIONNAIRE UNIVERSEL DU XIXe SIÈCLE

Édition de 1875, Tome 14 :

 

Il arrive souvent que, lorsque la règle l’exige, qu’un verbe soit mis à l’imparfait du subjonctif, beaucoup de personnes emploient le présent du même mode pour ne pas se donner d’affectation qui prêterait au ridicule.

 

Les lignes suivantes ont paru, il y a déjà quelque temps dans le Journal de Genève qui les rapportait sans en indiquer la source. C’est un badinage sans doute, mais un badinage instructif, puisqu’il est destiné à nous démontrer qu’au-dessus de toutes les règles de grammaire, il y en a une qu’il faut observer avant tout, c’est le goût.

 

Il faut maintenir l’imparfait du subjonctif mais il ne faut pas en abuser, comme on l’a fait, par plaisanterie d’ailleurs, dans les vers suivants… :

 

Tout d’abord vous m’idolâtrâtes,

Puis ensuite vous me trompâtes,

Je n’aurais pas cru que vous le pussiez,

Ni que, mon rival, vous l’aimassiez.

Il fallait que je vous écrivisse

Et que tous les jours je vous visse

Pour que vous me le répétassiez…

 

etc.

 

* * * *

 

La première édition du manuel de grammaire Le Bon Usage de Maurice Grevisse date de 1936 et ce génial grammairien avait oublié cette fameuse concordance latine que nous nous plaisons à réutiliser.

 

DES PREUVES ÉVIDENTES

 

Si un ministre de l’Éducation nationale, pour des raisons louables d’uniformité des corrections des examens civils et militaires, a formulé cette loi, c’est bien la preuve que cette règle était encore en usage.

 

Pour la petite histoire, il a omis de formuler cette tolérance pour les conditionnels passés, 1ère forme et 2e forme. Nous commettons donc une faute lorsque nous disons :

 

Il aurait fallu qu’il vienne ou il eût fallu qu’il vienne !

 

Et le gourou Littré aurait-il commis une faute en nous annonçant :

 

– « Ces formes n’ont rien de rude ni d’étrange et il serait bon que l’usage ne les abandonnât pas. » ?

 

C. Q. F. D.

 

 

 

 

 


À propos de cette édition électronique

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Janvier 2007

 

L’auteur :

Alain BOUISSIÈRE

 

Secrétaire fondateur de l’association type loi de 1901 :

Comité pour la Réhabilitation et l’Usage du Passé Simple et de l’Imparfait du Subjonctif (CO.R.U.P.S.I.S.)

 

bouissiere.alain@wanadoo.fr

 

N’hésitez pas à lui parler de votre lecture.

 

Édition papier :

Maquette : Grégoire Bourdin

Mise en page : Agata Miziewicz

Photo : Claire Delbos

Illustrations : Jean-Pierre Ormand, Sylvie Fassolis.

Édition : Marine Mousseigne

© Éditions Hatier, juillet 1999

Dépôt légal : juillet 1999

ISBN 2-218-72936-9

 

 

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[1] Odette Bled était d’origine agenaise.

[2] Se référer à « Annexes et documents ».

[3] La Nouvelle République du Centre-Ouest, 27/08/98.

[4] Je suis un « vouvoyeur », le voussoiement me sied… Cela pourrait être le refrain d’une chanson rap !

[5] Historia, décembre 1959.

[6] Raccourci d’un amour malheureux en subjonctif galvanisé. L’auteur de la lettre avait dessiné une vis.

[7] Henri Bonnet, Les amours et la sexualité de Marcel Proust, Éditions Nizet, 1985.

[8] Littré : D’après l’Académie, ce verbe est usité seulement à l’infinitif : braire ; aux troisièmes personnes du présent de l’indicatif : il brait, ils braient ; du futur : il braira, ils brairont ; et du conditionnel : il brairait, ils brairaient. Cela est trop sévère. D’abord un fabuliste, faisant parler des ânes, pourrait employer sans hésiter les autres personnes : je brais, tu brais, nous brayons, vous brayez ; de même au futur et au conditionnel. Puis rien n’empêche de se servir de l’imparfait : il brayait ; et des temps composés : il a brait, il avait brait, etc.

[9] La Setmana, 01/08/96.

[10] J’ai entendu une chanson rap qui parle de l’imparfait du contemplatif !

[11] Édité dans Rêveries jaunes, chez l’auteur, 56550 Belz.

[12] Note de l’auteur : nous savons désormais que ce poème n’est pas d’Alphonse Allais.

[13] Pensées d’un biologiste, Jean Rostand, Éditions Stock, 1939.

[14] Élan (fig.) : Mouvement affectif provoqué par un sentiment passionné.

[15] Strophe III du poème n° XXXIV

[16] Éditions Jas, 1998.

[17] Extrait de la revue Courrier des marches de France et d’Outre-mer, n° 157, printemps 1989.

[18] Rameaux et brindilles – Feuilles buissonnières.

[19] Mimi Poët a été la secrétaire du Corupsis en 1996.

[20] Des mots et merveilles, Claude Gagnère, Éditions Robert Laffont, 1989.

[21] Claude Gagnère, Au bonheur des mots, Éditions Robert Laffont, 1989.

[22] Entrevue, hors-série n° 2, été 1996.

[23] Juilly, Seine-et-Marne.

[24] Faites l’expérience, je n’invente rien.

[25] Paris au XIXe siècle, Éditions du Cherche Midi, 1994.

[26] Note de l’auteur : du verbe croître.

[27] Note de l’auteur : du verbe croire.

[28] La Voix du Nord, 05/11/1996.

[29] Xavier Darcos

[30] Ce type d’association existe en Écosse ou en Irlande !

[31] Éditions Gallimard, 1968.

[32] Communautariser : transférer de la compétence nationale à la compétence de chacune des communautés.

[33] Décauser : dénigrer.

[34] Poigner : saisir à pleines mains, s’attaquer à une (rude) tâche.

[35] Se ramasser : se hâter.

[36] Ces verbes sont des belgicismes (théoriquement réguliers ?) issus de Belgicismes. Inventaire des particularités lexicales du français en Belgique, collectif, Éditions Duculot, 1995.

[37] Rédacteur de la revue belge Bulletin Social.

[38] Revue de défense et d’illustration du français, luttant vigoureusement pour la sauvegarde des nénuphars et des oignons. Pour tout contact : Le Nénuphar, La Marjolaine, 14 av. Audiffret, 06100 Nice.

[39] Note de l’auteur : Le correspondant veut dire « précieux », j’ai failli le corriger, mais je trouvais cela tellement « délicieuse » !

Mike Stewart, un adhérent anglais résidant à Monpazier depuis quatre lustres m’a dit :

« Nous, en Grande-Bretagne, nous ne sommes pas sexistes ! »

[40] Subjonctif vient – dit-on – de subjectivus (qui sert à lier), lui-même issu de Subjugere (lier ensemble, mettre sous le même joug) D. Bévéraggi.

[41] C. P. avait reçu une circulaire administrative lui conseillant d’installer des plantations dans la cour de récréation !

[42] Se référer à la préface.

[43] Se référer au chapitre « Singulier subjonctif »

[44] Les articles annonciateurs de l’émission, souvent élogieux à notre égard, parus dans la presse écrite et parlée, ont également contribué à cette campagne médiatique. Merci à tous ces journalistes !

[45] La Dépêche, Dordogne, 13/06/96.

[46] Littré : Des grammairiens se sont plaints qu’on laissât sans raison tomber en désuétude plusieurs formes du verbe clore. Pourquoi, en effet, ne dirions-nous pas : nous closons, vous closez ; l’imparfait : je closais ; le prétérit défini : je closis ; l’imparfait du subjonctif : je closisse ? Ces formes n’ont rien de rude ni d’étrange et il serait bon que l’usage ne les abandonnât pas.

[47] Se référer à Annexes et documents.

[48] Mais pas tant que ça…

[49] Car espèce est un nom féminin.

[50] Se référer à Annexes et documents.

[51] Se référer à « Annexes et documents ».

[52] Note de l’auteur : Malheureusement, ils ont eu honte ! La première édition, malgré 3 niveaux de corrections, a comporté de nombreuses coquilles suite à une erreur de transmission de support numérique entre la P. A. O. et l’imprimeur. Lors du lancement de l’ouvrage, des ouvrages « buggés » ont été envoyés aux divers services de presse et ce problème a considérablement nui à la promotion du livre. Vous imaginez la déception des personnes ayant participé à cette parution (notamment Jean Dutourd qui avait préfacé le livre…). Dans un bar, fût-il du subjonctif, on a parfois tendance à abuser de boissons alcoolisées !

[53] Véhiculaire : se dit d’une langue servant à la communication entre des communautés ayant des langues maternelles différentes. Opposé à vernaculaire, langue propre à un pays, à une région.

[54] L’inventeur de l’espéranto.